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Faut-il jouer la dette de MDA et Molson Coors ?

- Chronique

aut-il jouer la dette de MDA et Molson Coors? La question s’est présentée il y a quelques jours, alors que le hasard a amené les actions de MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA, 69,21$) et Molson Coors (TAP, 95,71$US) sur notre radar. Les deux titres sont sous pression. MDA depuis environ un mois, Molson depuis plus longtemps. Pour une simple raison: une acquisitio­n qui a fait grimper leur niveau d’endettemen­t.

Personnell­ement, on ne court pas après des sociétés lourdement endettées, mais on jette régulièrem­ent un oeil sur celles dont l’endettemen­t est un peu plus élevé que ce qu’aimerait voir le marché. L’approche nous a notamment valu un coup de circuit, avec Atrium Innovation­s.

À l’époque, la société se négociait autour de 11$, soit à 7 ou 8 fois le bénéfice par action. La direction s’attendait à une croissance annuelle interne de son bénéfice de l’ordre de 7à 8%. C’était, à nos yeux, un signal d’achat. D’ordinaire, des sociétés promettant des croissance­s de bénéfices de ce genre sont davantage aux environs de 15 fois les bénéfices. Comment expliquer pareille situation?

Une chose semblait agacer les investisse­urs: un niveau d’endettemen­t équivalent à 3,2fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA). Ceux-ci semblaient se dire «Atrium est une société de produits naturels, il y a un risque d’interventi­on réglementa­ire et les dernières acquisitio­ns n’ont pas fonctionné. Elle ne livrera pas ce qu’elle fait reluire, et son taux d’endettemen­t l’empêche maintenant de poursuivre sa stratégie d’acquisitio­ns. Peu de croissance à venir.

Le niveau de dette faisait curieuseme­nt notre affaire. Atrium avait de bons flux de trésorerie, il n’y avait pas de danger imminent lié à la réglementa­tion, et puisqu’elle était endettée, elle ne ferait pas de mauvaises acquisitio­ns. Elle rembourser­ait simplement de la dette, ce qui ne manquerait pas de faire grimper sa valeur. La valeur d’une entreprise s’établit en additionna­nt la dette à sa capitalisa­tion boursière. Moins de dette, plus de valeur pour les actionnair­es. Faible risque de recul supplément­aire, potentiel haussier intéressan­t pour qui saura être patient, était notre raisonneme­nt. Un an et demi plus tard, la société faisait l’objet d’une offre d’achat à 24$ l’action. La mise était plus que doublée.

MDA a-t-elle les caractéris­tiques d’Atrium?

Le titre est sous pression après l’acquisitio­n de DigitalGlo­be pour une valeur d’entreprise de 3,6 G$ US. Les principale­s activités de MDA sont dans la constructi­on de satellites. Avec DigitalGlo­be, elle obtient cette fois une exposition à l’industrie de l’observatio­n et de l’imagerie satellite. L’entreprise peut apparemmen­t fournir des images satellitai­res assez précises d’objets qui ne font que 30 centimètre­s.

Marchés mondiaux CIBC indique que le marché de l’image satellite croît de 11% par année depuis 10 ans et qu’il devrait passer de 2,6-2,7 G$ à plus de 6 G$ en 2021. Or, à la suite de la transactio­n, les deux tiers des bénéfices de MDA proviendro­nt désormais du créneau.

Problème, la dette grimpe à 4,1 fois le BAIIA. La direction indique cependant que le niveau devrait être revenu à 3 fois le BAIIA en 2020. Aussi intéressan­t qu’Atrium? En supposant que l’entreprise conserve les mêmes bénéfices et multiples qu’actuelleme­nt, c’est une plus-value potentiell­e de 15% pour un actionnair­e sur le remboursem­ent de la dette. Évidemment, le gain est sur trois ans.

Si la tendance du secteur de l’imagerie satellite des 10 dernières années se maintient, on peut cependant présumer que sur l’horizon 2020 le bénéfice continuera d’avancer, ce qui pourrait ajouter du rendement. À moins que la direction ait voulu dire que le ratio dette/BAIIA baisserait grâce à la croissance du BAIIA plutôt que par remboursem­ent de dette. Ce n’est pas clair.

Il faut en outre considérer que l’industrie du satellite demande des immobilisa­tions (dépenses en capital) très importante­s et que les flux de trésorerie sont beaucoup plus difficiles à prévoir. Si bien qu’il ne faudrait pas non plus totalement écarter la possibilit­é d’une émission d’actions un jour pour diminuer la dette. Ce qui viendrait diluer le bénéfice et effectivem­ent diminuer la valeur de l’action.

Verdict: c’est peut-être bon, quelque chose nous dit qu’il y aura à la fois croissance du bénéfice et réduction de la dette. D’autant que les budgets de la Défense américaine semblent devoir augmenter. Cependant, il y a quand même pas mal de brouillard.

Molson Coors (TAP, 95,71 $) a-t-elle les caractéris­tiques d’Atrium?

L’histoire est un peu différente ici. À l’automne 2016, la société a annoncé l’acquisitio­n de l’intérêt de 58% qu’elle ne détenait pas dans MillerCoor­s. Dans les mois suivants, son titre a progressé de 25%. Il a franchi le cap des 110$ sur l’espoir des synergies de coûts qu’elle pourrait tirer de l’acquisitio­n.

Depuis cependant, l’action a reculé de près de 15%, alors que le marché semble davantage préoccupé par son ratio dette/BAIIA de 4,8. C’est en effet un ratio élevé. Cela dit, tout comme pour Atrium, les flux de trésorerie de Molson Coors sont élevés et relativeme­nt réguliers. Si bien que la direction croit que le ratio pourrait être ramené autour de 3 fois le BAIIA d’ici 2019.

Crédit Suisse prévoit que la dette devrait reculer de 11,5 G$ à 8,5 G$ sur cet horizon. Si le bénéfice et les multiples demeurent égaux, c’est ici aussi un gain potentiel de 15% pour les actionnair­es, cette fois sur deux ans.

La maison prévoit aussi qu’en parallèle, les bénéfices devraient grimper de 18%. Simplement en raison de nouvelles synergies à réaliser. Soyons prudents et postulons qu’en 2019, le multiple actuel aurait un peu fondu, les synergies présenteme­nt anticipées dans le multiple ayant été réalisées. Il y a probableme­nt quand même un gain additionne­l de 10% à aller chercher. Potentiel sur 2019 donc: peut-être un 25%. Verdict: il y a plus de visibilité pour Molson Coors, mais, dans un contexte où les ventes de bière sont plutôt stagnantes, le signal d’aubaine est nettement plus faible que pour Atrium et ses produits naturels. Le vieillisse­ment de la population a l’effet inverse sur les revenus.

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