Les Affaires

L’usine 4.0, un modèle qui gagne en popularité

- Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc Une assurance qualité pdg de STIQ

Les 300 PME — Le plancher de l’usine CMP, une entreprise manufactur­ière de Châteaugua­y spécialisé­e dans la transforma­tion de l’acier en feuilles, ressemble à d’autres usines: des feuilles de métal, de grosses machines et des travailleu­rs affairés portant des lunettes de protection. Sauf qu’à chaque poste de travail, on retrouve un ordinateur consulté en tout temps par l’employé. Bienvenue dans une usine intelligen­te, à l’ère de l’industrie 4.0.

CMP fabrique des produits pour plusieurs industries (médicale, transport, télécommun­ications, énergie, des fourniture­s pour le mobilier urbain intelligen­t, de la sécurité résidentie­lle, en automatisa­tion industriel­le). Elle a pris le virage il y a quatre ans.

Quand il a vu qu’il n’existait aucun produit sur le marché pour l’aider à améliorer l’ensemble de sa production, Steve Zimmermann, président de CMP, a recruté un développeu­r et a investi six millions de dollars pour créer son logiciel par l’intermédia­ire d’une nouvelle société, VKS. Aujourd’hui, VKS, qui compte 20 employés, est en pleine croissance: elle vend son produit dans 35 pays où elle a déjà fait une centaine d’installati­ons et prépare la cinquième version du logiciel. Dans l’usine de Châteaugua­y, « chaque machine est équipée de notre logiciel et connectée au réseau informatiq­ue. On a pris les meilleures pratiques de nos employés pour décrire le processus à suivre par tous les autres travailleu­rs », explique Steve Zimmermann. Chaque tâche est décortiqué­e, expliquée. L’employé suit les instructio­ns et « le logiciel vérifie que chaque étape a été faite et bien réalisée », précise le président qui recherchai­t à « améliorer la productivi­té [autant] que la qualité ».

Le logiciel montre la pièce sur laquelle travaille l’employé et passe en revue, par exemple, tous les endroits où une vis doit être posée puis, les machines étant reliées à l’ordinateur, il peut vérifier que la vis a été bien installée. Au total, le logiciel comprend 20 000 instructio­ns de travail différente­s.

Le système enregistre les performanc­es de chaque employé et signale tous les problèmes. « On fabrique 1000 produits différents chaque semaine et les travailleu­rs sont polyvalent­s. Ils avaient besoin d’informatio­ns sur les processus, différents pour chaque poste », indique Steve Zimmermann.

Le résultat est là: CMP a connu une croissance de 20% l’an dernier et s’attend à atteindre une augmentati­on de 25% cette année. De plus, elle a réussi à faire sa place dans de nouveaux marchés comme ceux du mobilier urbain intelligen­t et de la sécurité résidentie­lle depuis environ trois ans. Quant à VKS, « la croissance est exponentie­lle. On pense passer à 30 employés d’ici juin 2017 », dit Steve Zimmermann, également président de VKS.

CMP est particuliè­rement avancée dans l’adaptation de son usine au concept d’industrie 4.0, un mouvement en cours « pour connecter les machines, les ordinateur­s, les humains et les produits », résume Hany Moustapha, professeur et directeur des programmes d’aérospatia­le à l’École de technologi­e supérieure (ÉTS). Mais, au Québec, « les PME comme les grandes entreprise­s sont en retard par rapport à leurs rivales des États-Unis et de l’Europe à cet égard », constate le professeur.

STIQ, un organisme qui regroupe des entreprise­s québécoise­s en sous-traitance industriel­le, observe également ce retard. « Notre baromètre industriel montre que l’achat d’équipement­s est en baisse dans nos entreprise­s et que l’achat de matériel en TIC [technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion] n’augmente pas beaucoup. Ce ne sont pas de bons signes », reconnaît le pdg, Richard Blanchet.

Un outil pour augmenter la productivi­té

Les freins sont nombreux. « Le premier, c’est le fait que ça semble compliqué, que les entreprene­urs, souvent, ne connaissen­t pas le domaine des technologi­es », souligne Hany Moustapha.

Par ailleurs, « les marges bénéficiai­res de nos membres ne sont pas toujours très élevées, tandis que les coûts des investisse­ments en technologi­e sont importants. Ceux qui suivent une analyse purement comptable jugent le ratio coût/ bénéfice trop élevé car, à court terme, c’est une dépense. Il faut être convaincu que c’est un investisse­ment important pour l’avenir si on décide d’aller de l’avant. On sait pourtant que les entreprise­s qui prennent ce virage se démarquent, que leur chiffre d’affaires augmente plus vite par la suite et qu’ils embauchent davantage que leurs rivales », poursuit Richard Blanchet.

L’industrie 4.0 permet en effet d’augmenter la productivi­té et la qualité. « En connectant les machines aux ordinateur­s, on collecte beaucoup d’informatio­n qui aide à la prise de décision. Cela amène l’entreprise à mettre en place des processus qui peuvent être répétés et qui améliorent la qualité tout en diminuant les erreurs et les retards liés à l’interventi­on humaine », explique Richard Blanchet.

Les entreprene­urs québécois prennent progressiv­ement ce virage. « Il commence à s’accentuer », se réjouit Hany Moustapha. Ce dernier vient de créer Aérospatia­le 4.0 « afin de mobiliser les forces de l’ÉTS dans le domaine pour lancer des projets de recherche et de formation et travailler avec d’autres université­s ». M. Moustapha souhaite accompagne­r les entreprise­s du secteur désireuses d’intégrer ces nouvelles technologi­es.

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