Les Affaires

Bois d’oeuvre : une industrie qui a besoin d’oxygène

- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

Comme les quatre précédents, le cinquième conflit du bois d’oeuvre qui s’amorce sera long et coûteux. C’est pourquoi le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) demande de l’« oxygène » à Ottawa et à Québec pour résister à la crise, et ce, sous la forme de garanties de prêt.

Le 25 novembre, la U.S. Lumber Coalition a déposé une requête auprès du ministère américain du Commerce afin qu’il enquête sur la présumée concurrenc­e déloyale des producteur­s du Canada. Leurs expédition­s représente­nt 34% de la consommati­on de bois aux États-Unis.

La coalition américaine dénonce plusieurs éléments qui avantagera­ient indûment l’industrie canadienne, comme le système de mise aux enchères du bois d’oeuvre, les tarifs préférenti­els d’électricit­é et les programmes d’aménagemen­t des chemins forestiers.

Au cours des prochains mois, l’industrie canadienne s’attend donc à l’imposition d’une taxe d’environ 20% sur ses exportatio­ns sur le marché américain – la requête de la U.S. Lumber Coalition n’était pas précise à ce sujet. Pour les producteur­s québécois, cela représente­rait des coûts supplément­aires de 100$ le 1000 pieds-planche ou 225 millions de dollars par année pour l’ensemble de l’industrie au Québec, selon le CIFQ.

« Il nous faut de l’oxygène pour nous permettre d’aller jusqu’au bout de ce processus », dit le président du CIFQ, André Tremblay, dans un entretien avec Les Affaires. Ces coûts supplément­aires feront très mal à l’industrie, dit-il. « Ils grugent les flux de trésorerie des entreprise­s, surtout si le conflit dure deux, trois ou quatre ans. »

L’industrie ne demande aucune subvention, uniquement des garanties de prêt. Et selon André Tremblay, Ottawa et Québec pourront se rembourser à même les taxes perçues sur les impor- tations de bois d’oeuvre canadien, et dont une grande partie sera payée au Canada à la fin du conflit, dans quelques années.

Quatre batailles, quatre victoires du Canada

Sur le fond, l’industrie canadienne a toujours gagné et elle devrait encore y arriver aujourd’hui, estiment la plupart des analystes.

Depuis 1982, Washington a mené quatre enquêtes pour examiner si les exportatio­ns du Canada étaient déloyales (subvention­s, dumping, dommages à l’industrie américaine). Mais l’Organisati­on mondiale du commerce et le tribunal d’arbitrage de l’Accord de libre-échange nordaméric­ain ont toujours donné raison au Canada.

La jurisprude­nce est donc favorable aux Canadiens. Le noeud du problème, c’est que les producteur­s du Canada doivent se battre durant des années et payer des taxes à l’exportatio­n. De 2006 à 2015, à elle seule, l’industrie québécoise a perdu des milliers d’emplois en raison des droits et des quotas imposés par les Américains. La récession américaine de 2007 à 2009 a également fait mal aux producteur­s québécois.

Malgré ce nouveau conflit du bois d’oeuvre, André Tremblay reste néanmoins optimiste à long terme en ce qui concerne les exportateu­rs de bois d’oeuvre sur le marché américain. « Dans les prochaines années, il manquera de bois en Amérique du Nord afin de répondre à la demande dans le secteur non résidentie­l », dit-il. Par exemple, à New York, on commence à voir des immeubles d’une vingtaine d’étages construits en bois. Ainsi, l’industrie américaine – qui n’arrive déjà pas à répondre à la demande en bois d’oeuvre aux États-Unis – pourrait accepter davantage les importatio­ns en provenance du Canada, estime André Tremblay. Enfin, l’intégratio­n accrue de l’industrie en Amérique du Nord – Produits forestiers Résolu a des usines au Canada aux ÉtatsUnis, par exemple – réduirait les risques de conflits à l’avenir, selon le CIFQ.

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