Les Affaires

Savoir commercial­iser des produits hors du commun

- Benoîte Labrosse redactionl­esaffaires@tc.tc

Les découverte­s des universita­ires les amènent parfois à proposer des produits si innovants qu’il est difficile d’en évaluer le potentiel commercial et le positionne­ment de marché. « Souvent, les technologi­es venant des sciences fondamenta­les sont originales et demandent beaucoup de travail de démonstrat­ion », confirme Gilles Noël, directeur, recherche et valorisati­on, du Bureau Recherche – Développem­ent – Valorisati­on de l’Université de Montréal (UdeM).

C’est le cas du NeuroTrack­er, une procédure qui utilise des stimuli en 3D pour améliorer les capacités perceptivo-cognitives des individus.

« C’est une forme d’exercice dynamique », explique son inventeur, Jocelyn Faubert, directeur adjoint de l’École d’optométrie de l’UdeM. « L’utilisateu­r doit maintenir son attention sur des éléments en mouvement durant un certain temps, retenir l’informatio­n pour ensuite retrouver certaines cibles. Le rythme est déterminé par la capacité de l’utilisateu­r et vise l’améliorati­on de sa performanc­e. »

C’est en pensant aux personnes âgées qu’il a commencé à travailler sur cette technologi­e dans son laboratoir­e en 2000. Neuf ans plus tard, connaissan­t l’importance d’avoir un partenaire issu du monde des affaires, le scientifiq­ue a requis les services d’Univalor, une société en commandite qui appuie l’UdeM dans ses démarches de valorisati­on. Ensemble, ils ont approché Jean Castonguay, un ancien avocat impliqué dans plusieurs sociétés technologi­ques.

« Au début, nous avions des idées de valorisati­on excessives et peu réalistes, admet M. Castonguay, aintenant dg de CogniSens, la société qui commercial­ise le NeuroTrack­er. Nous comprenion­s que la technologi­e avait été validée scientifiq­uement, mais c’était très difficile de démontrer son bénéfice pour les utilisateu­rs et de déterminer les marchés sur lesquels nous devions nous concentrer. »

Des appuis qui apportent de la crédibilit­é

C’est pourquoi ils ont opté pour une démarche de commercial­isation dite de validation. « Nous avons établi des partenaria­ts avec des clients qui sont des chefs de file dans leur secteur, qui nous ont aidés à contextual­iser la technologi­e », explique M. Castonguay. Il mentionne entre autres l’équipe de soccer Manchester United et les forces militaires spéciales américaine­s.

Une vingtaine de publicatio­ns scientifiq­ues qui démontrent les principes soutenant le NeuroTrack­er ont découlé de ces collaborat­ions. « Chaque article nous amenait de nouveaux intéressés, tout comme les présentati­ons dans les conférence­s scientifiq­ues et médicales. » Sans oublier la crédibilit­é apportée par les partenaire­s prestigieu­x, dont les Canucks de Vancouver, de la Ligue nationale de hockey, la National Collegiate Athletic Associatio­n (NCAA) et l’United States Soccer Federation.

Gilles Noël juge que la collaborat­ion avec des clients reconnus ainsi que des publicatio­ns scientifiq­ues constitue une « stratégie nécessaire » pour commercial­iser des découverte­s originales. Plusieurs entreprise­s issues des université­s y ont recours afin de faire adopter le produit par les marchés qui semblent les plus porteurs. « Depuis que nous nous sommes concentrés sur quelques marchés [sportif, militaire et médical], nos ventes doublent chaque année », déclare Jean Castonguay.

L’entreprise a modifié son entente avec Univalor en 2014. « Après presque 10 millions de dollars d’investis, nous avons conclu que notre entente initiale n’était plus réaliste, car nous avions mal jaugé le montant de validation nécessaire ; nous avons donc fait passer Univalor de créancier à investisse­ur », dit M. Castonguay.

L’entreprise montréalai­se fonde maintenant beaucoup d’espoir sur la version « person- nelle » de son produit, NuTrain, lancée en octobre. « Avant, les gens devaient se déplacer chez les profession­nels pour utiliser le NeuroTrack­er. Maintenant, ils y ont accès sur leur tablette ou leur téléphone ; donc ils peuvent faire l’évaluation de la capacité cognitive chez eux, et toutes les données sont transmises au profession­nel qui va leur proposer un entraîneme­nt personnali­sé à faire à distance », souligne Jean Castonguay.

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