POWER CORP. : IL EST TEMPS DE CRÉER DE LA VALEUR POUR LES ACTIONNAIRES
Power Corporation (Tor., POW, 27,60$) a beau verser un généreux dividende qui plaît aux amateurs de revenus, la traversée du désert de son titre depuis 12 ans a de quoi susciter la grogne de ses actionnaires. C’est d’autant plus frustrant que l’entreprise contrôlée par la famille Desmarais semble peu empressée de fouetter sa performance.
Investir à long terme est une valeur chère aux yeux des Desmarais, qui gèrent non pas en années, mais en générations, à l’image des familles royales.
Je salue cette volonté d’éviter la « tyrannie de la mentalité à court terme », comme le dit Paul Desmarais Jr. dans une vidéo portant sur la création de valeur pour les actionnaires, diffusée sur le canal YouTube de Power à la fin de juillet.
Cela dit, il est temps que les actionnaires de longue date du conglomérat montréalais soient récompensés pour leur patience. Que l’on analyse la performance du titre sur un an, trois ans, cinq ans ou dix ans, celui-ci est à la traîne du marché dans son ensemble (S&P 500). L’action se trouve au même niveau qu’il y a 12 ans. Même en incluant le dividende, le rendement annuel du titre n’a été que de 2,6% sur 10 ans. À peine mieux que certains CPG!
Une telle performance éveillerait l’attention d’investisseurs activistes, si ce n’était de l’emprise des Desmarais sur le capital de l’entreprise.
De nombreux obstacles
La crise qui a frappé le secteur financier en 2008 et la chute des taux d’intérêt à long terme depuis ont ébranlé les activités du conglomérat. Le sort de Power est étroitement lié aux participations que sa filiale Financière Power (Tor., PWF, 29,91$) détient dans l’assureur vie Great-West (Tor., GWO, 31,69$), à hauteur de 67,4%, et dans le fournisseur de fonds communs Société financière IGM (Tor.,
IGM, 36,33$) (60,4%). Or, il est difficile de prévoir une amélioration marquée de la performance de ces dernières à court et à moyen terme.
IGM, qui possède Groupe Investors et Placements Mackenzie, doit surmonter plusieurs obstacles. Les changements réglementaires entrés en vigueur récemment au Canada, qui forcent les conseillers financiers à dévoiler clairement la performance des placements et l’ensemble des frais facturés, accroîtront la pression sur ses marges bénéficiaires. IGM compose déjà avec l’offensive des fonds négociés en Bourse (FNB) et l’émergence de solutions bon marché comme les robots-conseillers.
Pour demeurer concurrentielle, Investors devra encore réduire les frais de gestion de ses fonds. Son pdg s’est d’ailleurs dit prêt à sacrifier une partie de ses juteuses marges bénéficiaires afin d’accélérer la croissance des actifs, notait Gary Ho, analyste de Desjardins Marché des capitaux, après la publication des résultats du deuxième trimestre au début d’août.
Groupe Investors, dont les fonds sont jugés onéreux et dans l’ensemble peu performants, peinera à retrouver le taux de croissance annuel interne de 3% qu’il générait avant la crise financière, juge Brett Horn, de Morningstar.
Great-West affronte aussi des vents contraires, bien qu’elle ait maintenu le rendement du capital investi le plus élevé parmi les sociétés d’assurance vie du pays au cours des cinq dernières années. Les faibles taux d’intérêt forcent les assureurs à relever leurs réserves actuarielles et leur capital afin de répondre à leurs obligations envers leurs clients. Putnam Investments, son principal gestionnaire de fonds, reste défi- citaire. Et à moyen terme, Great-West pourrait pâtir de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, disent les financiers.
En parallèle, Power fait pivoter son portefeuille de placements de grandes sociétés européennes, qui comprend LafargeHolcim, Pernod Ricard et Total. Pargesa Holding, qu’elle contrôle avec la famille belge Frère, représente le troisième actif en importance de la Financière Power, à hauteur de 27,8%. Celle-ci réduit sa participation dans certaines entreprises, dont Total et Engie, pour accroître ses intérêts dans des sociétés de croissance et moins gourmandes en capital telles qu’Adidas, Ontex Group et Umicore.
Que faut-il donc pour doper la performance de Power? Une bougie d’allumage plus visible, dit Geoffrey Kwan, de RBC Marchés des Capitaux. Entre autres catalyseurs potentiels, l’analyste évoque une amélioration notable de la rentabilité de Putnam, une plus forte croissance chez IGM, l’apaisement des craintes des investisseurs à l’égard des changements dans l’industrie des fonds ou un événement créateur de valeur distinct des activités de Great-West et d’IGM.
La différence entre Power et Berkshire
À l’instar de Berkshire Hathaway (NY, BRK.B, 147,91$ US), conglomérat de Warren Buffett, Power a prospéré grâce au secteur de l’assurance. Mais à la différence de Power, Berkshire s’est diversifiée au fil des décennies à coup d’acquisitions dans les chemins de fer, la fabrication, l’alimentation et l’énergie. La proportion des bénéfices d’exploitation de Berkshire provenant de l’assurance baissera encore à la suite du récent achat de Precision Castparts.
Les investisseurs attendent une acquisition d’envergure depuis plusieurs années de la part de Power. Et quand l’analyste de RBC parle d’un événement créateur de valeur distinct des poids lourds actuels de la société, il parle peut-être d’une acquisition qui la métamorphoserait. Ou encore de l’élimination de la double structure de capital (retirer la Financière de la cote, ce qui éviterait le dédoublement de dépenses). De tels événements aideraient certainement le titre à obtenir une meilleure valorisation en Bourse.
