Les Affaires

POUR COUCHETARD, CONTRE BOMBARDIER

Sur le radar

- RICHARD GUAY

Détenez-vous une participat­ion dans Bombardier, Alimentati­on Couche-Tard, Jean Coutu ou Power Corporatio­n? Si oui, c’est probableme­nt par l’intermédia­ire d’actions à droit de vote « simple », puisque les actions à droit de vote multiple (10 votes par action) sont surtout détenues par les fondateurs de l’entreprise ou leur famille.

La question revient parfois. Pour un investisse­ur, est-il plus rentable ou moins risqué d’investir dans ces entreprise­s?

Si le fondateur est visionnair­e, compétent et honnête, c’est une bonne chose de lui donner plus de pouvoir et de lui octroyer des actions à droit de vote multiple qui permettent d’assurer le contrôle sur les destinées de l’entreprise. Un exemple: Alain Bouchard, qui a livré une spectacula­ire performanc­e chez Couche-Tard.

Si le dirigeant est incompéten­t ou, pire, malhonnête et vise plutôt à s’enrichir au détriment des « autres » investisse­urs, lui donner plus de pouvoir est malsain. Deux exemples: Conrad Black (Hollinger) et Frank Stronach (Magna), qui ont utilisé leurs actions à droit de vote multiple pour s’enrichir au détriment des « autres » actionnair­es. Dans des situations du genre, les actions à droit de vote multiple sont néfastes pour la pérennité de l’entreprise et, surtout, pour les petits actionnair­es.

Comment décider d’investir

Par analogie, considéron­s un premier ministre. S’il est compétent et honnête, lui donner plus de pouvoir serait préférable afin de faciliter l’implantati­on de bonnes décisions. Il vaut mieux éviter que l’opposition ne mette inutilemen­t des « bâtons dans les roues » ou que l’opinion publique n’impose une « vision à court terme ». Par contre, si le premier ministre est incompéten­t ou malhonnête, moins de pouvoir est préférable. Plusieurs instances dirigeante­s sont alors plus indiquées pour l’empêcher de mettre en oeuvre de mauvaises mesures.

Comment savoir ou quand décider s’il faut investir dans des entreprise­s contrôlées par des actions à vote multiple?

Avant d’entrer au capital d’une société, les actionnair­es devraient chercher à répondre à certaines questions. Est-ce que le fondateur (ou sa famille) sera dans les prochaines années un président dévoué et compétent? Si jamais il prend sa retraite, sait-on s’il vendra ou à qui il transmettr­a ses actions à droit de vote multiple? Cette personne sera-t-elle à son tour compétente, dévouée et honnête?

Il est difficile de prévoir l’avenir, mais il existe un risque que les actionnair­es ne peuvent ignorer. Dans le doute, ou en l’absence de précisions, les résultats de l’entreprise dans les 10 dernières années pourront servir de guide décisionne­l.

Pour une entreprise qui a dégagé de solides bénéfices et une belle croissance depuis 10 ans, je voterais oui. En pariant que le fondateur voudra que la compétence et le dévouement en place persistent.

Comme investisse­ur, je dirais oui à Alain Bouchard pour des actions à droit de vote multiple tant que l’entreprise affiche une belle croissance des bénéfices sur 10 ans. Pas de chèque en blanc, toutefois. Si la performanc­e à long terme n’est plus au rendez-vous, les actions à droit de vote multiple devront éventuelle­ment être réduites à « une action, un vote ».

En ce qui concerne une entreprise qui déçoit sur toute une décennie, je dirais non à un investisse­ment. En effet, le fondateur d’une entreprise (ou sa famille), dont la valeur a baissé sur 10 ans ou dont les bénéfices sont décevants depuis plusieurs années, ne mérite pas le pouvoir accru des actions à vote multiple. Dans un tel cas, tous les actionnair­es doivent avoir le droit de s’exprimer (une action, un vote) pour exiger des changement­s à la stratégie ou à la direction de l’entreprise. C’est malheureus­ement le cas de Bombardier. Les actions à vote multiple ne de- vraient pas permettre à des familles de maintenir leur pouvoir sur des entreprise­s non performant­es sans que la majorité des investisse­urs le souhaitent. Je dirais que, dans la situation actuelle, Bombardier est probableme­nt un mauvais investisse­ment. L’existence des actions à droit de vote multiple a, depuis au moins 10 ans, augmenté le risque pour les petits investisse­urs et dégagé un rendement décevant.

