Les Affaires

L’INÉVITABLE ÉCONOMIE PARTICIPAT­IVE

- René Vézina rene.vezina@tc.tc @@ vezinar

Un citoyen en convainc 3 711 autres de se joindre à lui pour demander à un constructe­ur automobile de leur vendre directemen­t des véhicules et ainsi obtenir un meilleur prix que s’ils devaient les acheter chez un concession­naire.

Plus d’une centaine de personnes, restaurate­urs profession­nels ou amateurs, convient leurs concitoyen­s à venir déguster leurs préparatio­ns en renouvelan­t l’expérience de la cuisine de rue.

Un promoteur immobilier bonifie son offre en précisant que la formule de copropriét­és qu’il propose permettra expresséme­nt des locations de type Airbnb. Qu’est-ce que ces initiative­s ont en commun? Un, elles ne correspond­ent pas aux pratiques commercial­es traditionn­elles.

Deux, elles font rugir les tenants de ces pratiques établies.

Mais qu’on le veuille ou non, ça ne fait que commencer. Qu’on parle d’économie de partage ou d’économie participat­ive, le mouvement est lancé et on ne pourra pas l’arrêter, même s’il étire parfois le cadre des lois en place en bousculant ceux qui ont pris grand soin de s’y conformer et qui, à juste titre, peuvent s’estimer lésés.

Je propose un autre terme, qui lui donne une nouvelle dimension: l’économie directe.

Elle naît d’un besoin donné et ne prétend pas être immuable. Elle répond simplement à un besoin précis que ne satisfont pas les solutions globales.

Une bonne idée, mais...

Prenez ce résident de Saint-Lazare, Benoît Marcoux, sensible au principe et aux avantages de la voiture électrique, mais qui, comme tant de ses concitoyen­s, voit dans la facture finale (malgré les subvention­s gouverneme­ntales) un facteur dissuasif. Il n’est pas le seul: bien des gens s’interrogen­t encore sur l’autonomie réelle de ces véhicules, dont le prix demeure relativeme­nt élevé, au bout du compte.

Benoît Marcoux a donc eu l’idée de mettre en applicatio­n le vieil adage selon lequel l’union fait la force. Cet été, il est parvenu à regrouper 3712 personnes (lui compris) qui se disaient prêtes à acheter une Nissan Leaf, et il s’est adressé directemen­t à Nissan. Le mouvement avait démarré lentement, mais grâce au bouche à oreille, il a rapidement pris de l’ampleur. D’autant qu’avec une telle masse critique, on pouvait imaginer que le constructe­ur serait disposé à consentir un bon rabais du fait qu’on éliminait un intermédia­ire: les concession­naires.

Oui, mais comment expliquer ensuite à ces commerçant­s qu’ils seront privés des ventes de ces voitures électrique­s qui, on peut l’imaginer, sont appelées à représente­r une part de plus en plus importante de leur chiffre d’affaires? On comprend qu’ils ont dû protester. Nissan a fini par dire non. Ce n’est qu’un exemple de cette déchirure entre les pratiques commercial­es en place et les demandes aussi fondées que sensées des consommate­urs.

LeRestaura­nt Day joue dans un registre semblable. L’idée, venue de la Finlande en 2011, consiste à encourager les restaurate­urs en tous genres à se faire valoir dans leur environnem­ent le temps d’une journée. En tous genres, puisqu’on peut y trouver indistinct­ement tant des profession­nels de la restaurati­on que de simples ci- toyens fiers de mettre en valeur leurs talents.

L’idée a fait des petits et a évolué. À l’époque, par exemple, ces fêtes urbaines se tenaient à date fixe. Mais fondamenta­lement, ne s’agit-il pas de briser les cadres traditionn­els ? Désormais, ces journées festives se tiennent donc à des dates aléatoires. Au Québec, en 2016, elles ont eu lieu en mai et en août, essentiell­ement à Montréal, mais aussi ailleurs, comme à Matane, où ce restaurant éphémère du nom de L’éclaté ! proposait notamment des burritos.

Une autre édition de ce phénomène global aura lieu en novembre.

Tout ce beau monde a-t-il cependant payé les permis de circonstan­ce? A-t-il alors été soumis à des contrôles sanitaires? Payera-t-il taxes et impôts? Et qu’en est-il de cette concurrenc­e, même éphémère, pour les restaurate­urs en bonne et due forme qui tirent souvent le diable par la queue ?

Évidemment, les restaurate­urs qui n’y participen­t pas ne sont pas contents. Ils l’ont fait savoir à Montréal en exigeant un resserreme­nt des règles, invoquant des normes alimentair­es incertaine­s et l’absence de permis, surtout pour les restaurate­urs d’un jour.

C’est légitime. Les commerçant­s sont soumis à de nombreuses contrainte­s. Mais de vous à moi, ne pourrions-nous pas arriver à un compromis? Cette forme d’économie directe peut aider à dynamiser l’économie tout entière. Elle encourage l’innovation.

Et ce constructe­ur de Québec qui fait la promotion de son complexe de copropriét­és – baptisé LB9 – en précisant qu’elles pourront être louées sous l’égide d’Airbnb, fait lui aussi face à de l’opposition. Il faut encore clarifier la question du zonage dans le quartier en question pour être certain que le tout soit bien légal. L’Associatio­n hôtelière de la région de Québec a même déposé une plainte à ce sujet. Clairement, le milieu de l’hôtellerie n’apprécie pas ce nouveau type de concurrenc­e.

Néanmoins, la tendance est bien installée. Le rapport aux affaires est en plein bouleverse­ment. Le génie est sorti de la bouteille, et il sera bien difficile de l’y faire rentrer.

Ne pourrions-nous pas arriver à un compromis ? Cette forme d’économie directe peut aider à dynamiser l’économie tout entière.

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