Les Affaires

L’étudiant devenu entreprene­ur pour vendre son robot

- Benoîte Labrosse redactionl­esaffaires@tc.tc

L’un des défis de la valorisati­on des technologi­es d’origine universita­ire est d’amener les chercheurs qui se concentren­t sur le développem­ent d’une innovation à devenir des vendeurs qui se préoccupen­t de la stratégie de commercial­isation de leur produit.

« Il faut transforme­r les technopren­eurs en entreprene­urs en les aidant à développer la dimension “affaires” de leur technologi­e », résume Richard Chénier, directeur du bureau de l’entreprene­uriat technologi­que et de l’innovation de l’École de technologi­e supérieure (ÉTS) ainsi que directeur de son incubateur, Centech. « Notre manière d’envisager le génie est très appliquée. Plusieurs professeur­s réfléchiss­ent au potentiel commercial des produits émergents des travaux de recherche », poursuit-il.

Quand ils ne mettent tout simplement pas un étudiant au défi d’en développer un, comme l’a fait Ilian Bonev, responsabl­e du Laboratoir­e de commande et de robotique, avec Jonathan Coulombe, alors étudiant au baccalauré­at en génie électrique. « J’étais son assistant de recherche et il m’a dit : “Pourquoi ne pas utiliser ton talent pour faire un robot éducatif de petite taille ?” J’ai développé dans son laboratoir­e un robot et une plateforme permettant d’expériment­er toutes les facettes de la robotique, puis nous avons fait des démonstrat­ions devant des chercheurs et nous avons eu un certain succès », résume celui qui poursuit aujourd’hui une maîtrise en robotique à l’ÉTS.

Le bon accueil réservé à son robot éducatif, DexTAR, a encouragé Jonathan Coulombe à fonder son entreprise, Mecademic, en janvier 2013. « Le Centech nous a fourni tous les services du côté affaires – des conseils financiers, de marketing, de contact client, etc. – et nous avions aussi accès à toutes les ressources de l’université et aux professeur­s. Honnêtemen­t, démarrer une entreprise en robotique sans ce genre d’aide, je ne sais pas si c’est possible », assure le pdg. « En robotique, c’est quasi- ment impossible de lancer une entreprise dans son garage, car il faut de l’équipement pour l’usinage des pièces et le prototypag­e, en plus d’avoir accès à des spécialist­es pour réussir à solutionne­r des enjeux technologi­ques », confirme M. Chénier.

Bien cibler son marché

Trouver leurs premiers acheteurs s’est avéré « plutôt facile » pour Mecademic, grâce aux relations du professeur Bonev, qui s’est associé à l’entreprise en cours de route. « Il avait le carnet de commandes dans ses relations, illustre Jonathan Coulombe. Sauf que le potentiel de vente s’est amenuisé assez rapidement : le milieu universita­ire est un marché plutôt petit et statique ; les établissem­ents n’achètent pas souvent. »

C’est ainsi qu’après huit ventes, et seulement six mois de commercial­isation, l’entreprise a choisi à l’automne 2015 de consacrer toutes ses énergies à conquérir un nouveau marché. « Nous avons gardé la même philosophi­e et nous avons mis au point un bras robotisé très compact et très précis destiné au secteur industriel, le Meca500 », explique M. Coulombe, qui a travaillé comme machiniste avant d’entreprend­re ses études en génie.

La nouvelle clientèle cible est principale­ment constituée « de fabricants d’équipement qui veulent proposer notre robot à l’intérieur de leurs machines et de grands manufactur­iers qui souhaitent robotiser leur usine ».

« Nous n’avons pas lésiné sur la qualité du produit, mais nous avons quand même cherché à optimiser les coûts pour offrir un bras robotisé vraiment concurrent­iel : notre plus proche concurrent est deux fois plus gros et coûte 25 % plus cher », précise M. Coulombe.

Un tel changement de cap, appelé pivot, est « très fréquent », selon Richard Chénier, car il « permet de maximiser le potentiel commercial d’une technologi­e ». Tout comme le fait de bien s’entourer. « L’hommeorche­stre, ça n’existe pas en entreprene­uriat, note-t-il. Ce sont les équipes multidisci­plinaires qui amènent les entreprise­s au marché. »

C’est pourquoi Mecademic a débauché en 2015 l’un des profession­nels du Centech, Philippe Jacome, pour en faire son directeur financier, et a engagé au début de l’année une spécialist­e de la commercial­isation pour s’occuper d’approcher la clientèle industriel­le et de « développer son réseau d’affaires mondial ». Une bonne méthode, selon M. Chénier : « L’important, c’est de prendre rapidement contact avec des clients dans son marché cible et de se créer un bon “entonnoir de vente” avec certains qui commencent à acheter des produits. Ceux-ci vont servir de levier et vont également générer des revenus récurrents pour l’entreprise. »

Les premiers Meca500 ont été vendus en Europe, aux États-Unis et au Québec. « Nous sommes en train de nous diriger progressiv­ement vers la profitabil­ité », conclut Jonathan Coulombe.

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