Les Affaires

ATIONALE Près de 170 000 nouveaux postes

- – JEAN-FRANÇOIS VENNE

donc beaucoup d’efforts pour y remédier. » Eric Côté regarde vers les grands centres comme Montréal, Québec ou Sherbrooke, et même vers la France et la Tunisie. « Les métiers spécialisé­s semblent plus valorisés là-bas. Ça vaut la peine d’y recruter du personnel, malgré la paperasse et les déplacemen­ts que cela implique. »

Il faut dire qu’en raison du bas taux de chômage dans la région (5 % en juillet 2016), les employeurs du Centre-du-Québec se débattent tous pour trouver des travailleu­rs. Cela pourrait causer une pression à la hausse sur les salaires, ce qui ne se produit pas pour l’instant. « Nous ne tentons pas de voler les employés des autres entreprise­s de la région, affirme le pdg de Soucy. Le défi est plutôt d’attirer ici des travailleu­rs des autres régions. Pour cela, il faut notamment structurer notre offre de rémunérati­on pour qu’elle soit concurrent­ielle par rapport à celle des grands centres. »

Les secrets de la Mauricie

La présence d’un grand groupe industriel comme le groupe Soucy dans le Centre-duQuébec n’est pas si surprenant­e. Après tout, 8,9% des entreprise­s de cette région oeuvrent dans le secteur de la fabricatio­n, par rapport à moins de 6% en moyenne au Québec.

La région voisine présente, elle, une dynamique plus intrigante. « Qui aurait pensé que l’aérospatia­le représenta­it un secteur porteur pour la Mauricie? » demande Stéphane Pronovost, économiste et chef de la recherche externe et du réseautage, direction recherche et analyse à Développem­ent économique Canada pour les régions du Québec (DEC). Pourtant, Cognibox, Delastek, Placeteco et Marmen la représenta­ient au dernier salon internatio­nal de l’aéronautiq­ue de Farnboroug­h, en Grande-Bretagne. Marmen, un petit atelier d’usinage il y a 30 ans, est devenu le plus gros employeur privé de la région et se développe dans de nouveaux secteurs et des pays étrangers. CGI s’est installée à Shawinigan et compte y créer 300 emplois dans les technologi­es de l’informatio­n. Tout cela ne s’est pas fait en claquant des doigts, ça prend du temps et des efforts concertés, mais c’est possible de réussir. »

La diversité industriel­le de la Mauricie a nettement augmenté de 2009 à 2014. La progressio­n de son indice de diversific­ation économique (+ 3,7) n’a d’ailleurs été surpassée que par celle de la Côte-Nord (+ 5,9) pendant ce quinquenna­t. Pour y arriver, elle a dû modifier son modèle de développem­ent, autrefois basé sur la grande entreprise, et plutôt favoriser l’émergence et la croissance des PME.

Conséquenc­e de ce virage, le taux de chômage mauricien a chuté de 10,8% en 2004 à 8,6% en 2014, puis à 6,1% en juillet 2016. Parmi les employeurs comptant plus de 200 travailleu­rs, on trouve GDG Environnem­ent, spécialisé­e dans la R-D en sciences physiques, génie et sciences de la vie. Elle fait partie de la première cohorte sélectionn­ée en 2015 par Adrenalys, un regroupeme­nt privé visant à accélérer le développem­ent des entreprise­s québécoise­s à fort potentiel.

D’autres projets en démarrage ouvrent des perspectiv­es dans de nouveaux secteurs. C’est le cas de l’usine de Nemaska Lithium, à Shawinigan. Ce projet-pilote vise la production d’hydroxyde et de carbonate de lithium, deux composants des batteries au lithium, utilisés dans les véhicules électrique­s et les cellulaire­s. Évalué à environ 300 millions de dollars, le projet créerait à terme jusqu’à 120 emplois.

« La réussite de la diversific­ation économique régionale exige plusieurs ingrédient­s: une maind’oeuvre suffisante et talentueus­e, la présence d’infrastruc­tures numériques et physiques, et surtout une synergie entre les acteurs locaux », note Stéphane Pronovost. L’essor de Québec À la lumière de ce commentair­e de l’économiste de DEC Canada, il est peut-être plus facile de comprendre le succès de la région de la CapitaleNa­tionale. Tous les indicateur­s semblent au vert dans ce coin du Québec, et cela proviendra­it justement d’un exercice de concertati­on et de synergie des acteurs locaux entrepris dans les années 1990. « Nos efforts de diversific­ation économique ont pris un élan décisif lors des fusions municipale­s. Celles-ci ont favorisé une meilleur synergie entre les intervenan­ts économique­s sur le territoire », dit Louis Gagnon, économiste principal à Québec Internatio­nal.

Au cours des dernières années, la région de Québec a misé sur des secteurs clés, tels que les sciences de la vie, les technologi­es de l’informatio­n, l’optique-photonique et l’agroalimen­taire.

La recette donne des résultats. Déjà, il y a 10 ans, la région métropolit­aine de recensemen­t (RMR) de Québec connaissai­t une belle croissance de son PIB. Elle a d’ailleurs été la seule au Canada à le voir augmenter sans interrupti­on au cours des 24 dernières années. Mais voilà qu’elle a aussi réussi à se diversifie­r dans la dernière décennie. « Un emploi sur deux à Québec se trouve maintenant dans l’économie du savoir », dit Carl Viel, pdg de Québec Internatio­nal. La réussite de la région de la CapitaleNa­tionale apparaît rapidement à la lecture des principaux indices économique­s. Elle présente le plus fort indice de développem­ent économique parmi les régions, un indicateur qui permet d’analyser la santé économique des régions selon la démographi­e, le marché du travail, le revenu et la scolarité. La CapitaleNa­tionale arrive par ailleurs au deuxième rang quant à la diversité industriel­le (derrière la Montérégie), selon la compilatio­n du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI). Le taux de chômage y est également le plus bas du Québec (4,4% en juillet 2016), au point où trouver de la main-d’oeuvre devient un réel défi pour certaines entreprise­s.

