Les Affaires

Trump profite de la perte de confiance envers l’establishm­ent

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a grande popularité de Donald Trump auprès d’une bonne partie de l’électorat américain ne s’explique pas par ce qu’il dit, mais plutôt par ce qu’il représente: le désir de changement. Ces électeurs ne font plus confiance aux deux grands pouvoirs qui dirigent leur pays: 1. Wall Street, où les banques manipulent les marchés et tirent profit d’activités souvent frauduleus­es; 2. Washington, où des congressis­tes sont maintenus en poste par des groupes d’intérêts puissants.

Une raison sous-jacente est la faiblesse de la candidate démocrate, Hillary Clinton, qui est associée à l’establishm­ent politique et financier et qui manque de crédibilit­é. Bernie Sanders, qui incarnait le changement, aurait été un meilleur candidat pour affronter Donald Trump.

Le scandale de Wells Fargo

Les électeurs désabusés qui s’alimentent des commentair­es de tout un chacun sur les médias sociaux ont eu une foule d’occasions de nourrir leur cynisme ces derniers jours.

Commençons par le dernier scandale à survenir dans le monde bancaire, celui de Wells Fargo (troisième banque américaine en ce qui a trait à l’actif sous gestion). Convoqué par un comité du Sénat, son président, John Stumpf, a offert ses plates excuses pour l’ouverture de deux millions de comptes bancaires et de cartes de crédit à l’insu des clients sur huit ans et pour le congédieme­nt des 5 300 employés de succursale­s qui les avaient ouverts, alors qu’aucun de leurs patrons n’a été viré. Pire encore, on a licencié les employés qui avaient dénoncé ce système.

Ce scandale s’explique par le mode de rému- nération incitatif mis en place, dont tout le monde profite dans la hiérarchie de la banque, y compris Stumpf. Interpellé­e par la justice fédérale, la banque a payé 185 millions de dollars américains d’amendes. Sentant la soupe chaude, la grande patronne du service a annoncé son départ, avec comme récompense pour services rendus 125M$ US en rentes, actions et options. La sénatrice Élizabeth Warren a demandé à Stumpf de démissionn­er. S’il quittait, il pourrait partir avec 200 M$ US de rentes, d’actions et d’options. Depuis l’éclatement de la crise, l’action de Wells Fargo a chuté de 6% par rapport à l’indice bancaire du Dow Jones. Le CA de Wells Fargo est muet. Même chose pour Warren Buffett, l’un des plus importants actionnair­es de la banque.

Stumpf est le dernier grand banquier à passer au confession­nal du comité bancaire du congrès au cours des dernières années. Tous s’excusent, mais repartent indemnes. Les péchés sont payés par les actionnair­es. Lors du scandale des subprimes (prêts hypothécai­res à taux élevé), qui a déclenché la crise de 2008, ce sont 37 milliards de dollars américains d’amendes et d’indemnités que le ministère de la Justice a obtenus des grandes banques impliquées en date du 20 août 2014. Aucun de leurs dirigeants n’a été accusé, malgré les millions de personnes qui ont été victimes de ces malversati­ons. Une nouvelle loi pourrait maintenant permettre de poursuivre les hauts dirigeants de sociétés qui s’adonnent à des malversati­ons pour lesquelles les actionnair­es ont payé des dizaines de milliards de dollars d’amendes et d’indemnités diverses.

L’indécence des pharmas

Presque en même temps que Stumpf, un autre comité du congrès a entendu Heather Bresch, présidente de Mylan, qui a tenté de justifier la hausse de 100$ US en 2007 à 608$ US en 2016 du prix d’un paquet de deux auto-injecteurs (EpiPen). L’action de Mylan a perdu 15% de sa valeur en Bourse en quelques semaines.

Cet abus s’ajoute à plusieurs autres: hausse de 3 900%, à 9561$ US, du prix d’un tube de 60 g de crème Aloquin contre l’acné et l’eczéma par Novum Pharma. Avant son rachat par Novum il y a 17 mois, Primus vendait ce tube 241,50$ US; hausse de 5456% (de 13,50$ US à 750$ US) d’une pilule de Daraprim, un médicament pour traiter le VIH, par Turing; hausse par Retrophin de 1,50$ US à 30$ US du prix d’une pilule de Thiola (les patients peuvent consommer jusqu’à 15 pilules par jour). Quand Martin Shkreli, qui a dirigé Retrophin et Turing, a comparu devant le Congrès en février 2016, il a refusé de répondre aux questions des élus. Shkreli est accusé de fraude financière. Enfin, Valeant a elle aussi haussé abusivemen­t le prix de médicament­s de sociétés qu’elle rachetait. Les irrégulari­tés qu’on lui reproche ont eu raison de son président et entraîné la chute de 335 à 35$ CA en un an du prix de son action en Bourse.

Il est facile de comprendre que de nombreux électeurs répudient leurs élites financière­s et politiques. Ils ne se formalisen­t pas des inepties de Donald Trump et pensent qu’il a peut-être une chance de faire le ménage.

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