Les Affaires

Le jeu – et les enjeux – d’être « aussi Canadiens que possible » dans les circonstan­ces

- Laura O’Laughlin redactionl­esaffaires@tc.tc

Même si nous pouvons nous attendre à ce que les États-Unis s’engagent dans une politique plus protection­niste, les limites de nos options sont néanmoins libératric­es.

Il y a dix ans, CBC a organisé un concours visant à choisir une devise pour le Canada. Le résultat hilarant était, en anglais, « As Canadian as possible under the circumstan­ces », qui se traduit en français par « Aussi Canadien que l’on puisse être dans les circonstan­ces. » Dix ans après ce concours, dans un monde caractéris­é par un protection­nisme croissant et la fermeture des frontières, que signifie « être aussi Canadien que l’on puisse être », compte tenu des perspectiv­es économique­s et de l’arrivée d’un nouvel occupant à la Maison Blanche ?

La théorie des jeux économique­s peut aider à répondre à la question. Supposons que le Canada et les États-Unis soient des partenaire­s commerciau­x égaux et que les deux pays échangent entre eux différents biens et services. Selon la position adoptée par l’un et par l’autre, les gains diffèrent (voir le tableau 1). Dans cet exemple, le Canada et les États-Unis jouent un jeu de « dilemmes de prisonnier­s » - où la stratégie dominante de chaque pays est de s’engager dans une politique protection­niste - même si ensemble, les deux pays seraient mieux placés dans une politique globaliste.

Comment pouvons-nous savoir quelle est la stratégie dominante de chaque pays ? En comparant les gains du Canada dans le cadre d’une politique mondialist­e (10 +-1 = 9) à ceux attendus d’une politique protection­niste (15 + 2 = 17). On conclut que la stratégie dominante de chaque pays est de s’engager dans le protection­nisme.

Toutefois, dans la réalité, les pays ne sont pas exactement sur un pied d’égalité. Le jeu économique ressemble plutôt au tableau 2, où on voit que peu importe la stratégie des États-Unis, le Canada gagne toujours à suivre une politique de mondialisa­tion. Voilà qui simplifie les choses pour les Canadiens ! Même si nous pouvons nous attendre à ce que les États-Unis s’engagent dans une politique plus protection­niste (gains totaux de 17, comparativ­ement à 9 en cas de mondialism­e), les limites de nos options sont néanmoins libératric­es.

En 2017 et après, il n’y a tout simplement pas moyen pour le Canada de « gagner » en s’engageant dans des guerres commercial­es distrayant­es

basées sur l’économie d’hier. « Être aussi Canadien que possible dans les circonstan­ces » pourrait être de contourner complèteme­nt la guerre commercial­e et de se concentrer sur les industries en croissance et les emplois qui pointent vers un avenir automatisé et sans carbone. Nous pouvons espérer avec patience (comme les Canadiens ont l’habitude de le faire) que nous pourrons négocier avec les États-Unis et demeurer dans des conditions assez inchangées. Et laisser les États-Unis se chicaner avec ses autres partenaire­s commerciau­x au sujet d’industries et d’emplois d’hier.

Canada en fête

Entre-temps, utilisons le 150e anniversai­re du Canada et le 375e anniversai­re de Montréal pour faire preuve de politesse, mais aussi de persévéran­ce, en tirant parti de la domination canadienne (et québécoise) dans l’enseigneme­nt des mathématiq­ues et des sciences. Il faut redoubler d’efforts et miser énormément sur l’éducation pour se garantir une place dans un système économique où la créativité, les données, et l’intelligen­ce scientifiq­ue déterminer­ont la position concurrent­ielle de notre économie. Le chemin vers l’avant est assez simple, si seulement nous avons l’imaginatio­n de nous y tenir.

Si vous deviez retenir une chose de cette chronique, ce serait la suivante: la théorie des jeux nous montre clairement que notre temps et nos ressources sont mieux dépensés ailleurs que dans un bras de fer commercial et qu’il est inutile de se fâcher devant les discours Twitter d’un intimidate­ur-en-chef à la Maison Blanche.

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