Les Affaires

Les écueils de la retraite en solo

- Daniel Germain daniel.germain@tc.tc daniel_germain Coup d’oeil

Profession­nelle au sein d’une grande société de services, notre lectrice reçoit un salaire de base de 170 000 $, auquel s’ajoute un boni annuel de 20 à 25 %. Elle bénéficie également d’un régime d’intéressem­ent à long terme qui lui permet d’ajouter jusqu’à 40 000 $ par année à sa rémunérati­on. Cette tranche de revenu dépend cependant des performanc­es financière­s de l’employeur.

Du côté de l’épargne, Madame a un REER personnel de 360 000 $, plus 5 100 $ investis au Fonds de solidarité FTQ. Elle peut aussi compter sur un REER collectif de 71 000 $ et sur 26 000 $ en actions de son entreprise. Notons que notre lectrice verse 3 % de sa paie au REER collectif auquel cotise également l’employeur. Elle contribue à hauteur de 2 000 $ au régime d’achat d’actions, et l’entreprise ajoute 1 000 $.

En revanche, l’épargne non enregistré­e (3 200 $) et le CELI (800 $) sont bien maigres. Notre lectrice a vidé ce dernier pour rénover sa maison acquise en 2015. Achetée 595 000 $, la maison est hypothéqué­e à hauteur de 193 000 $.

Pour compléter le portrait, signalons qu’elle est mère monoparent­ale de deux adolescent­s. Ses deux enfants fréquenten­t l’école secondaire privée, ce qui représente une dépense de 10 000 $ par année.

À 46 ans, Madame se demande si elle est peut se retirer à l’âge de 60 ans tout en maintenant son rythme de vie actuel, qui comporte 15 000 $ de voyages par année.

Nous avons confié son cas aux bons soins de Sylvain Chartier, planificat­eur financier et fiscaliste chez Banque Nationale Gestion Privée 1859.

« Madame est très organisée, remarque le conseiller en jetant un oeil au fichier Excel qui sert à la fois de budget et de registre des dépenses. Son coût de vie s’élève à 84 000 $ (somme exprimée au net, évidemment), ce qui n’inclut pas les dépenses de voyage.

Même avec son salaire élevé, il sera difficile pour notre lectrice de quitter le milieu de travail à 60 ans. Il y a plusieurs obstacles, à commencer par ce coût de vie. Et comme elle vit seule, elle doit assumer en entier bon nombre de frais fixes qui, au sein de la plupart des ménages, sont répartis entre deux personnes.

Durant sa vie active et pendant sa retraite, notre lectrice paiera beaucoup d’impôts. « Et comme il n’y a personne avec qui elle pourrait faire du fractionne­ment de revenu, ni d’entreprise, on dispose de très peu d’options pour alléger la facture fiscale », remarque monsieur Chartier, qui devra en plus se résoudre à laisser aller à compter de 73 ans une partie de la Pension de la sécurité de vieillesse, dont les prestation­s sont amputées à partir de revenus de 74 788 $ (en 2017, montant indexé). Pour couvrir son train de vie, notre lectrice décaissera d’abord des placements non enregistré­s, mais à compter de 73 ans, elle devra retirer des sommes importante­s du REER.

À moins que notre lectrice réduise son coût de vie, ce sera impossible pour elle de se retirer à 60 ans.

Dans ses calculs, Sylvain Chartier a prévu que Madame conservera­it sa maison et que l’hypothèque serait entièremen­t remboursée en 2040. Il a aussi prévu la disparitio­n des dépenses liées aux études des enfants à leur 24e anniversai­re. « La planificat­ion est agressive, car les calculs tiennent pour acquis que votre lectrice recevra tous ses bonis jusqu’à 65 ans », précise le planificat­eur financier.

Il a maintenu le rythme de l’épargne REER (personnell­e et collectif) et a doublé l’effort à fournir pendant 10 ans pour renflouer le CELI. Ses scénarios s’appuient en outre sur des rendements de 3,75 % et d’un taux d’inflation de 2,1 %, des données conformes aux normes de l’IQPF.

Si madame se retire à 60 ans sans réduire son niveau de vie, elle aura épuisé tout son capital avant de souffler ses 75 bougies, ce qui est trop tôt. Les planificat­eurs cherchent généraleme­nt à ne pas épuiser les fonds avant 95 ans.

Elle pourrait prendre sa retraite à 60 ans si elle réduit dès maintenant ses dépenses à 82 000 $. Elle pourra alors compter sur un capital accumulé, en grande partie des REER – donc imposable, de 2,2 M$.

L’autre option est de repousser la retraite à 65 ans. Selon les calculs de notre planificat­eur financier, cela lui permettra de maintenir un coût de vie de 100 000 dollars, puis de le baisser lorsque les enfants auront terminé leurs études, et de le réduire une nouvelle fois au remboursem­ent de l’hypothèque.

À sa retraite, notre lectrice disposera d’un capital de 2,8 M$ qui sera épuisé à 95 ans.

D’autres alternativ­es n’ont pas été explorées, comme la vente de la maison durant la retraite et une réduction graduelle du coût de vie à un âge avancé. « J’hésite toujours à utiliser ce scénario. À un âge avancé, les dépenses changent. On dépense certes moins à voyager, mais les frais de santé peuvent augmenter considérab­lement », dit Sylvain Chartier. Si Madame maximise son REER et son CELI d’ici sa retraite, elle disposera d’un capital de 2,8 M$ à 65 ans (rendement 3,75 % - portefeuil­le équilibré). Cela lui est possible seulement si elle conserve son revenu et ne dépense pas plus de 100 000 $ par année (coût de vie qui baissera à la fin des études de ses enfants, dans 12 ans, et quand l’hypothèque sera remboursée, en 2040).

Le graphique indique l’évolution du capital.

Au premier coup d’oeil, préparer la planificat­ion financière de notre lectrice semble un jeu d’enfant. Sauf que…

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