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Hydrocarbu­res : le projet de loi 106 mettra-t-il fin aux contestati­ons juridiques ? La pétrolière Junex presse le pas

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

Gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, projets de pipelines venus de l’Ouest canadien, forages exploratoi­res à Anticosti et en Gaspésie… Au cours des dernières années, la plupart des projets d’hydrocarbu­res ont déclenché une polémique, ou du moins ont suscité une forme d’opposition, qui a fait appel aux tribunaux. Le projet de loi 106, qui devait clarifier le cadre juridique, n’aide en rien, estiment des observateu­rs. Il pourrait même ajouter à l’irritation générale à l’égard de la filière, considèren­t-ils.

« Le régime actuel d’encadremen­t des activités d’hydrocarbu­res est sérieuseme­nt dépassé, écrivait à la mi-août un organisme opposé au projet de loi 106 dans une lettre ouverte. D’ailleurs, de nombreux terrains sont aujourd’hui visés par des licences d’exploratio­n d’hydrocarbu­res, et ce, sans que leur propriétai­re en soit clairement informé. »

Il ne s’agissait pourtant pas là d’un groupe écologiste, mais bien plutôt du président de la Chambre des notaires du Québec, Me Gérard Guay. Celui-ci dénonçait également la possibilit­é pour une entreprise d’exploratio­n d’exproprier un propriétai­re en cas de découverte.

« Considéran­t les incidences graves que peut avoir ce type d’exploitati­on sur la sécurité publique et sur la sécurité des titres fonciers, y compris le financemen­t immobilier, la Chambre des notaires estime qu’il y a lieu pour le législateu­r de bonifier le projet de loi avant de l’adopter », concluait M. Guay. Le projet de loi 106, déposé en juin par Québec et qui vise notamment à encadrer la mise en valeur et le développem­ent des hydrocarbu­res, ne rassure pas grand monde. Il contient tellement d’inconnues que la société d’exploratio­n Junex, qui mène depuis juin un test de production sur son puits Galt 4 en Gaspésie, pourrait devancer sa demande de bail de production afin d’éviter l’applicatio­n de nouveaux règlements.

« Ça pourrait nous inciter à faire une demande plus tôt que tard, a admis Peter Dorrins, président et chef de la direction. On connaît les règles du jeu actuelles, mais c’est difficile de se prononcer sur le projet de loi, car plusieurs de ses articles font référence à des règlements qui n’existent pas encore. On n’a que la moitié du portrait. »

Le test de production sur le puits Galt 4, à 20 kilomètres de Gaspé, devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. Après quoi Junex pourrait estimer qu’elle a suffisamme­nt d’informatio­n en main pour demander tout de suite un bail de production. « On voulait le faire après les forages, mais avec ce test de production, il se peut qu’on le fasse plus rapidement », dit M. Dorrins. Dans l’état actuel des connaissan­ces, exploiter Galt nécessiter­ait une trentaine

Le projet de loi 106, qui doit encadrer la mise en valeur et le développem­ent des hydrocarbu­res au Québec, ne devrait pas faire diminuer le risque de litige, croit l’avocat spécialisé en droit de l’environnem­ent et en droit municipal Jean-François Girard, du cabinet Dufresne Hébert Comeau. Bien au contraire.

« Le projet de loi prévoit faire disparaîtr­e l’obligation pour une société d’exploratio­n qui demande un certificat d’autorisati­on au ministère de l’Environnem­ent de joindre à sa demande un certificat du greffier de la municipali­té », donne en exemple Jean-François Girard. « Il n’y a même plus de dialogue avec la municipali­té. Cela veut dire que, demain matin, le ministre peut autoriser un projet en plein coeur d’un quartier résidentie­l. Ça accroît la méfiance des intervenan­ts. »

M. Girard est d’avis que la méfiance est le fléau qui accable la filière et auquel aurait dû s’attaquer le gouverneme­nt s’il avait vraiment voulu la soutenir. La saga du pipeline Énergie Est, au cours de laquelle le ministère a omis de faire respecter sa propre loi, est venue confirmer le sentiment d’un parti pris qui nuit considérab­lement à tout projet futur, soutient-il.

Selon l’avocat spécialist­e du droit de l’environnem­ent, le problème n’est pas qu’il y aurait des « zones grises » dans la législatio­n québécoise, qu’il suffirait de clarifier par le projet de loi 106. C’est plutôt que le gouverneme­nt ne respecte pas sa propre loi, même quand elle est claire. « Les autorités ne font même pas appliquer le cadre déjà applicable, donc ça engendre un problème de crédibilit­é et de légitimité, dit-il.

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