Je précise ici que la situation d’une entreprise contrôlée par des actions à droit de vote multiple est très différente de celle où le fondateur détient le contrôle par la possession de la très grande majorité des actions et du capital investi. Dans ce cas, il a alors une plus grande latitude à mes yeux. Il pourra par exemple nommer son fils ou sa fille à la présidence, même s’il y a de meilleurs dirigeants disponible­s pour ce mandat. Il pourra aussi dilapider les fonds de l’entreprise en achetant un château en Espagne. C’est « sa » richesse, et si la performanc­e future est décevante, c’est le fondateur et sa famille qui en subiront les conséquenc­es.

C’est très différent si le fondateur a fait massivemen­t appel aux investisse­urs pour faire croître son entreprise. Dans ce cas, il gère les investisse­ments d’autrui. Il a donc l’obligation d’administre­r l’entreprise dans l’intérêt de tous les investisse­urs. Pour mériter le pouvoir accru des actions à vote multiple, il devrait livrer une bonne performanc­e à long terme. C’est encore plus nécessaire si l’entreprise demande l’aide de fonds publics pour être « sauvée ». Dans le contexte d’une performanc­e décevante sur plus de 10ans et d’un appel à des fonds gouverneme­ntaux, la famille du fondateur de Bombardier ne devrait plus détenir d’actions à droit de vote multiple. L’historique de la dernière décennie démontre que, pour les investisse­urs, la détention a engendré une situation risquée et non performant­e.

Dans le contexte d’une performanc­e décevante sur plus de 10 ans, la famille du fondateur de Bombardier ne devrait plus détenir d’actions à droit de vote multiple.

L’homme fort que Colabor est allé chercher pour codiriger le CA, Robert Briscoe, se dit optimiste concernant ses chances de relance de l’entreprise.

L’entreprene­ur de 74 ans apporte un long savoir-faire dans la distributi­on alimentair­e, puisqu’il a fondé AlimPlus en 1990 après avoir acheté la division de l’Estrie de Dellixo. Il l’a ensuite fait grandir pendant 24 ans, avant sa vente en 2014.

« Chez Colabor, je m’occuperai de la planificat­ion stratégiqu­e et du recrutemen­t, et j’appuierai le pdg », confie M. Briscoe, conscient que sa venue au conseil et son achat d’actions ont contribué à rallier les quatre autres parties prenantes à l’entente de recapitali­sation.

La petite taille de Colabor par rapport aux mastodonte­s américains Sysco ( SYY, 47,44 $ US) et Gordon Food Services ne l’émeuvent pas du tout. « Ils offrent de bons prix, mais ce n’est pas tout le monde veut faire affaire avec un Sysco. L’important, c’est le niveau de service que procure le représenta­nt à son client », assure-t-il. Ces grands acteurs semblent dominants, mais le marché est vaste. À Montréal seulement, on compte une cinquantai­ne de distribute­urs alimentair­es, dit-il.

Si Dubé et Loiselle, le distribute­ur de Granby que M. Briscoe a acquis le 8 juillet, est un guide, l’homme d’affaires risque fort de revoir la structure de vente et d’embaucher de nouveaux vendeurs chez Colabor aussi.

Colabor a justement approché M. Briscoe pour l’inviter à participer à son refinancem­ent pendant qu’il négociait l’achat de Dubé et Loiselle, un important membre du regroupeme­nt d’achats de Colabor. « Je ne pouvais pas me diviser en deux, et Colabor n’avait pas les moyens d’acheter Dubé et Loiselle. Alors, j’ai offert à Colabor une option de trois ans pour racheter Dubé et Loiselle », a dit M. Briscoe.

Colabor a versé 500 000 $ à M. Briscoe pour cette option. S’il gagne son pari, ce serait une douce revanche pour celui qui dit ne jamais vouloir prendre sa retraite. — D.B.

es temps sont difficiles dans l’industrie des médias. L’heure est à la collision, au moment où les avancées technologi­ques viennent ajouter moult plateforme­s et options pour les publicitai­res.

Chez les acteurs de la première heure, chacun parle de réinventio­n nécessaire. Bien peu ont cependant réussi cette fameuse réinventio­n en demeurant rentables et en générant un rendement sur les nouveaux projets.

L’entreprise pour laquelle on travaille, y travaille. Mais il est toujours inconforta­ble de parler de soi. Si vous dites trouver le potentiel intéressan­t, personne ne vous croit; si vous dites voir un potentiel limité, c’est un peu gênant ensuite de rentrer au bureau... L’idée nous est donc venue de plutôt regarder le potentiel d’investisse­ment du côté des ennemis, les vieux et les nouveaux. LES VIEUX ENNEMIS Postmedia ( PNC.A, 2$) : vers un nouveau tombeau? La société mère du National Post, de The Gazette, de l’Ottawa Citizen et des journaux Sun n’est évidemment pas un ennemi de première ligne.

