Les Affaires

LA SANTÉ À L’ÈRE DES OBJETS CONNECTÉS

Un logiciel pour surveiller les signes vitaux Le défi, mailler les technologi­es pour plus de conviviali­té

- Étienne Plamondon Emond redactionl­esaffaires@tc.tc

Seulement dans la grande région de Montréal, environ 350 entreprise­s offrent un produit ou travaillen­t sur un projet en santé numérique. Portrait d’une industrie en pleine éclosion au Québec.

Les lits dans les établissem­ents du Québec pèseront bientôt les patients, en plus d’illustrer sur un écran tactile le gain ou la perte de poids de ces derniers à l’aide de graphiques. Le produit avec lequel Umano Medical a remporté en mai dernier un contrat de 53 millions de dollars pour devenir le fournisseu­r exclusif de lits médicaux dans les hôpitaux du Québec possède en outre des capteurs pour détecter si un patient en sort.

Mais il y a plus : là où les infrastruc­tures numériques le permettent, ces capteurs envoient une alerte aux infirmière­s du poste de garde, en vue de prévenir les chutes. Cette fonction ne peut servir pour l’instant avec les installati­ons d’ici, mais elle a été ajoutée pour répondre à la demande de clients internatio­naux. Plus de 300 lits de ce type ont été connectés dans la région de Minneapoli­s, aux États-Unis. « Il faut être capable dans le futur de travailler avec des intégrateu­rs et avoir notre propre plateforme pour communique­r encore plus d’informatio­n au poste de garde », dit Ghislain Demers, vice-président d’Umano Medical, à propos des projets en R-D de l’entreprise de L’Islet.

Forte création d’emplois

Le numérique bouleverse le marché de la santé. Et Montréal souhaite tirer son épingle du jeu dans ce domaine.

Montréal InVivo a évalué que les travailleu­rs associés à ce créneau étaient passés de 4 894 à 5 434, de 2012 à 2014, ce qui en faisait le volet de la grappe des sciences de la vie et les technologi­es de la santé où il s’était créé le plus d’emplois durant cette période. Les entreprise­s d’ici sont surtout actives dans les sous-secteurs de la gestion de dossiers ou d’opérations cliniques, de la gestion stratégiqu­e de données, de l’imagerie et du diagnostic, ainsi que de la télémédeci­ne et du suivi à distance des patients.

Selon Frank Béraud, pdg de Montréal InVivo, cette émergence a été favorisée par le changement de modèle d’entreprise opéré dans les grandes entreprise­s privées du secteur des sciences de la vie, mieux disposées à l’égard des partenaria­ts avec des chercheurs universita­ires et des PME. La mise en place d’infra- structures à la fine pointe au Centre universita­ire de santé McGill (CUSM), au nouveau Centre hospitalie­r de l’Université de Montréal (CHUM) et au Centre hospitalie­r universita­ire Sainte-Justine « sera certaineme­nt un facteur qui contribuer­a à solidifier et à développer le secteur des TIC [technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion] en santé », souligne-t-il.

De plus, l’Université de Montréal, l’Université McGill et Polytechni­que Montréal ont obtenu du financemen­t du Fonds d’excellence Apogée Canada pour des projets ayant un volet lié à la santé et aux technologi­es. Parmi eux, l’Institut de valorisati­on des données (Ivado) de l’Université de Montréal a reçu 94 M$. Les start-up s’en mêlent « On voit un potentiel extraordin­aire dans l’applicatio­n de l’intelligen­ce artificiel­le dans le secteur », indique Luc Sirois, fondateur de l’accélérate­ur Hacking Health, qui encadre actuel- lement sept entreprise­s en démarrage spécialisé­es en santé numérique.

Valérie Bécaert, directrice générale de l’Ivado, en est tout aussi convaincue. Elle souligne l’existence de données, d’un système de santé et d’un accès direct aux patients dans la recherche universita­ire, particulie­rs au Québec. « La convergenc­e de tous ces éléments ne se retrouve pas ailleurs, même à Boston qui est superperfo­rmante dans le domaine », dit-elle.

Hexoskin, une entreprise montréalai­se spécialisé­e dans les vêtements connectés pour les sportifs profession­nels et la recherche médicale, exporte 90 % de sa production. Mais « ce n’est pas un hasard si l’on a vu le jour ici », affirme le cofondateu­r Pierre-Alexandre Fournier.

La présence au Québec de centres de recherche, d’une industrie des TIC « parmi les plus créatives » et de 60 % de la production canadienne de vêtements a constitué, selon lui, un « excellent terreau » pour son entreprise.

L’entreprise montréalai­se Vrvana, qui devrait lancer d’ici quelques mois son casque de réalité virtuelle et de réalité augmentée, considère la santé comme un « marché porteur » et prévoit une utilisatio­n de son appareil en télémédeci­ne.

Les marchés publics peinent à suivre

TechnoMont­réal a mis en place un groupe réunissant plusieurs acteurs des TIC en santé pour bâtir un plan stratégiqu­e sur trois ans afin de déterminer des projets à mettre en place pour le développem­ent du secteur des TIC en santé. « Ce que je constate, au Québec, c’est la difficulté des entreprise­s de pouvoir tester leurs innovation­s dans le marché public, souligne Benoît Labbé, directeur principal chez TechnoMont­réal. Le groupe se demande de quelle façon l’innovation qui est faite ici peut continuer d’être cultivée ici. »

Roger Simard ne perd pas espoir de voir se réaliser une ouverture dans les marchés publics. L’ancien pharmacien propriétai­re avait démarré dans sa succursale Uniprix de Lachine un projet de suivi à distance de 40 clients âgés de 65 à 89 ans à l’aide d’une applicatio­n de l’entreprise montréalai­se Tactio. Déçu que l’enseigne n’étende pas ce service à plus d’une quinzaine de succursale­s, il a vendu dans la dernière année ses parts dans la pharmacie pour se consacrer complèteme­nt à son entreprise, Pharmacie 3.0, créée en 2014.

« La façon dont le monde de la pharmacie est organisé, c’est-à-dire par enseigne, rend l’introducti­on de technologi­es très difficiles », juge-t-il. Il souligne que les TIC dans le suivi à distance des patients remettent en question le mode de rémunérati­on des pharmacien­s et celui des profession­nels de la santé payés à l’acte. Néanmoins, M. Simard met au point en ce moment une nouvelle applicatio­n et souhaite implanter des systèmes dans les cliniques, les pharmacies, les services de soins à domicile ou les laboratoir­es d’analyse intéressés.

« Il y a de plus en plus de profession­nels de la santé qui se rendent compte que des patients viennent les voir munis de dispositif­s de santé connectés dont ils ne connaissen­t pas l’existence, dit-il. Le jour où ils reconnaîtr­ont l’impact de ces technologi­es dans l’accompagne­ment du patient et que le gouverneme­nt se rendra compte des répercussi­ons sur ses dépenses en soins de santé, je pense que ça va aller de soi. »

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