Les actionnaires de Power devront-ils attendre l’entrée en scène de la troisième génération des Desmarais pour vivre cet événement créateur de valeur tant espéré? Dans une rare entrevue, les frères Desmarais ont confié au Wall Street Journal il y a quelques jours qu’ils préparaient le passage du flambeau aux cousins Paul III et Olivier, tous deux âgés de 34 ans. Olivier a notamment participé à la conception de La Presse+, tandis que Paul III s’est penché sur les sociétés de fintech.
Paul III est aussi impliqué dans un placement qui, pour le moment, a mal tourné. Par l’intermédiaire de sa filiale d’investissement Sagard Capital, Power est devenue le principal actionnaire de Performance Sports Group (Tor., PSG, 3,28$), à hauteur de 16,9%. Le fabricant d’équipement de hockey Bauer fait l’objet d’une enquête de la part des autorités en valeurs mobilières des États-Unis et a récemment averti qu’il ne pourra déposer ses résultats annuels vérifiés à temps. L’action de PSG, qui frisait les 25$ en mai 2015, a chuté à 1,55$ après les récents événements. Paul III devait entrer au conseil de PSG, mais il a retardé cette décision en raison des enquêtes en cours.
Que cherchait Power en investissant dans PSG? Redresser une entreprise qui possède de belles marques ou, comme le laisse entendre Graeme Roustan, ancien président du conseil de PSG, obtenir de l’information critique qu’elle peut transmettre à Adidas, qui possède l’équipementier de hockey CCM? Actionnaires de Power, il est à souhaiter que ce ne soit pas sur le type d’investissement de PSG que reposera la création de valeur de la société dans l’avenir.
Les fonds de placement immobilier à capital fermé, mieux connus sous leurs sigles FPI (REIT, en anglais), prennent du galon à la Bourse de Toronto.
L’administrateur S&P Dow Jones, qui divise le S&P/TSX en 10 secteurs économiques, leur donne en effet leur propre classification, en même temps qu’il le fait dans tous ses indices aux États-Unis et en Australie.
Les FPI étaient auparavant camouflés à l’intérieur du secteur de la finance, dominé par les banques. Seize FPI et cinq sociétés immobilières seront tout simplement déplacés dans un nouveau secteur, le onzième, après la clôture du marché le 16 septembre. Cette date correspond au prochain remaniement trimestriel de l’indice.
De nouveaux acheteurs potentiels
Même si leur poids de 3,2 % ne change pas dans l’indice, la création d’un secteur à part entière pour les FPI devrait attirer de nouveaux investisseurs, croient plusieurs analystes.
Il semble en effet que les fonds communs font peu de place aux FPI en portefeuille, puisque la pondération de 35 % du secteur de la finance pèse déjà bien lourd, explique Ian de Verteuil, de Marchés mondiaux CIBC.
L’analyste soupçonne aussi que bien des gestionnaires de fonds possèdent le titre du géant de l’immobilier et des infrastructures Brookfield Asset Management ( BAM.A, 43,80 $). Or, cette société de gestion des actifs reste dans le secteur de la finance. Cela devrait créer de la demande pour les FPI les plus négo- ciables de la part d’investisseurs qui voudront mieux se coller à l’indice, croit-il.
Brookfield Property Partners ( BPY.UN, 30,33 $), RioCan Reit ( REI.UN, 27,91 $), H&R Reit ( 23,41 $), Smart Reit ( SRU.UN, 37,05 $) et Canadian Apartment Properties Reit ( CAR. UN, 30,80 $) sont les FPI les plus imposants.
« Il deviendra plus difficile à l’avenir pour les pros de justifier pourquoi ils ne détiennent pas de FPI en portefeuille », évoque Martin Roberge, stratège quantitatif de Canaccord Genuity.
Cela dit, les FPI ont donné un rendement total de 19,7 % depuis le début de l’année, ce qui reflète déjà un peu d’achat institutionnel, en plus du recul des taux d’intérêt, estime M. de Verteuil.
L’analyste de CIBC reste toutefois convaincu que les FPI bénéficieront graduellement de nouveaux acheteurs qui voudront diversifier leur portefeuille hors des poids lourds de la finance et de l’énergie.
Les distributions régulières des FPI restent aussi attrayantes par rapport aux dividendes des fournisseurs de services de télécommunications et d’électricité et aux exploitants de pipelines, dont les titres sont beaucoup plus chèrement évalués à son avis.
Le rendement moyen de 5,4 % que procurent les distributions de FPI est aussi encore nettement supérieur à celui de 3,3 % des obligations de sociétés de qualité institutionnelle et de celui de 1,02 % des obligations gouvernementales de 10 ans.
Il est sage de modérer ses attentes
À court terme cependant, l’élan des FPI s’essouffle un peu en raison des résultats modestes dévoilés par plusieurs d’entre eux au deuxième trimestre. Les investisseurs réévaluent aussi la probabilité d’une deuxième hausse du taux directeur de la part de la Réserve fédérale des États-Unis, note Michael Markidis, de Desjardins Marché des capitaux.
L’indice S&P/TSX Capped REIT a fléchi de 1,9 % depuis un mois. Trois FPI présents en Alberta ont perdu davantage. Par exemple, Northview Apartment Reit ( NVU.UN, 20,34 $) a chuté de 9,4 %, Dream Office Reit ( D.UN, 16,40 $), de 14,3 %, et Boardwalk Reit ( BEI.UN, 50,07 $), de 10 %.
Certains analystes conseillent donc à leurs clients de tempérer leurs attentes à l’égard des FPI d’ici la fin de l’année, parce que la croissance annuelle de leurs flux de trésorerie ralentit de 4 à 2 %.