Des graines de moutarde pour faire voler les avions
Une entente conclue le 6 octobre lors de la dernière assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale pourrait donner des ailes à la firme Agrisoma Biosciences. Le nouveau régime mondial de mesures basées sur le marché, qui se trouve au coeur de l’accord visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, devrait augmenter son bassin de clients et l’étendre à des compagnies aériennes jusque-là hésitantes à amorcer un virage vers des solutions de rechange plus vertes en matière de carburant.
Au cours des 10 dernières années, l’entreprise de Gatineau a mis au point un biocarburant généré à partir des récoltes de semences de Brassica carinata – une variété de moutarde. « On prévoit que la demande sera si forte qu’on ne voit pas vraiment les autres entreprises qui font des carburants alternatifs comme des concurrents », dit Hank Krakowski, directeur de l’aviation durable chez Agrisoma Biosciences.
M. Krakowski a travaillé pour la United Airlines et la Federal Aviation Administration avant de se joindre à l’entreprise québécoise il y a un peu plus d’un an. Il dit avoir amorcé des discussions depuis huit mois avec cinq compagnies aériennes de quatre pays différents, notamment en Europe et en Amérique du Nord. « Avec ces derniers développements, nous nous attendons à ce que les discussions s’intensifient rapidement », dit-il. rité alimentaire, comme cela a été le cas pour le bioéthanol à base de maïs. Selon l’entreprise, un sac de 23 kilogrammes de semences peut générer 8 000 litres de biocarburant et six tonnes de nourriture pour les animaux. Ces semences peuvent d’ailleurs pousser dans les champs sur une terre en jachère.
Agrisoma Biosciences se retrouve dans les deux secteurs des technologies propres en émergence au Québec, soit les innovations agricoles et la chimie verte. Denis Leclerc, président de la grappe Écotech Québec, voit dans ces deux domaines « un fort potentiel » et note un intérêt grandissant des investisseurs sur la scène internationale pour ceux-ci.
sait que c’est un marché difficile, qui exige beaucoup d’efforts. »
Elle prévoit sonder le marché africain à Marrakech, où elle s’envolera pour la COP22 en compagnie de la délégation mise sur pied par le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Elle en profitera pour tenter de découvrir des partenaires potentiels en vue d’établir des liens avec des acteurs de ce continent, mais aussi des États-Unis, pays qui constitue « la prochaine étape à très court terme » des visées internationales de la PME. « On a encore beaucoup de développement à faire ici dans notre marché local du Canada et des États-Unis », dit Mme Labrecque. Production de bières biologiques Au Québec, la PME compte une dizaine de clients, dont des entreprises, surtout dans le secteur agroalimentaire, et de petites ou moyennes municipalités sans stations d’épuration. L’été dernier, elle a installé sa technologie à l’usine de la microbrasserie Beau’s, à Vankleek Hill, une municipalité de l’est de l’Ontario, située à une quinzaine de kilomètres de la frontière québécoise. Cette entreprise de 160 employés était alors en pleine croissance, avec une augmentation de plus de 30% de ses ventes par année. Les eaux usées générées devenaient trop importantes pour être traitées par la municipalité. Beau’s a investi environ 300 000$ pour mettre en place un système de traitement en faisant appel à Technologies Ecofixe.
L’entreprise, qui produit des bières biologiques, a arrêté son choix sur la PME de Laval, entre autres en raison de ses préoccupations en matière d’approvisionnement local et de respect de l’environnement. « On ne voulait pas juste le minimum. On voulait s’assurer qu’on faisait les choses de la bonne façon », explique Steve Beauchesne, pdg de Beau’s. Il ajoute que des entreprises essayaient de leur vendre « plus que ce qui était nécessaire, tandis qu’Ecofixe a vraiment regardé ce dont nous avions besoin et a implanté une solution personnalisée. Elle pouvait respecter nos échéanciers et notre budget. » Changements à la réglementation environnementale L’innovation derrière Technologies Ecofixe est due à la volonté de Jean Labrecque, un ancien ingénieur civil qui travaillait dans le secteur du traitement des eaux usées, de trouver un moyen pour répondre aux besoins des municipalités où les étangs aérés fonctionnaient au maximum de leur capacité et où aucun terrain n’était disponible pour agrandir les installations.
« C’est comme ça qu’il a pensé mettre les réacteurs directement dans l’étang. C’est parti d’une idée à la limite un peu farfelue que mon père a eue en 2009 », explique sa fille, Marisol Labrecque. En 2014, elle a pris les rênes du projet après le décès de son père pour conduire les essais, les validations et les ajustements entourant la concrétisation de la technologie avant d’en lancer la commercialisation.
Simplement avec les contrats déjà signés pour 2017, Technologies Ecofixe est certaine de doubler son chiffre d’affaires l’an prochain. Mme Labrecque nourrit beaucoup d’espoir à l’égard du remaniement de la Loi sur la qualité de l’environnement, annoncé par le ministre David Heurtel en juin dernier, qui entraînerait une révision du régime d’autorisation environnementale. « Pour des entre- prises qui oeuvrent dans le secteur des technologies vertes comme la nôtre, c’est une très bonne nouvelle, dit-elle. Quand on a une nouvelle technologie, on tombe souvent dans une zone grise au moment de faire des demandes d’autorisation. »