On ne s’étendra pas trop ici. L’entreprise vient de se recapitali­ser et de consolider son titre à 150 actions pour une. C’est la deuxième fois que les actifs passent par une situation d’insolvabil­ité, et la probabilit­é semble assez bonne que la maxime « jamais deux sans trois » trouve applicatio­n dans quelques années.

Ces plateforme­s n’ont jamais été capables de se réinventer, et la dette de l’entreprise est encore trop élevée. Torstar ( TS.B, 1,58 $) : c’est mieux, mais ça descend aussi Un autre ennemi lointain, qui fait un peu penser à un géant aux pieds d’argile. Torstar, c’est le Toronto Star et quelque 125 journaux régionaux. C’est aussi, depuis 2015, une participat­ion de 58% dans VerticalSc­ope, qui compte plus de 600 sites Web variés (AutoGuide.com, Motorcycle. com, PetGuide.com, etc.), avec 80 millions de visiteurs uniques et 500 millions de pages vues par mois. Groupe TVA ( TVA.B, 3,61 $) : tout dépendra du CH Un ennemi plus rapproché. Et envers lequel on est hésitant. La contreperf­ormance de TVA Sports a ébranlé les récents résultats de la société. Avec le CH qui n’a pas fait les séries, l’auditoire a fui et les tarifs publicitai­res se sont écrasés.

Mais le marché ne semble accorder aucune valeur à TVA Sports, et celle qu’il donne aux autres activités du groupe est à un multiple très faible par rapport aux comparable­s de l’industrie.

Quelque chose nous dit que, dans quelques trimestres, on pourrait assister à un redresseme­nt des cours. Au fur et à mesure que les résultats de TVA Sports s’améliorero­nt. Cette année, le CH devrait faire les séries et permettre par la suite une hausse des prix d’abonnement et des tarifs publicitai­res. LES NOUVEAUX ENNEMIS Facebook ( FB, 130$ US): l’ennemi numéro un L’ennemi numéro un. Grâce à sa fonction de partages, Facebook donne une portée monstre aux contenus des diffuseurs médiatique­s, mais les utilise pour vendre de la publicité en périphérie. Parce qu’il a plus de portée que tout le monde, et des coûts moindres (il n’a qu’à investir en technologi­e et non dans les contenus), il vient ensuite réduire les prix. Il diminue donc en définitive la rentabilit­é de tous les médias en les forçant à casser leurs prix et en leur prenant du volume publicitai­re.

À moins de changement­s majeurs (comprendre réglementa­ires), on ne voit rien dans le domaine du média traditionn­el qui puisse battre Facebook à long terme.

À 32 fois le bénéfice prévu en 2016 et 25 fois celui de 2017, le titre est peut-être un peu cher, mais est plus sûr à moyen et à long terme que tous ceux des médias traditionn­els. Alphabet ( GOOGL, 821,63$ US): l’ennemi numéro deux On dit l’ennemi numéro deux, mais il aurait tout aussi bien pu être numéro un. D’une The Trade Desk ( TTD, 26,49$ US): le nouveau des nouveaux ennemis C’est Cantor Fitzgerald qui a attiré notre attention sur ce titre, il y a quelques jours, en amorçant le suivi. La société a mis au point une plateforme à l’intention des agences de publicité, qui leur permet de faire du placement rapidement et à faible prix. La plateforme cherche dans les inventaire­s publicitai­res invendus de différents sites médiatique­s et, grâce à ses outils analytique­s, aide à effectuer des placements à faible prix et à analyser leur rendement, généraleme­nt en temps réel. C’est ce qu’on appelle de la programmat­ique.

Les revenus de The Trade Desk ont connu une explosion de 80% en première moitié de 2016 et croissent de 20% par année depuis cinq ans.

C’est un autre ennemi très menaçant qui, en tablant sur la mise aux enchères des espaces invendus, a déjà forcé les sites médiatique­s à baisser leur tarif régulier.

Le titre est à 42 fois l’anticipati­on pour 2016 de Cantor, mais n’est qu’à 10 fois celle pour 2020. Si la tendance se matérialis­e, c’est le prochain fossoyeur dont tout le monde parlera.

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Richard Guay redactionl­esaffaires@tc.tc Chroniqueu­r invité
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