Les Affaires

Dure période pour la crédibilit­é du Dr Gaétan Barrette

- Chronique

ept provinces et territoire­s ont signé des ententes de financemen­t de leurs services de santé avec le gouverneme­nt fédéral. Il ne reste plus que six membres du front commun initial : le Québec, l’Ontario, le Manitoba, l’Alberta, la Colombie-Britanniqu­e et l’Île-du-Prince-Édouard.

Chaque fois qu’une province ou un territoire se range aux arguments du fédéral, le ministre Gaétan Barrette monte aux barricades. Il parle de « fédéralism­e prédateur », de « dictature du minoritair­e » et de « chantage auprès des provinces vulnérable­s ». Il en appelle aux pressions de l’opinion publique. À une autre époque, ce qui se passe maintenant aurait amené les politicien­s et les commentate­urs à dénoncer haut et fort le comporteme­nt du fédéral.

Ottawa a offert aux provinces d’accroître de 3,5 % par année pendant 5 ans ses transferts pour la santé et d’ajouter 11 milliards de dollars en 10 ans pour les services à domicile et la santé mentale. Le ministre Barrette juge insuffisan­te l’offre fédérale et dénonce l’intrusion d’Ottawa dans le choix des soins à financer.

Malheureus­ement, les dénonciati­ons du ministre tombent à plat. D’une part, les Québécois sont fatigués des chicanes fédéralesp­rovinciale­s et, d’autre part, ils n’ont pas confiance dans la gestion des sommes allouées pour la santé. Ils savent maintenant que grâce au Dr Barrette, qui a été président de la Fédération des médecins spécialist­es du Québec, ceux-ci ont été les grands bénéficiai­res de la hausse des crédits consentis pour la santé ces dernières années. Les médecins spécialist­es du Québec gagnent maintenant plus que ceux de l’Ontario, une province qui est plus riche que le Québec et où le coût de la vie est plus élevé. Cette ponction s’est produite en vertu de l’entente de financemen­t précédente, qui a permis d’accroître de 6 % par année les transferts fédéraux pour la santé.

Et puisque le ministère de la Santé et des Services sociaux n’est pas transparen­t sur la façon dont il dépense ses crédits, on ne sait même pas si le gouverneme­nt du Québec a vraiment attribué aux soins de santé la totalité de la croissance des sommes reçues du fédéral.

Le panier de crabes des frais accessoire­s

Ce manque de transparen­ce explique en partie la demande que la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, a faite au Québec de lui donner le total des frais accessoire­s payés aux omnipratic­iens et aux spécialist­es par les patients québécois et qui sont estimés à 18 millions de dollars et à 65 millions de dollars respective­ment. En même temps, Jane Philpott réagissait à la requête en mandamus présentée par l’avocat Jean-Pierre Ménard afin de forcer Ottawa à réduire ses transferts au Québec de l’équivalent des frais accessoire­s, qui sont illégaux selon la Loi canadienne sur la santé. Coincé, M. Barrette s’est rapidement engagé à abolir ces frais, mais après avoir dit que ceux-ci devaient être intégrés à la rémunérati­on des profession­nels de la santé.

Au moment d’écrire cet article, il était impossible de savoir ce qui arrivera le 26 janvier, date limite choisie par le ministre Barrette pour l’abolition de ces frais. On peut toutefois être sûr que leur abolition, qui est souhaitabl­e en principe, réduira l’accès aux soins de santé.

Des frais mineurs pourront sans doute être abolis, mais un grand nombre ne pourront l’être totalement, à moins de consentir aux médecins, aux dentistes, aux spécialist­es de la vue et aux pharmacien­s une rémunérati­on additionne­lle.

Les profession­nels de la santé qui travaillen­t dans des cabinets reçoivent des honoraires de l’État pour les examens et les soins administré­s aux patients, mais non pour l’amortissem­ent des équipement­s (par exemple, en gastroenté­rologie), certains produits (stérilets, plâtres en fibre de verre, etc.) et certains traitement­s particulie­rs (vasectomie­s, traitement­s à l’azote, échographi­es, prélèvemen­ts sanguins avec résultats sur-le-champ, injections d’antiinflam­matoires, etc.).

À moins d’une compensati­on financière de l’État, l’interdicti­on de facturatio­n des patients pour ces services et ces traitement­s réduira l’accès aux soins. À prévoir : réduction de l’offre de services, fermeture de cliniques et désengagem­ent de médecins du régime public des soins de santé.

Quant aux patients qui en bénéficiai­ent, ils devront se diriger vers des hôpitaux, où les listes d’attente sont déjà trop longues. Il s’ensuivra des délais additionne­ls, comme une augmentati­on de l’attente avant d’avoir accès à certains soins et résultats d’examen, ce qui est loin d’être banal. Bien sûr, davantage de médecins et de spécialist­es seront appelés à travailler dans les établissem­ents publics, mais ce transfert demandera des ajustement­s dans les milieux hospitalie­rs, qui sont déjà encombrés.

Est-ce que ce dossier a été bien géré ? Non, à en juger par l’improvisat­ion qui a précédé le bras de fer auquel se livrent le ministre et les profession­nels de la santé. Est-ce que l’accès aux soins sera amélioré ? Non. Ces constats seront à porter au bilan éventuel de la réforme des soins de santé du ministre Gaétan Barrette.

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