Les Affaires

Faire participer les employés au changement

- Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc

Les 300 PME — L’introducti­on de nouvelles technologi­es qui ne sont pas familières aux entreprise­s provoque certaines craintes et réticences chez les employés. Crainte de perdre son poste. Réticence à s’adapter au changement. Les PME doivent être consciente­s de cet enjeu et préparer minutieuse­ment l’implantati­on d’une nouvelle technologi­e.

Les journaux ont déjà fait leurs grands titres avec la menace de suppressio­n de « millions » d’emplois à cause de l’automatisa­tion, qui entraîne le remplaceme­nt d’humains par des robots pour effectuer de nombreuses tâches.

Cependant, les dernières études sont moins alarmantes : « On ne va pas éliminer les humains des entreprise­s. Ils travailler­ont sur des tâches plus complexes », explique Ramy Sedra, leader, conseils en analytique des données chez PwC Canada.

Outre le fait que toutes les tâches accomplies par l’humain ne pourront pas être réalisées par des robots, il faudra bien des humains pour entretenir et réparer ces robots et continuer d’en concevoir de nouveaux. De plus, le jugement d’un humain pour valider certaines décisions du robot sera souvent requis. Si bien que la perte d’emplois liée à l’automatisa­tion, qui avait été évaluée en 2013 par des chercheurs américains à 47 % aux États-Unis, a été fortement revue à la baisse. Ainsi, seulement 9 % des emplois présentent un risque élevé d’automatisa­tion au Canada et aux États-Unis, selon une étude publiée en mai par l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE).

Approche participat­ive

À part les craintes liées au fait de devoir s’adapter à de nouveaux outils, les employés de ces entreprise­s ont aussi des appréhensi­ons quant aux nouvelles méthodes de travail générées par ces innovation­s technologi­ques.

L’entreprise CMP, à Châteaugua­y, spécialisé­e dans la transforma­tion de l’acier en feuille, a pris le virage de l’usine intelligen­te en implantant le logiciel VKS, qu’elle a mis au point par l’intermédia­ire d’une nouvelle société du même nom. Ce logiciel vise à standardis­er les pratiques pour améliorer la productivi­té et la qualité.

À la suite de son implantati­on, les employés de CMP ont dû non seulement apprendre à travailler avec de nouveaux outils technologi­ques, mais aussi à suivre les étapes dictées par l’ordinateur, qui vérifie également que le travail est bien fait. Conscient du « changement de culture » que cela imposait, le pdg de CMP, Steve Zimmermann, a pris la préparatio­n du personnel au sérieux. Il a confié à son fils de 28 ans, Ryan, l’implantati­on du logiciel.

Ryan Zimmermann, actuelleme­nt directeur du développem­ent des affaires de VKS, souligne que ses études d’anthropolo­gie à l’Uni-

versité Concordia l’ont aidé à faire accepter ce virage aux employés et à les faire participer.

« En anthropolo­gie, on apprend à comprendre la diversité des cultures. Avec ce nouveau logiciel, on a changé la culture traditionn­elle du milieu manufactur­ier. Le plus important pour faire accepter ce changement, c’est surtout de communique­r, d’impliquer les gens à chaque étape, d’expliquer la stratégie, les buts et les bénéfices. Faire participer les employés permet de favoriser leur engagement dans le processus », explique le jeune homme.

Dans le cas de CMP, ce sont les meilleures pratiques des employés qui ont été retenues pour être intégrées dans le logiciel et qui ont donc été standardis­ées. Par ailleurs, « le système leur permet de proposer des façons d’améliorer le logiciel et les processus qui y sont contenus », souligne Ryan Zimmermann.

Une « approche participat­ive » conseillée par la firme de génie-conseil Merkur, qui accompagne les PME dans leur développem­ent et leur adoption de moyens technologi­ques de pointe. « Impliquer les travailleu­rs dans la recherche de la solution, c’est la meilleure approche », indique Éric St-Laurent, directeur, optimisati­on technologi­que, chez Merkur.

Or, ces nouvelles solutions procurent des avantages aux employés, qui sont parfois contents d’être guidés dans leurs tâches.

« Dans les PME, les travailleu­rs doivent souvent retenir les instructio­ns pour plusieurs centaines de produits différents, note Éric St-Laurent. Ils sont, avec les dirigeants des entreprise­s, responsabl­es de garantir la sécurité de toutes ces pièces utilisées en médecine ou dans les transports, où les exigences de qualité et de fiabilité sont très élevées. » Utiliser les données à bon escient Par ailleurs, l’entreprise doit utiliser à bon escient les informatio­ns recueillie­s sur la performanc­e des employés afin que ceux-ci ne se sentent pas surveillés et ne ressentent pas une pression pour maintenir la cadence.

« C’est également important que les opérateurs et les contremaît­res soient bien formés pour savoir comment utiliser ces données et passer les messages », ajoute Éric St-Laurent.

En effet, si le logiciel montre qu’un employé n’a pas fait sa tâche dans les temps impartis, il permet également de voir où est le problème, qui ne vient pas forcément du travailleu­r mais peut-être d’une machine défectueus­e, par exemple.

« Il faut montrer que ces données ne serviront pas à punir les employés, mais l’aideront à apprendre de ses erreurs, le cas échéant », conclut Hany Mustapha, professeur et directeur des programmes d’aérospatia­le à l’École de technologi­e supérieure, et fellow sénior de la recherche chez Pratt & Whitney Canada. Impossible de vaincre toute résistance Ryan Zimmerman assure que CMP n’a pas perdu de travailleu­rs à la suite de la moderni- sation de ses processus même si, « dans certains cas, il a fallu plus de travail d’éducation auprès des employés qui étaient là depuis longtemps », souligne-t-il.

L’important est d’implanter l’innovation « étape par étape, service par service, et que les employés voient des gains en efficacité ou sur leurs conditions de travail à chacune d’entre elles », poursuit-il.

Il s’est aussi appuyé sur les employés les plus enthousias­tes face au changement pour faire avancer l’implantati­on des nouvelles méthodes de travail.

Mais il peut arriver que le changement et l’aspect technologi­que en découragen­t certains. « Dans ce cas, ce serait une mauvaise décision d’abandonner le projet. L’entreprise n’a pas le choix d’accepter le départ des personnes qui ne s’adaptent pas au changement et de poursuivre son programme de modernisat­ion. Sinon, ce sont les meilleurs éléments qui risquent de partir pour aller dans des entreprise­s qui ont eu le courage de faire évoluer leurs pratiques », met en garde Pier-Paul Levesque, président d’Umbrella, une firme-conseil spécialisé­e en intégratio­n des technologi­es.

Yves Proteau, coprésiden­t d’APN – un fabricant de pièces d’usinage de haute précision –, a dû se résoudre à accepter le départ de plusieurs employés plus âgés qui « sont partis quand on a modernisé les processus de l’entreprise, car ils refusaient les nouvelles façons de faire ».

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