Les Affaires

ARITZIA : TROP D’OPTIMISME ?

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Wow, huit analystes qui amorcent le suivi en simultané, tous avec des recommanda­tions d’achat! Y aurait-il là un coup de circuit potentiel ou, à tout le moins, un bon placement à faire?

Le titre en mire: Aritzia ( AZT, 18,75$), un détaillant de vêtements féminin surtout connu à Vancouver et à Toronto, qui vient d’ouvrir quelques boutiques dans la grande région de Montréal.

La société de Vancouver est également récemment arrivée en Bourse.

Que les courtiers ayant participé à une émission d’actions soient favorables au titre n’est pas rare. Mais, lorsque l’aventure est incertaine et que l’évaluation est forte, ils s’en trouvent généraleme­nt quelques-uns pour appuyer sur le frein ou être nuancés dans le commentair­e. Ce n’est pas ce qui ressort cette fois de l’amorce collective de suivi.

Un départ peu enthousias­te

L’idée nous est donc venue de creuser davantage. Mais comment évaluer un détaillant de vêtements féminins? Experte demandée.

Deux heures plus tard, la collègue Diane Bérard et moi étions dans le magasin de la rue Sainte-Catherine. Verdict? Note positive, mais teintée d’un enthousias­me nettement moins expansif que chez les grands courtiers. « Ce sont des tenues classiques. Les couleurs sont sobres avec quelques vêtements pour se mettre à la mode, du rose pâle et du bourgogne. Ce n’est pas une destinatio­n pour quelqu’un qui veut faire mode affichée. Simons est plus wow. J’ai cependant vu de jolies choses, je pourrais revenir », a dit Diane. Ses destinatio­ns premières resteront cependant Simons et Banana Republic.

Coup de sonde également chez les collègues Dominique Beauchamp et Isabelle Leblanc, croisées en cours de pérégrinat­ion. Dominique aime, mais trouve que les prix sont trop chers. Elle préfère Simons et, pour les occasions spéciales, Tristan. Isabelle aime aussi, mais tout comme Dominique, la destinatio­n n’est pas en tête de liste. Elle trouve également les prix élevés et préfère Simons, Banana et Zara. Là où notre sentiment se réchauffe Plutôt froid à l’égard du titre, donc. Jusqu’à ce qu’on s’attarde aux états financiers. Au deuxième trimestre, les ventes comparable­s des 75 établissem­ents de l’enseigne ont augmenté de 16,9% par rapport à la même période l’an dernier. Personne sur le marché n’a connu pareille performanc­e. Sleep Country, que tous applaudiss­ent, a fait + 12,2 %, et lululemon, la marque fétiche, + 5 %. Il y a dans cette donnée un important signal d’engouement et de popularité.

La rentabilit­é des établissem­ents est également surprenant­e. Les bénéfices générés permettent en moyenne de récupérer l’investisse­ment effectué pour l’ouverture d’une boutique (2,5 M$) en seulement deux ans.

Aritzia offre une dizaine de collection­s exclusives, qu’elle dessine elle-même. Ces collection­s ne sont peut-être pas aussi « mode affichée » que celles de Simons, mais il n’y a pas de Simons dans tous les marchés. Et c’est justement les marchés où il n’y en a pas que la société vise pour sa croissance. Quel est le plan et a-t-il des chances de réussir? Sur l’horizon 2021, la direction voit sa croissance provenir de trois piliers. 1. Près de 40% de l’augmentati­on des revenus devrait venir de l’ouverture de 20 à 25 nouveaux magasins (il y en a actuelleme­nt 75), principale­ment aux États-Unis. 2. Un autre 15% devrait venir de l’expansion ou de la relocalisa­tion de certains établissem­ents. 3. Le dernier 40% d’augmentati­on de rentabilit­é doit provenir de la croissance des activités de commerce en ligne. Réaliste? L’expansion aux États-Unis le semble. Les ouvertures projetées sont conformes à ce qui s’est fait dans le passé annuelleme­nt. Plus intéressan­t encore, le potentiel après 2021 semble fort important. RBC Marchés des Capitaux croit qu’à terme, la présence nord-américaine pourrait grimper de 75 à 200 établissem­ents. Canaccord fait remarquer que, sur une base de population, les 57 établissem­ents canadiens actuels sont l’équivalent de plus de 500 aux États-Unis. À noter également que jamais dans le passé Aritzia n’a dû fermer un magasin pour cause de non-rentabilit­é.

Sur le volet expansion et relocalisa­tion des établissem­ents actuels, il s’agit de marchés connus. Peu de doute ici aussi sur la réussite.

On est cependant moins convaincu à propos de la croissance des ventes en ligne. Cette contributi­on 40 % demande en fait que les ventes en ligne passent de 65 M$ (12% des ventes actuelles) à 288 M$ (24 %). Tout le monde semble d’accord pour dire qu’avec l’augmentati­on du nombre d’établissem­ents et la visibilité accrue de la marque, les ventes par Internet suivront. Mais le nombre de magasins n’augmentera que de 33 % d’ici 2021, alors qu’on veut quadrupler les ventes en ligne. Il est vrai que la tendance est à l’achat en ligne, que des efforts seront aussi déployés à l’internatio­nal (hors l’Amérique du Nord) et qu’il ne faut peutêtre que quelques vedettes pour promouvoir la marque. Quand même, la commande semble importante à première vue.

Faut-il acheter Aritzia?

Évidemment, la grande question. Le titre se négocie actuelleme­nt à environ 35 fois le bénéfice prévu par les analystes pour l’exercice 2017.

Patricia Baker, de Scotia, juge le multiple justifié en soulignant que, durant la période où lululemon générait une croissance des ventes comparable­s dans les deux chiffres, son action se négociait à 30- 40 fois le bénéfice prévu.

Il est néanmoins douteux qu’Aritzia mérite le même multiple que lululemon à ses débuts. Déjà, on pouvait sentir chez lululemon un engouement hors du commun. Comme le mentionne Diane, « il y a une communauté chez lululemon, des gens unis par une même passion, la vie active ». Bref, des fans finis. Ça reste moins évident chez Aritza.

Vrai, si, comme le prévoit RBC Marchés des Capitaux, la société offre une croissance annuelle composée de ses revenus de 17% d’ici 2021 (c’est celle affichée depuis 2011), et que cette croissance se poursuit ensuite dans une fourchette annuelle de 7 à 9%, le titre pourrait bien valoir près de 75$ dans 15 ans. Dit autrement, c’est un rendement composé annuel de 20%.

Quelque chose nous dit cependant que la croissance des ventes sur le Web ne sera pas celle qu’on prévoit d’ici 2021 et que le titre subira une correction à la baisse à un moment pour s’ajuster. Comme diraient Dominique et Isabelle: c’est cher.

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Les recommanda­tions des analystes qui suivent le titre d’Aritzia
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Sur le radar
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François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | f_pouliot

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