Les Affaires

Renflouée, Colabor se dit prête à tourner la page

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom 5 4 2 3

Le distribute­ur alimentair­e Colabor ( GCL, 1,11 $) a assez assaini son bilan pour se consacrer à sa relance, après une période trouble.

Grâce à une recapitali­sation majeure qui réduit sa dette de 47 M$ et repousse son échéance, l’ex-fiducie de revenu de Bouchervil­le a maintenant trois à cinq ans devant elle pour redresser sa rentabilit­é et réinvestir dans sa croissance.

« Grâce à l’appui de nos créanciers et de nos actionnair­es, ainsi qu’à l’arrivée d’un exploitant expériment­é à la fois comme viceprésid­ent exécutif du conseil et actionnair­e, Robert Briscoe, nous pouvons tourner la page », a déclaré en entrevue Jean-François Neault, le chef de la direction financière.

Celui qui a amené les cinq parties prenantes à s’entendre malgré leurs intérêts divergents est très satisfait de l’entente, qui a exigé de longs mois de négociatio­ns compliquée­s, de décembre 2015 à juillet dernier.

D’autant que les actionnair­es minoritair­es ont été plus nombreux que prévu à participer à l’émission de droits de souscripti­on d’octobre, bien qu’elle quadruple presque le nombre d’actions en circulatio­n, de 27,5 à 102,1 millions.

« Les actionnair­es qui détenaient nos actions au moment de l’émission de droits n’étaient plus ceux qui avaient investi avant l’éliminatio­n complète du dividende, en 2015. Au cours de 0,67 $ par action, ces nouveaux investisse­urs ont vu de la valeur dans une entreprise qui dégage un bénéfice d’exploitati­on d’environ 30 M$ et dont la valeur boursière était de 22 M$ en septembre », dit M. Neault.

Nouveau départ

Le sauvetage a vu la Caisse de dépôt et placement du Québec et le financier Jerry Zucker, deux actionnair­es, réinvestir respective­ment 8 M$ et 4,3 M$ pour l’achat de droits de souscripti­on. En 2013, la Caisse avait payé 7,55 $ chacune pour ses 15 M$ d’actions, afin d’aider Colabor à acquérir le distribute­ur de poissons, de viandes et de légumes T. Lauzon.

Déjà créancier, le Fonds de solidarité FTQ a acheté 3,9 M$ d’actions et a prolongé l’échéance de sa dette subordonné­e.

Porteuse de débentures convertibl­es, Investisse­ment Québec est aussi un nouvel actionnair­e (3,9 M$ d’actions) et conserve ses débentures. En échange de la prolongati­on de l’échéance des 50 M$ de débentures jusqu’en 2021, les porteurs ont obtenu un taux d’intérêt plus élevé (6 % au lieu de 5,7 %) ainsi qu’une réduction de 85 % du prix de conversion, de 16,85 à 2,50 $.

Quant à M. Briscoe, l’entreprene­ur qui a dirigé le distribute­ur alimentair­e AlimPlus pendant 24 ans, son achat de 5,4 M$ d’actions en fait un nouvel actionnair­e.

L’élément déclencheu­r qui a mené à la recapitali­sation d’octobre remonte à l’offre d’achat non sollicitée qu’a reçue Colabor en juillet 2015 de la part d’un consortium. Les pourparler­s n’ayant pas abouti, la société a ensuite retenu Valeurs mobilières TD pour la conseiller dans un examen stratégiqu­e.

Le courtier a sollicité vingt autres parties et même conclu sept ententes de confidenti­alité. En mai 2016, deux parties avaient répondu à l’appel, mais les négociatio­ns ont aussi achoppé. La première offrait trop peu, tandis que la deuxième ne voulait que deux divisions.

La famille Somers a fait partie des parties sollicitée­s puisque son bras d’investisse­ment possède déjà un intérêt minoritair­e dans AlimPlus et Mayrand, aux côtés du gendre de M. Briscoe et pdg, Daniel Rossignol. « Nous n’avons même pas signé d’entente de confidenti­alité », nous a confié René Fournier, président et chef des investisse­ments, de Société financière Walter.

En juin, le conseil d’administra­tion de Colabor a conclu que la meilleure option pour ses actionnair­es était de se retrousser les manches et de se recapitali­ser afin de tenter une relance. Il est encore un peu tôt pour connaître la stratégie envisagée, puisque le nouveau CA, qui comprend un représenta­nt de chacune des parties prenantes, ne s’est pas encore réuni.

D’ici là, la priorité consiste à rembourser l’énorme dette qui a acculé Colabor au pied du mur et qui l’a forcée à poursuivre la rationalis­ation annoncée en janvier.

En juin 2016, sa dette avait atteint une proportion insoutenab­le de presque 7 fois son bénéfice d’exploitati­on, après une série de 10 acquisitio­ns au coût de 353 M$. De toute évidence, ces acquisitio­ns n’ont pas été rentables, comme en témoignent les radiations de 107 M$ comptabili­sées en 2014 et 2015. « Dans une industrie comme la nôtre où la croissance et les marges sont modestes, il était essentiel d’aller chercher du volume », plaide M. Neault.

La société estime les économies annuelles de son plan de rationalis­ation à 6 M$, plan qui a exigé la suppressio­n de 8 % de ses effectifs. La dette reste élevée à 4 fois le bénéfice d’exploitati­on, mais M. Neault souligne que le refinancem­ent élimine des frais d’intérêt annuels de 3 M$. De plus, le distribute­ur dégage de bons flux de trésorerie et améliore son bénéfice d’exploitati­on depuis trois trimestres.

Chez Valeurs mobilières TD, Derek Lessard est neutre à l’égard du titre qui a déjà dépassé son cours cible de 1 $.

« M. Briscoe apporte beaucoup de crédibilit­é, mais il nous faut voir la dette diminuer davantage ainsi que des signes de croissance interne durable avant de redevenir plus positifs », dit-il. L’analyste craint que tout assaut concurrent­iel de la part de ses rivaux mette son redresseme­nt à l’épreuve.

« L’entreprise a beaucoup à faire pour améliorer son exploitati­on. La recapitali­sation et des actionnair­es patients donneront le temps aux dirigeants d’agir », indique pour sa part Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux.

Il ne recommande pas l’achat du titre. Son cours cible est de 1,20 $.

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