Les Affaires

« Un espace de fabricatio­n partagé, c’est comme une école Montessori pour adultes »

– Alex Bandar,

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard D.B. – Quel est votre modèle de revenu? A.B.

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – Columbus Idea Foundry est le plus grand espace de fabricatio­n partagé ( du monde. Quelle est votre mission? ALEX BANDAR

– Nous mettons des équipement­s (imprimante­s 3D, machinerie pour forger le métal, etc.) à la dispositio­n de tous les citoyens de la région qui ont envie de fabriquer quelque chose. Nous combinons le réel et le virtuel. Vous pouvez travailler le métal ou concevoir des logiciels de réalité virtuelle ou des jeux vidéo. Vous n’avez pas besoin d’avoir de l’expérience. Nous offrons des espaces et vous avez accès à une communauté avec qui échanger. Notre local est ouvert en tout temps.

D.B. – À quels besoins les lieux comme Columbus Idea Foundry répondent-ils? A.B.

– Les espaces de fabricatio­n partagés complètent le travail amorcé par Internet. Il existe une vidéo pour vous apprendre à fabriquer tout ce dont vous rêvez. Mais où trouver les outils et les conseils concrets pour passer à l’action ? Les Columbus Idea Foundry de ce monde comblent ce vide. Nous sommes comme une école sans en être une. Comme une usine, mais pas vraiment. Comme un incubateur, mais pas tout à fait. Et comme un club social, mais autrement.

D.B. – En quoi un espace de fabricatio­n partagé diffère-t-il d’un [laboratoir­e de fabricatio­n]? A.B.

– Le Fab Lab est un concept apparu à la fin des années 1990 au MIT [Massachuse­tts Institute of Technology]. Il découle d’un cours intitulé « How to make everything » du professeur Neil Gershenfel­d. Les Fab Lab sont généraleme­nt des espaces privés consacrés aux étudiants. Les espaces de fabricatio­n partagés sont plutôt des écoles Montessori pour adultes.

D.B. – Que pensent les fabricants d’équipement de votre concept? Sont-ils vos partenaire­s ou vos concurrent­s? A.B.

– Ils suivent le mouvement avec intérêt. Ils savent que cela les concerne. Ils fournissen­t, par exemple, les équipement­s mis à la dispositio­n des membres des huit espaces de fabricatio­n numérique TechShop aux ÉtatsUnis. De deux choses l’une: ou bien les gens qui fréquenten­t les espaces de fabricatio­n partagés n’auront jamais les moyens d’acheter leur propre équipe- ment; ou bien ils en achèteront un jour, lorsqu’ils migreront du prototype à la fabricatio­n de masse.

D.B. – Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à cet univers? A.B.

– Je suis ingénieur. Ma formation combine la métallurgi­e, le génie et l’informatiq­ue. J’ai longtemps conçu des logiciels permettant aux grandes organisati­ons (GE, Apple) de fabriquer des objets. Un jour, ma soeur, qui crée des sculptures et des bijoux, m’a invité à donner une conférence à ses élèves en art. Après quelques minutes, je me suis aperçu qu’ils en savaient plus que moi. Je ne m’étais jamais sali les mains. J’avais toujours travaillé dans un bureau climatisé. Mes connaissan­ces n’étaient que théoriques. J’enviais ces élèves. Alors, je me suis dit qu’en réunissant des amis comme moi dans un garage, ou dans n’importe quel autre lieu, on pourrait peut-être assouvir notre désir de créer à des coûts raisonnabl­es. Au fil de mes recherches, l’idée a évolué vers un lieu réunissant des artistes, des technicien­s et des entreprene­urs.

D.B. – Columbus Idea Foundry occupe une ancienne usine de 60 000 pieds carrés. De grandes entreprise­s voulaient s’y installer. Pourquoi vous a-t-on choisi? A.B.

– Notre immeuble se situe dans un quartier de la ville laissé à l’abandon. L’administra­tion municipale l’a acheté, puis elle l’a confié à un organisme à but non lucratif (OBNL) pour qu’il l’utilise à bon escient. De grandes entreprise­s, dont des centres d’appels, ont voulu l’acquérir. Mais cela n’aurait pas dynamisé le quartier de façon profonde et durable. Les employés seraient venus le matin, puis seraient repartis le soir. La Columbus Idea Foundry, elle, organise des événements et des festivals régulièrem­ent. Une communauté gravite autour de notre lieu. De plus, la moitié de nos membres sont des autopreneu­rs ou des entreprene­urs. Plusieurs verront leur projet prendre une telle ampleur qu’ils déménagero­nt dans leur propre local, souvent dans le quartier. C’est cela notre effet domino.

D.B. – Comment vous y prenez-vous pour jouer un rôle économique? A.B.

– Nous entretenon­s des liens avec le service de développem­ent de la Ville de Columbus et avec les établissem­ents d’enseigneme­nt. Avec la Ville, nous voyons comment Columbus pourrait offrir des conditions facilitant­es afin que les diplômés de notre espace puissent ouvrir leur entreprise dans le quartier. On fait de même en amont avec les étudiants en art, en design et en science. On les choisit après l’obtention de leur diplôme afin qu’ils demeurent à Columbus. Notre lieu réduit les barrières à l’entrée pour lancer leurs projets de création réelle ou virtuelle.

– Ah! J’ai réfléchi longtemps à cette question. J’ai d’abord pensé à constituer un OBNL. Mais je n’avais pas envie de passer la moitié de mon temps à remplir des demandes de subvention. Columbus Idea Foundry est donc une entreprise à but lucratif, avec une mission sociale. Nous avons quatre sources de revenus. D’abord, nos cours, qui coûtent entre 50 et 150$ US. Ils durent de trois à quatre heures. Ensuite, les adhésions et les frais de location de l’équipement. Nous avons choisi d’instaurer un tarif d’adhésion minimum, 35$ US/mois, et d’ajouter un tarif de 1 à 5$ US l’heure pour l’utilisatio­n des équipement­s. Nous tirons aussi des revenus de la fabricatio­n sur mesure pour nos membres qui n’ont pas envie de produire leurs propres prototypes. Enfin, nous louons des studios et des bureaux.

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