Les Affaires

Un des meilleurs coups de David Carrier

La première fois que...

- Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc

Le chemin de la croissance est ponctué d’étapes incontourn­ables. Cette série présente des cas d’entreprise­s qui les ont traversées avec succès. Cette semaine : mettre sur pied un comité- conseil.

Un an et demi à peine après la création d’Avec plaisir, son entreprise de traiteur spécialisé­e dans les lunchs d’affaires, David Carrier, pdg de la Maison Carrier Besson, a mis en place un comité-conseil, qu’il consulte toujours régulièrem­ent.

David Carrier s’est toujours entouré, a toujours demandé l’avis des autres. Constituer un comité-conseil a donc été un réflexe pour lui. « Ça fait partie de mes meilleurs coups en tant qu’entreprene­ur. Ça permet d’aller chercher de l’expérience et ça évite de faire certaines erreurs », estime-t-il.

Quand il a mis sur pied ce comité, l’entreprise ne comptait qu’une vingtaine d’employés. Depuis, David Carrier a racheté le traiteur Agnus Dei à ses parents. La Maison Carrier Besson emploie aujourd’hui 175 personnes. Pourtant, M. Carrier a conservé son comité-conseil tel quel et ne l’a jamais transformé en conseil d’administra­tion. « Je suis le seul actionnair­e, donc personne ne m’y oblige, explique David Carrier. En revanche, le comité-conseil fonctionne comme un conseil d’administra­tion. La seule différence, c’est que les membres n’ont pas de responsabi­lité légale » et que leur avis n’est que consultati­f.

Des membres choisis selon les enjeux

Dès le début, il a soigneusem­ent choisi ses membres. « Je cherche le fit. Je ne pourrais pas avoir quelqu’un dans le conseil qui a une vision archaïque de la cuisine, par exemple, reconnaît David Carrier. Mais la clé, c’est de faire l’analyse de ses enjeux pour associer à chacun le bon profil. »

Au départ, il avait repéré quatre spécialité­s liées à autant d’enjeux : marketing (faire connaître la marque), comptabili­té (mesures et contrôles durant la croissance), entreprene­uriat (gestion de la croissance) et innovation culinaire. Pour ce dernier enjeu, David Carrier avait demandé à un chef cuisinier de siéger au conseil. « Mais ça n’a pas marché, car il n’était pas à l’aise dans ce genre de structure : il était plus question de considérat­ions stratégiqu­es alors qu’il avait un profil de direction des activités. Or, nous étions déjà bons là-dedans », explique David Carrier.

Et il a bien fait. « Si un membre n’apporte rien, il ne faut pas hésiter à s’en séparer. Il ne faut pas de bois mort. Au bout d’un an, il est essentiel de faire une évaluation de façon à voir si tous les membres ont leur place dans le conseil », affirme Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernanc­e.

« Nos enjeux ont beaucoup évolué au fil des années. La compositio­n du comité a donc beaucoup changé », note David Carrier.

Par exemple, lorsqu’il a voulu structurer sa cuisine de façon encore plus profession­nelle, il a sollicité un directeur de production de Danone, qui lui avait été recommandé par son réseau de relations, pour siéger à son conseil le temps de mener à bien ce projet. « Je savais qu’il avait déjà fait ce genre de démarche. Il nous a aidés à réfléchir à notre future cuisine centrale de façon à atteindre de hauts standards d’hygiène », explique l’entreprene­ur.

Actuelleme­nt, les cinq membres du comité sont spécialisé­s en vente et développem­ent, en gouvernanc­e et stratégie, en production et en communicat­ion marketing. Le dernier arrivé est un chef d’entreprene­ur expériment­é qui a aussi un profil financier. « Il faut veiller à avoir un mélange de compétence­s spécifique­s et d’expertise générale. Il faut une gouvernanc­e à 360 degrés », conseille Michel Nadeau.

Un investisse­ment bénéfique

Initialeme­nt, les mentors de David Carrier étaient bénévoles, mais depuis cinq ans, il les rémunère. « L’entreprise grossissai­t, ça leur demandait plus de temps, donc j’ai ressenti le besoin de rétribuer leur travail. »

« Cela permet aussi d’assurer une bonne qualité d’interventi­on et on peut demander une plus grande implicatio­n », confie l’entreprene­ur, qui organise cinq réunions par an et une rencontre annuelle consacrée à la vision à long terme. « Je les appelle souvent entre deux rendez-vous. Ils sont comme des coaches. »

Le fonctionne­ment d’un comité-conseil demande de la préparatio­n : décider des points à évoquer en réunion, envoyer l’ordre du jour avec les documents d’analyse nécessaire­s deux semaines avant la séance, préparer des présentati­ons pour les projets exposés aux membres, etc. « Il faut créer des outils pour les administra­teurs : des tableaux de bord, des modélisati­ons financière­s, etc. », conseille Patrice Vachon, associé chez Fasken Martineau.

Mais le jeu en vaut la chandelle. Même si l’exercice demande, en plus d’une bonne structurat­ion et d’une solide organisati­on, « une ouverture d’esprit », reconnaît David Carrier. « Si tu as fait un mauvais coup, que tes chiffres ne sont pas bons, le conseil t’oblige à le voir en face et à te remettre en question. C’est un inconvénie­nt qui a du positif, mais il ne faut pas avoir un trop gros ego. Il faut aimer apprendre, car on reçoit beaucoup de coups de poing », dit le pdg.

« C’est dans l’ADN de l’entreprene­ur de se sentir capable de tout faire, d’être impulsif, souligne Patrice Vachon. Dépasser cela pour accepter de prendre l’avis des autres, ça demande de l’humilité ; mais c’est bénéfique, car échanger permet de rationalis­er. Les décisions qui en sortent augmentent à coup sûr la productivi­té et la rentabilit­é. Sans compter que les membres sont de bons ambassadeu­rs de l’entreprise et lui ouvrent des portes. »

 ??  ?? « Nos enjeux ont beaucoup évolué au fil des années. La compositio­n du comité a donc beaucoup changé », dit David Carrier, pdg de Maison Carrier Besson.
« Nos enjeux ont beaucoup évolué au fil des années. La compositio­n du comité a donc beaucoup changé », dit David Carrier, pdg de Maison Carrier Besson.

Newspapers in French

Newspapers from Canada