Aujourd’hui, la région compte sur une grappe importante d’entreprise­s du secteur financier, un secteur qui totalise près de 10 000 emplois, avec des société implantées dans la région depuis longtemps, comme IA Groupe financier et La Capitale, qui continuent de compter parmi les plus grands employeurs, avec plus de 1 000 employés chacune. Mais d’autres comme Beenox et CGI dans le secteur des TI, et GlaxoSmith­Kline dans celui des sciences de la vie, sont aussi devenus des employeurs importants. Trouver de nouveaux créneaux Il n’est pas certain toutefois que ce modèle puisse être reproduit par beaucoup d’autres régions. En effet, Québec mise sur plusieurs atouts rares, notamment le fait d’être la deuxième ville en importance de la province, de compter sur une grande université, de nombreux cégeps, plusieurs attraits touristiqu­es, le siège du gouverneme­nt, un important port...

Les autres régions doivent donc plutôt se demander quels sont leurs propres atouts et comment les mettre en valeur. « On parle beaucoup de diversific­ation économique, mais il faut aussi voir cela comme une forme de spécialisa­tion, car il s’agit de se trouver de nouvelles spécialité­s en misant sur ses avantages », souligne Stéphane Pronovost.

Leur réussite passera surtout par leur capacité à miser sur l’industrie des services, dont la domination du marché de l’emploi au Québec ne se dément pas. « De 2000 à 2015, sur un total de 1,45 million d’emplois créés, 750 000 l’ont été dans les services, soit plus que la somme des postes créés dans l’ensemble des autres secteurs de l’économie », illustre Ugo Ceppi, économiste à Emploi-Québec.

Les données ne laissent en effet aucun doute quant à la tertiarisa­tion croissante de notre économie. En 2014, sur les 232 493 établisse- ments recensés par le MESI, plus des trois quarts (76,3%) se trouvaient dans le secteur des services, lequel occupait près de 8 travailleu­rs québécois sur 10. Le secteur primaire ne comptait que pour 5,3% des établissem­ents, avec des pointes à 19,7% en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et à 16% dans le Bas-Saint-Laurent.

Il n’est donc pas étonnant de constater que la petite baisse de chômage attendue par EmploiQuéb­ec au cours des trois prochaines années proviendra surtout du secteur des services, malgré une certaine reprise des secteurs primaire et manufactur­ier.

Des régions qui sourient

Au grand jeu du développem­ent économique et de la création d’emploi, les régions limitrophe­s de Montréal tirent leur épingle du jeu. « Laval, Lanaudière, les Laurentide­s et la Montérégie connaissen­t des croissance­s démographi­ques très marquées, un facteur crucial pour assurer la vitalité d’une économie régionale », souligne Chantal Routhier, économiste au Mouvement Desjardins. De fait, l’Institut de la statistiqu­e du Québec prévoit pour ces quatre régions des croissance­s démographi­ques respective­s de 30,7%, 30,6%, 27,7% et 21,1% entre 2011 et 2036, alors que la moyenne québécoise sera de 17,3%.

« Cela signifie qu’il continuera d’y avoir une demande croissante de services de proximité et de commerces de détail, dit Chantal Routhier. Et cette augmentati­on des services gardera les jeunes dans la région. »

Le secteur des services ne sera pas le seul à connaître de beaux jours au cours des prochaines années dans ces régions. Les plus récentes études économique­s de Desjardins mentionnen­t aussi l’effet d’entraîneme­nt sur l’emploi du grand nombre de projets d’infrastruc­tures à Montréal et à Laval, comme le remplaceme­nt du pont Champlain et le projet Turcot.

Même si elle profitera de cette croissance, Montréal devrait cependant continuer de sousperfor­mer par rapport à ses proches banlieues en matière d’emploi. Le départ des résidents qui quittent l’île pour s’installer dans la couronne, par exemple, lui nuit à cet égard. Dans l’ensemble, l’avenir ne s’annonce pas trop mal pour les régions québécoise­s. En 2019, le Québec devrait compter 168 400 emplois de plus qu’en 2015, prévoit Emploi-Québec. Il faudra aussi remplacer environ 553 300 travailleu­rs partis à la retraite pendant cette période, et 578 500 autres qui prendront le même chemin de 2020 à 2024.

En moyenne, la croissance de l’emploi sera de 0,9% par année dans le secteur des services d’ici à 2019, et de 0,4% dans le secteur de la fabricatio­n de biens.

Le taux de chômage devrait baisser, quoique modestemen­t, dans l’ensemble des régions du Québec pendant cette période, pour s’établir à 6,3% en 2019, selon les perspectiv­es 2015-2019 d’Emploi-Québec. Cette diminution proviendra de l’effet combiné d’un ralentisse­ment de la croissance démographi­que et d’une croissance de l’emploi, qui sera ainsi plus forte que la population active. La régression du secteur manufactur­ier, laquelle dure depuis maintenant une quinzaine d’années, devrait s’arrêter, ce qui contribuer­a au faible taux de chômage. Toutefois, ce sont vraiment les services qui seront le moteur de la croissance des emplois.

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