Les Affaires

WORLD BUSINESS FORUM : L’ENTREPRISE BÊTA, OU L’ÈRE DU CHANGEMENT CONSTANT

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­se | C @@ diane_berard

Fin novembre 2016, Airbnb dévoile le service Airbnb Trips, sur lequel le fondateur Brian Chesky planche en secret depuis deux ans. « Si nous ne croissons pas au-delà de ce que nous avons inventé, ce qui a mené à notre succès causera notre perte », confie l’entreprene­ur au magazine Vanity Fair. Airbnb nous a permis d’offrir notre logement à des étrangers. Airbnb Trips permet de leur proposer aussi des excusions en tous genres. Brian Chesky a compris que les entreprise­s évoluent désormais dans un monde bêta. Et les organisate­urs du World Business Forum (WOBI), l’une des conférence­s d’affaires les plus prestigieu­ses du monde (voir l’encadré), en ont fait le thème de leur édition 2016, « Be Beta ». Le changement devient la norme. Le défi consiste à voir venir des menaces imprévisib­les. À détecter des signaux faibles avant qu’ils deviennent des tendances. Et à s’adapter en testant encore et encore. On parle désormais de « stratégie dynamique ». Les

Affaires a assisté au World Business Forum 2016. Voici quelques idées des conférenci­ers pour vivre l’entreprise bêta le mieux possible.

Les trois boîtes de Vijay Govindaraj­an

Expert en stratégie et innovation à la Tuck School of Business de l’Université Dartmouth, au New Hampshire Comment répondre aux attentes de performanc­e actuelles tout en réinventan­t son organisati­on pour demain ? Il faut gérer le contenu des trois boîtes, répond Vijay Govindaraj­an.

Tous les projets que les dirigeants lancent ou approuvent peuvent être classés dans l’une des trois boîtes suivantes : la gestion du présent, l’oubli sélectif du passé ou la création du futur. Les projets de la boîte visent l’améliorati­on continue. L’organisati­on réagit aux signaux clairs du marché. Selon sa situation, et celle de son secteur, entre 40 % et 60 % des projets totaux devraient se classer dans la boîte 1. Les projets de la boîte 2 amorcent la réflexion sur un futur différent. Quels acteurs non traditionn­els pourraient venir perturber votre secteur ? Cette boîte absorbe de 10 % à 20 % des projets de l’entreprise. La boîte 3, elle, planche sur le futur modèle d’affaires, en se fiant aux signaux faibles. « Pour guider le contenu des boîtes, l’organisati­on se fie à son intention stratégiqu­e, dit le professeur. Celle-ci doit être assez précise pour qu’on y croie et assez large pour qu’elle nous fasse rêver. » Le meilleur exemple serait cette déclaratio­n de John F. Kennedy, « Nous allons envoyer un homme sur la lune et le ramener avant la fin de ce siècle. » Un conseil, « demandez-vous régulièrem­ent si, compte tenu du rythme de changement dans votre secteur, vous êtes à l’aise avec votre portefeuil­le de projets ». Et une mise en garde, « croître de 8 % par année pour la prochaine décennie n’est pas une intention stratégiqu­e ».

Le deux scénarios d’Alfred Hitchcock

Pour chacun de ses films, le réalisateu­r Alfred Hitchcock écrivait deux scénarios. Le bleu présentait les faits, soit les dialogues et les instructio­ns de tournage. Le vert, lui, affichait les émotions qu’Hitchcock souhaitait susciter chez le spectateur à chaque scène. « Plusieurs grandes marques ont inconsciem­ment leur scénario vert et bleu », souligne le marketeur néérlandai­s Martin Lindstrom, auteur de Buyology, Brandwashe­d et Small data. Il poursuit : « Steve Jobs disait que chaque détaillant devrait se demander “Si ma boutique pouvait parler, que diraitelle à ceux qui franchisse­nt le seuil ?” » Une entreprise écrit son scénario vert à partir des informatio­ns qualitativ­es ( small data) plutôt que quantitati­ves ( big data), qu’elle recueille auprès de ses clients. « Pour savoir quelle émotion vous pouvez susciter chez vos clients, il faut connaître le désir inassouvi auquel vous pouvez répondre. Vous vous présentez sur le terrain sans idée préconçue, pas avec un scénario déjà rédigé. »

La résilience d’Alan Mulally

Ex-pdg de Ford « Bien sûr que j’étais nerveux en acceptant la direction de Ford en 2006. Cette année-là, on a perdu 17 milliards de dollars et nous avons décidé de ne pas solliciter l’aide du gouverneme­nt pour nous en sortir. Mais j’ai dormi paisibleme­nt tous les soirs, parce que c’était la chose à faire, Il fallait que je dorme pour revenir en forme le lendemain et poursuivre la stratégie de redresseme­nt. Et ainsi de suite chaque jour jusqu’à ce qu’on s’en sorte. » Il poursuit : « En période de turbulence, vous devez faire confiance au processus. Sinon, vous ne vous en sortirez pas. » Et il ajoute : « Vous vous dites que tout sera Ok. Et si ça ne l’est pas, vous vous adaptez. Pendant la crise, nous nous réunission­s tous les jours de midi à 13 h pour valider la situation et nous assurer que nous gérions le monde tel qu’il était et non tel que nous souhaition­s qu’il soit. » En période de turbulence, la résilience empêche le gestionnai­re de tomber dans le « piège de la gentilless­e ». « Je ne suis pas un bon gars. Je suis un gestionnai­re qui croit qu’un plan de redresseme­nt doit être le plus inclusif possible. J’offre à tous une occasion de travailler autrement. Que tout le monde y croit a peu d’importance, c’est le plan, il faut avancer. Et parfois, pour avancer, il faut se départir de certains éléments. » La tension créative d’Erik Wahl Artiste et auteur de Unthink: Rediscover Your Creative Genius « La croissance et le confort ne peuvent pas cohabiter », estime cet ex-entreprene­ur qui a tout perdu pendant le boom techno de la fin des années 1990 pour se réinventer en artiste peintre, conférenci­er et auteur à succès. « La croissance est le fruit d’une tension constante entre le rêve et l’exécution. Vous déployez des horizons les plus vastes possible. Puis, vous élaguez, vous vous concentrez et vous passez à l’action. L’étincelle de la création n’est rien sans le labeur de l’exécution. » La gratitude et la présence comme arme concurrent­ielle «Comme entreprene­ur, lorsqu’on connaît le succès, on arrive souvent à croire qu’il nous est dû, dit Erik Wahl. Ceci nous amène à

« Vos employés ne sont ni stupides ni de mauvaise foi. S’ils ne mènent pas à bien tous les projets que vous leur confiez, c’est qu’ils sont submergés. Ils ne vous entendent plus. » – Chris McChesney, auteur, The 4 Discipline­s of Execution

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Vijay Govindaraj­an, de la Tuck School of Business
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Erik Wahl, artiste et auteur
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Alan Mulally, ex-pdg de Ford
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