Les Affaires

Ce qui devrait être oublié, édulcoré et poussé

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | f_pouliot

— Jean-François Lisée ne craint pas la discussion et le débat public. Son programme socioécono­mique en est une nouvelle illustrati­on. L’objectif : passer à une discussion sur une société éthique, où règne une meilleure justice financière et fiscale. Tout en poursuivan­t en parallèle la création de richesse et d’emplois. Regard sur quelques éléments du plan. Ce qui devrait être oublié M. Lisée veut modifier la loi sur la Caisse de dépôt et permettre aux entreprise­s privées et aux citoyens d’y investir.

La modificati­on de la loi vise à préciser sa mission de manière à ce qu’il soit vraiment clair que le rendement ne prime pas le développem­ent économique. Il estime que la modificati­on rendrait la Caisse plus sensible à la nécessité d’investir au Québec et à l’importance de sauvegarde­r les sièges sociaux.

Il vaudrait mieux focaliser sur d’autres enjeux. La structure de la Caisse, avec notamment un vice-président responsabl­e des investisse­ments au Québec, est aujourd’hui bien adaptée. Elle joue bien son rôle, cherche à protéger les sièges sociaux dans une mesure équilibrée par rapport à son devoir de fiduciaire vis-à-vis des déposants. Rona n’aurait pas été sauvée par un mandat reprécisé. Revoir la loi risque d’amener plus de confusion que de bien.

L’ouverture de la Caisse à l’épargne privée n’irait quant à elle pas très loin : un 10 $ que la Caisse n’en voudrait pas. L’actif risquerait de devenir trop important et de diluer les rendements. La reddition serait très complexe. Ce qui devrait être édulcoré Deux chantiers sont ici en cause : celui de la rémunérati­on et celui de la fiscalité.

En ce qui concerne la rémunérati­on, M. Lisée veut convier Québec inc. à une vaste réflexion sur les émoluments des pdg, qu’il juge, à juste titre, outrancier­s. L’approche est à déterminer, mais il espère amener les grands patrons à tendre vers un ratio de rémunérati­on (par rapport au salaire moyen des employés) qui soit raisonnabl­e. Il faut saluer le projet.

Le chef du PQ pousse cependant plus loin en affirmant vouloir forcer par une loi les coopérativ­es à adopter des rémunérati­ons plus raisonnabl­es. Il n’a visiblemen­t pas digéré le dernier chèque de paie de 3,9 M$ de Monique Leroux chez Desjardins. Aurait-elle dû gagner beaucoup moins que Louis Vachon à la Banque Nationale ? C’est au mouvement qu’il revient de décider. Il est souverain.

Jean-François Lisée veut de même ramener la rémunérati­on des grands mandarins québécois (sauf celle du pdg de la Caisse) à 10 % sous celle du premier ministre (évaluée à 250 000 $, tous avantages inclus). Il n’est pas sûr qu’Hydro-Québec serait bien servie par une telle politique.

Côté fiscalité, M. Lisée souhaite amender la loi québécoise de manière à ce que les paradis fiscaux ne puissent plus servir d’écran fiscal à des sociétés ou à des individus. Il faut effectivem­ent aller plus loin. Mais la question demande une démarche internatio­nale concertée. Une démarche individuel­le met à risque des emplois au Québec. Ce qui devrait être poussé Plusieurs autres idées sont contenues dans la plateforme de M. Lisée. Un des éléments intéressan­ts du programme réside dans cette idée d’exempter d’impôt les profits des PME qui sont attribuabl­es à l’augmentati­on de leurs exportatio­ns. La formule fonctionne­rait par palier. Par exemple, si le bénéfice des ventes à l’exportatio­n était de 1 M$ et que, la première année, l’entreprise réalisait pour 2 M$ de bénéfice, le 1 M$ supplément­aire ne serait pas imposable. La deuxième année, la base serait de 2 M$, et ainsi de suite.

Cette formule inciterait les PME à exporter davantage. En cas de réussite, les efforts de développem­ent seraient en partie compensés, et le trésor public y trouverait son compte, puisque l’année suivante, les bénéfices entreraien­t dans le calcul fiscal.

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