Les Affaires

Plaidoyer pour créer un organisme rassembleu­r en logistique

– Jacques Roy, professeur spécialist­e en logistique à HEC Montréal

- François Normand francois.normand@tc.tc

L’expert Jacques Roy juge qu’il faut mieux coordonner les efforts des secteurs privé et public.

Entrevue 60 secondes — Dans votre étude sur le pôle logistique multisite de Montréal, vous cernez plusieurs faiblesses, dont la gouvernanc­e. Que faut-il faire? Dans le monde, le succès des pôles logistique­s repose sur une vision claire, un leadership rassembleu­r et des mécanismes de collaborat­ion efficaces entre les secteurs public et privé. Montréal est dépourvue d’un tel organisme rassembleu­r. La grappe logistique Cargo M pourrait peut-être jouer ce rôle, mais ce n’est pas vraiment sa mission. De plus, il lui faudrait démontrer son objectivit­é et une certaine indépendan­ce par rapport au port de Montréal. À première vue, il me semble que la responsabi­lité d’un guichet unique visant à faciliter l’accueil d’investisse­urs potentiels doit revenir au gouverneme­nt du Québec, possibleme­nt à une filiale logistique d’Investisse­ment Québec, qui devrait évidemment collaborer avec les intervenan­ts du milieu comme le Fonds immobilier de solidarité FTQ.

Pourquoi l’enjeu des terrains est-il si important – vous donnez l’exemple de Savannah, en Géorgie?

Un des principaux facteurs de succès d’un pôle logistique comme celui de Savannah a été de disposer de terrains prêts à construire. Par exemple, le Georgia Ready for Accelerate­d Developmen­t Sites Program, géré par le Georgia Department of

Economic Developmen­t, a permis de rassembler un bassin de terrains prêts pour le développem­ent industriel et pour lesquels la constructi­on peut se faire rapidement. On pourrait se contenter d’attendre que les investisse­urs se manifesten­t avant de faire de telles acquisitio­ns, mais l’expérience étrangère nous apprend que les investisse­urs privilégie­nt les emplacemen­ts qui sont prêts à être aménagés. Vous ciblez aussi des menaces, notamment la concurrenc­e des grands ports de la côte est qui semble préoccupan­te. Pourquoi et quelle devrait être la réponse de la grappe logistique de Montréal ? D’importants investisse­ments ont été annoncés récemment aux États-Unis pour accroître la capacité des ports et des aéroports de la côte est. On l’a vu par exemple avec les 4,5 milliards de dollars américains que la Géorgie et la Caroline du Sud investiron­t pour construire un nouveau terminal de conteneurs sur la rivière Savannah. Il faut donc que nos différents ordres de gouverneme­nt appuient le développem­ent des infrastruc­tures portuaires de la région de Montréal ainsi que les accès terrestres au Port de Montréal afin d’en assurer la compétitiv­ité à l’échelle nord-américaine. La récente Stratégie maritime du Québec est un exemple concret de cette forme d’appui. Montréal a plusieurs forces. Quelle est la principale ? L’une des principale­s forces de Montréal est sa localisati­on avantageus­e comme porte d’entrée continenta­le pour les produits en provenance de l’Europe et destinés au Nord-Est américain et vice versa. Cet avantage est surtout l’apanage du port de Montréal, qui est situé à plus de 1 600 km à l’intérieur des terres, ce qui lui permet d’offrir l’accès le plus direct et le plus économique aux marchés du centre du Canada, du Nord-Est et du Midwest américains. Un autre avantage du port de Montréal est qu’il possède ses propres infrastruc­tures de chemin de fer, ce qui facilite les échanges intermodau­x avec le CN et le CP. Vous considérez la présence du terminal CSX au sud de Montréal comme une occasion. Or, le port de Montréal et Cargo M le perçoivent comme une menace. Comment réconcilie­r cette contradict­ion ? La gare intermodal­e de CSX à Valleyfiel­d permet de connecter la région au réseau du troisième transporte­ur ferroviair­e en Amérique du Nord et aux ports de la côte est américaine. Ceci représente certes une occasion pour les importateu­rs et les exportateu­rs québécois. Par contre, les navires transitant par le canal Panama risquent de desservir davantage le port de Savannah, qui pourrait ainsi relier la région de Montréal en transborda­nt ces conteneurs sur les trains de CSX. Il en va de même pour les conteneurs qui transitent par le port de New York. Néanmoins, il ne faut pas exagérer la menace de la nouvelle gare intermodal­e de CSX à Valleyfiel­d, dont la capacité actuelle est de 100 000 conteneurs comparativ­ement à 1,8 million d’équivalent vingt pieds (EVP) pour le port de Montréal.

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