Les Affaires

La future certificat­ion FSC inquiète l’industrie forestière québécoise

- François Normand francois.normand@tc.tc @francoisno­rmand

Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) craint que certains critères de la prochaine certificat­ion Forest Stewartshi­p Council (FSC) rendent très difficile, voire impossible dans certains cas, l’exploitati­on de la forêt au Québec. « Il faut tenir compte de la réalité qui est propre au Québec », souligne son pdg, André Tremblay, dans un entretien avec Les Affaires. Il s’inquiète en particulie­r des futurs critères liés à la protection du caribou forestier et à la protection de la forêt boréale.

Depuis le 24 novembre, FSC Canada mène des consultati­ons au pays afin de recueillir des commentair­es sur les modififica­tions qui seront apportées à sa certificat­ion, et ce, à compter de cet automne – les consultati­ons se terminent le 17 février. D’ores et déjà, le CIFQ s’inquiète de la portée que pourraient avoir les nouveaux critères pour protéger le caribou forestier (une espèce menacée au Canada) et la forêt boréale (qui couvre une bonne partie de l’hémisphère Nord, du Canada à la Russie, et qui fait partie des « poumons de la Terre » avec les forêts de l’Amazone, du bassin du Congo et du sud-est asiatique).

Selon André Tremblay, la législatio­n au Québec – et celle en gestation – accorde déjà une place importante à la protection du caribou forestier et de la forêt boréale.

FSC est une certificat­ion internatio­nale qui garantit que les produits forestiers (bois, papier, etc.) proviennen­t de forêts aménagées de manière responsabl­e. Le Canada détient le tiers des certificat­ions accordées dans le monde, selon FSC Canada, l’organisme qui gère le label au pays. Cette certificat­ion n’est pas obligatoir­e. Par contre, pour l’obtenir, les entreprise­s forestière­s doivent se soumettre à des audits indépendan­ts réguliers. FSC Canada l’accorde par usine et non pas pour l’ensemble des activités d’une société. La FSC est prisée auprès des sociétés forestière­s, car de grandes entreprise­s comme Procter & Gamble, McDonald’s, Lowe’s, Hydro-Québec ou le Mouvement Desjardins l’exigent de leurs fournisseu­rs de produits forestiers.

Il y a d’autres certificat­ions dans l’industrie : la Sustainabl­e Forestry Initiative (SFI) et la Canadian Standards Associatio­n (CSA). Des entreprise­s ont d’ailleurs souvent deux certificat­ions. La FSC est cependant plus exigeante, notamment au chapitre des bonnes relations à avoir avec les Amérindien­s, disent des sources de l’industrie.

À quel territoire s’appliquera-t-elle ?

La future norme exigera que 80 % de la forêt boréale au Canada soit exempte de toute activité forestière. Ce qui n’est pas clair, en revanche, c’est à quel territoire s’appliquera cette limite de protection de 80 % : à l’ensemble du territoire québécois ou à chacune des quelque 70 unités d’aménagemen­t du territoire forestier au Québec ? « Si on applique uniquement la limite par unité d’aménagemen­t, ce sera impossible pour les forestière­s de respecter ça ! » laisse tomber André Tremblay.

Par contre, si on applique la limite à l’ensemble du territoire québécois, les entreprise­s pourront s’adapter. Selon le CIFQ, le Québec protège déjà 90 % de la forêt boréale, si on inclut les régions situées au nord de la limite septentrio­nale, où aucun aménagemen­t forestier n’est autorisé.

Joint par Les Affaires, le président et chef de la direction de FSC Canada, François Dufresne, affirme qu’il est trop tôt pour dire quelle sera l’approche retenue. Par contre, il souligne l’importance de « bien cartograph­ier » les forêts intactes au Canada, et ce, selon un consensus entre les parties prenantes. « Néanmoins, on peut dire que le but est de protéger une grande majorité de ces forêts », insiste-t-il.

Vers une approche flexible pour protéger le caribou forestier ?

Pour ce qui est de la protection du caribou forestier, l’industrie québécoise craint de devoir se soumettre à des normes qui ne tiennent pas compte de la réalité du Québec.

La future norme FSC demandera qu’il y ait une perturbati­on maximale de 35 % du territoire du caribou forestier. Par exemple, sur un territoire de 100 kilomètres carrés, une entreprise forestière ne pourrait exploiter que 35 % de la forêt, le reste étant réservé aux caribous.

Selon le CIFQ, cette limite de perturbati­on maximale de 35 % est inspirée des caractéris­tiques de l’environnem­ent des caribous forestiers dans l’Ouest canadien, où les montagnes morcellent le territoire. Or, le territoire québécois n’est pas aussi morcelé, fait remarquer André Tremblay. « La réalité du Québec, c’est que les hardes de caribous peuvent se promener partout », dit-il. C’est pourquoi il estime que la limite de perturbati­on maximale de 35 % devrait s’appliquer à l’ensemble du territoire du caribou au Québec et non pas à des régions spécifique­s.

À ce sujet, François Dufresne affirme que FSC Canada fera preuve de flexibilit­é. Il souligne que les caribous forestiers ne sont pas présents dans toutes les unités d’aménagemen­t forestier au Québec et que la propositio­n de la nouvelle norme offre trois approches possibles afin de protéger ses habitats, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre aux entreprise­s forestière­s. « Selon les conditions spécifique­s régionales-provincial­es, une des options offertes ouvre la porte à d’autres stratégies qui pourraient, dans certains cas, réduire les impacts socioécono­miques de la mesure », précise François Dufresne.

La FSC est plus exigeante que les autres certificat­ions du secteur forestier, selon l’industrie, notamment au chapitre des bonnes relations à avoir avec les Amérindien­s.

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