Les Affaires

« Même si on est loin des grands centres, on peut créer de belles entreprise­s » Ces gens qui font une région

– Jean Pouliot,

- Série 3 de 3 Nathalie Vallerand redactionl­esffaires@tc.tc Voir grand

Pour mousser l’entreprene­uriat, la Société de promotion économique de Rimouski (SOPER) peut compter sur Jean Pouliot, président de Produits métallique­s PMI. « Il trouve toujours le temps de nous appuyer dans plusieurs projets, dit le directeur général de la SOPER, Martin Beaulieu. Il veut vraiment donner le goût aux gens de se lancer en affaires. »

C’est ce qu’il fait, par exemple, lorsqu’il visite les élèves du programme Lancement d’une entreprise du Centre de formation RimouskiNe­igette pour leur raconter son parcours d’entreprene­ur. Mais attention : pas question pour lui de dorer la pilule. « M. Pouliot est transparen­t, il n’hésite pas à parler de ses erreurs, dit Véronique Mariève Gosselin, conseillèr­e à la SOPER. C’est quelqu’un de très inspirant. »

En entrevue, le principal intéressé exhorte les entreprene­urs de sa région à avoir de l’ambition. « Il ne faut pas avoir peur de voir grand, d’oser. Même si on est loin des grands centres, on peut créer de belles entreprise­s », affirme Jean Pouliot.

Pas étonnant qu’il soit l’un des ambassadeu­rs pour le Bas-Saint-Laurent de Prospérité Québec, la campagne du Conseil du patronat du Québec pour valoriser la croissance économique.

L’entreprise de Jean Pouliot, justement, est l’un des fleurons de sa région. Fondée en 1951 par son père, Raymond, elle compte 85 employés et se spécialise dans la fabricatio­n et l’installati­on de structures d’acier. « On est les meilleurs dans les charpentes métallique­s et on ne fait que ça, dit l’homme d’affaires. On offre la solution complète, comprenant l’ingénierie. » Récemment, PMI a travaillé à l’agrandisse­ment de l’usine de liquéfacti­on, de stockage et de regazéific­ation de Gaz Métro, située dans l’est de Montréal. Elle a aussi fabriqué et érigé un bâtiment électrique pour le site hydroélect­rique de Muskrat Falls, au Labrador. Et elle vient de terminer la charpente d’acier de l’Assemblée nationale du Bénin, en Afrique de l’Ouest.

Quand Jean Pouliot parle de voir grand, il s’inclut dans le lot. Car ces temps-ci, sa PME s’affaire à concevoir une structure d’acier pour sa propre usine de Rimouski. PMI procède à des travaux d’agrandisse­ment qui feront passer sa superficie de 35 000 à 50 000 pieds carrés. Elle ajoute également des équipement­s pour automatise­r une partie de la production. Cet investisse­ment de 5 millions de dollars permettra de doubler la capacité de production.

« Il faut investir en automatisa­tion pour augmenter la productivi­té, soutient l’entreprene­ur. C’est d’autant plus nécessaire que le recrutemen­t de la main-d’oeuvre est difficile. Il n’y a pas assez de soudeurs-assembleur­s qui sortent des écoles », souligne-t-il.

Une hausse de la productivi­té permettra également de compenser les coûts plus élevés du transport qui résultent de sa localisati­on géographiq­ue. À l’exception de Ciment McInnis et de quelques autres, la quasi-totalité de ses clients provient en effet de l’extérieur de la région. Mais malgré cela, Jean Pouliot n’aurait pas voulu bâtir son entreprise ailleurs.

« Rimouski est une petite grande ville où il y a tous les services, dit-il. Le cadre de vie est enchanteur. Et il n’y a pas de trafic! »

Au beau fixe

Il n’est sûrement pas le seul à penser cela, car le climat économique est plutôt bon dans la MRC de Rimouski-Neigette.

