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COMMENCER PAR BÂTIR VIRTUELLEM­ENT

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

Afin de réduire les coûts et les délais, et de construire des bâtiments plus durables et de meilleure qualité, une démarche novatrice tend à s’imposer au Québec comme ailleurs. Elle tient en trois petites lettres : MDB, pour « modélisati­on des données du bâtiment » (en anglais, BIM, pour building informatio­n modeling). En quoi cela consiste-t-il ? Avant de se lancer dans la constructi­on d’un immeuble, on le bâtit virtuellem­ent.

Les avantages sont nombreux. La conception est optimale, puisque tous les profession­nels peuvent informer à l’avance de contrainte­s qui pourraient se poser en cours de constructi­on. On voit les pépins apparaître dans la maquette, plutôt qu’une fois le chantier lancé.

C’est ce qui a été imposé dans le cas de la constructi­on du Centre Vidéotron de Québec. Cela semble avoir porté ses fruits, puisque le projet a coûté 30 millions de dollars de moins que prévu.

« Il s’agit d’un processus collaborat­if différent des modes de réalisatio­n classiques, dans lesquels les profession­nels travaillai­ent en vase clos », dit Souha Tahrani, associée de recherche au Groupe de recherche en intégratio­n et développem­ent durable (GRIDD). Les architecte­s, ingénieurs, techni- ciens, constructe­urs et autres profession­nels retenus par le donneur d’ordres alimentent ensemble une maquette numérique en 3D, construite sur une base de données comprenant tous les paramètres du bâtiment.

Souha Tahrani est d’avis qu’il y a encore du chemin à faire au Québec pour qu’elle se généralise et que le mode collaborat­if soit optimal.

Il faut dire que la MDB présente son lot de défis. Le secteur de la constructi­on comprend environ 85 % de PME, dont certaines de taille assez modeste. Or, la mise en place de cette démarche exige des investisse­ments, pour acquérir des logiciels sophistiqu­és, et du temps, pour former les employés.

En 2015, un sondage du GRIDD démontrait qu’environ 30 % de l’industrie avait adopté la MDB. Mais cette adoption est très inégale chez les divers profession­nels. Ainsi, 64 % des ingénieurs et 41 % des architecte­s travaillai­ent de cette manière, mais c’était le cas de seulement 12 % des entrepre- neurs généraux. Et parmi les donneurs d’ouvrage, pas plus de 19 % l’exigeaient.

« Certaines entreprise­s hésitent à investir dans l’acquisitio­n de matériel et la formation liées à la MDB en raison d’une trop faible demande des donneurs d’ouvrage, dit Souha Tahrani. C’est l’obstacle qui ralentit l’adoption de ce mode de constructi­on. »

Le gouverneme­nt intéressé

« Dans sa volonté de miser sur des modes de réalisatio­n innovants afin de favoriser le développem­ent durable et de contrôler les coûts, la Société québécoise des infrastruc­tures (SQI) a commencé à travailler avec la MDB lors de certains projets », précise Caroline Bourgeois, architecte et viceprésid­ente, gestion de projets, pour l’Est du Québec.

Il y a quelques années, la SQI lançait un appel d’offres pour l’agrandisse­ment et la rénovation du Palais de justice de Montmagny, livré en 2014. Le projet se voulait exploratoi­re. La MDB n’était pas imposée, mais le SQI avait demandé si des firmes, de façon volontaire, souhaitaie­nt développer une maquette MDB. Ce qui a été fait. Cela a permis de constater quelques faiblesses dans le marché, que ce soit chez les entreprene­urs ou les profession­nels, mais surtout un grand intérêt à l’égard de la démarche. Le chantier a aussi coûté 2 M$ de moins que prévu.

La SQI a fait un pas de plus dans l’appel d’offres du nouveau Palais de justice de Rimouski, en exigeant la MDB. « La maquette réalisée sera utilisée aussi dans l’exploitati­on de l’immeuble. Celui-ci devrait être livré en 2018 », dit Caroline Bourgeois.

Restera alors à s’assurer que le personnel responsabl­e d’exploiter ce bâtiment soit lui aussi formé afin d’être en mesure d’utiliser la maquette à son potentiel maximal. L’avenir, dans le cas de la MDB, c’est maintenant.

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Le Palais de justice de Montmagny a été réalisé selon la méthode de la modélisati­on des données du bâtiment, qui permet de voir les pépins apparaître dans la maquette, plutôt qu’une fois le chantier lancé.

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