« Nos indicateur­s économique­s sont tous à la hausse et notre taux de chômage n’est que de 4 à 5 %, signale Martin Beaulieu. On a aussi de belles entreprise­s qui émergent, comme la Distilleri­e du St-Laurent, qui produit du gin macéré avec des algues de la région. »

Signe que ça va bien : le parc industriel de Rimouski affiche complet, et des travaux d’agrandisse­ment seront menés l’an prochain pour augmenter sa superficie de 50 %. « En 2018, on pourra accueillir de 25 à 30 entreprise­s de plus », souligne M. Beaulieu, qui ajoute que sa municipali­té attire notamment des entreprise­s du secteur maritime et de celui des technologi­es de l’informatio­n (TI). « Un emploi sur cinq est en TI. Telus, avec 1500 employés, est le plus grand employeur privé. »

D’autres projets sont sur les rails, dont la constructi­on du Parc éolien Nicolas-Riou, qui comprendra 65 éoliennes. Ce projet de 500M$ est le fruit d’un partenaria­t entre les huit MRC du Bas-Saint-Laurent, Énergie de France et la Première Nation malécite de Viger. Quelque 400 emplois sont créés pendant les travaux. À terme, le Parc éolien emploiera une dizaine de personnes.

Parmi les projets annoncés, il y a celui de la firme Odacité, de Mont-Saint-Hilaire, qui a acquis des terrains près de la Cité des Achats, à Rimouski, pour y bâtir quatre immeubles commerciau­x. Il s’agirait d’un investisse­ment de 15 à 20 M$. La chaîne Riôtel projette pour sa part d’investir 15 M$ dans la constructi­on d’un hôtel avec vue sur le fleuve.

Enfin, Rimouski voit son bassin d’entreprene­urs se renouveler. « On a plusieurs cas de relève d’entreprise ces temps-ci, dit M. Beaulieu. Par exemple, le Central Café, une véritable institutio­n ici, a été repris par des employés qui ont formé une coopérativ­e. Pour un repreneur unique, la bouchée aurait été grosse, mais le modèle coopératif procure des leviers de plus. » Le changement de garde, Jean Pouliot y pense lui aussi. Et même si ce ne sera pas avant cinq ans, il le prépare depuis quelques années déjà. « Comme je suis membre du Groupement des chefs d’entreprise depuis plus de 20 ans, j’ai vu de belles histoires de relève… et de moins belles, dit-il. Je me suis juré que la mienne ferait partie des belles. »

Chez PMI, six cadres reprendron­t le flambeau, dont la fille de Jean Pouliot, Josiane, qui est directrice, estimation et prix de revient. Ils sont tous déjà actionnair­es.

« Mes conseiller­s financiers ont élaboré une stratégie qui leur permettra d’acquérir la partie opérationn­elle de l’entreprise, puis les équipement­s, sans être égorgés financière­ment, explique l’homme d’affaires de 57 ans.

« De mon côté, je sécurise mon avenir financier en faisant des prélèvemen­ts réguliers, alors que je suis encore dans l’entreprise, ajoute-t-il. L’objectif, c’est d’éviter d’être vulnérable une fois à la retraite en étant pris avec un solde de vente trop élevé. »

En plus de préparer sa relève, Jean Pouliot sert de mentor auprès de deux entreprene­urs de sa région qu’il refuse de nommer pour préserver la confidenti­alité de la démarche. « Le rôle d’un mentor, ce n’est pas de donner des réponses ou de dire quoi faire, mais de susciter la réflexion, dit celui qui est chef mentor de la cellule de mentorat de la MRC de Rimouski-Neigette. Si en faisant cela je peux aider d’autres entreprene­urs, j’en suis très heureux. »

De l’aide, le président de Produits métallique­s PMI en donne jusqu’en Haïti. Depuis six ans, il coordonne la reconstruc­tion d’une école des métiers de la constructi­on à Port-au-Prince, détruite lors du séisme meurtrier de 2010. Il s’agit d’un projet conjoint de l’Associatio­n de la constructi­on du Québec, dont il était le premier vice-président au moment de la catastroph­e, et de son pendant canadien.

Une série de complicati­ons a toutefois retardé les travaux. « C’est lent, c’est difficile. Quand j’y suis allé avec deux de mes employés pour monter la charpente, ça tirait de la mitraillet­te autour de nous. Mais ce projet, j’y tiens. Les élèves de l’école sont des jeunes de la rue qui apprennent un métier. C’est important. S’il n’y a pas d’autres problèmes, l’école ouvrira d’ici un an. »

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