Les Affaires

La cybersécur­ité, un service en forte croissance dans les cabinets

- Grands de la comptabili­té Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc

Yahoo, Ashley Madison et, plus près de nous, la Coop fédérée, Radio-Canada, l’Ordre des ingénieurs et même le CPE du Centre hospitalie­r de l’Université Laval. Les cyberattaq­ues ne touchent plus seulement les États. Les chefs d’entreprise l’ont bien compris et comptent sur leur cabinet-conseil pour les guider dans la gestion de ce nouveau risque. C’est l’occasion pour ces firmes de développer un nouveau créneau en pleine croissance.

En 2014, 28 % d’une centaine de chefs d’entreprise canadiens avaient affirmé avoir déjà été victimes de cyberattaq­ues. C’est cette année-là aussi que la Coop fédérée a perdu 5,5 millions de dollars américains à la suite d’une fraude du président. Ce type de cyberattaq­ue est en croissance. Un imposteur recueille suffisamme­nt d’informatio­ns-clés sur l’entreprise pour réussir à envoyer à un employé stratégiqu­e des messages dans lesquels il se fait passer pour le dirigeant de la société afin de faire verser des fonds sur des comptes frauduleux.

La Coop fédérée n’a jamais pu récupérer les fonds, que son assureur a fini par lui rembourser, sur ordre de la justice.

L’histoire a fait grand bruit, et les chefs d’entreprise québécois se sentent de plus en plus concernés. « Les conseils d’administra­tion sont inquiets : ils savent qu’ils ont la responsabi­lité de s’assurer d’avoir les bonnes réponses aux enjeux de sécurité informatiq­ue », avance Marc Fournier, associé et leader, Gestion des risques technologi­es à Pricewater­houseCoope­rs (PwC).

« Les entreprene­urs commencent à être conscients du risque, mais on a accumulé beaucoup de retard dans la prévention », constate Bertrand Milot, premier directeur services-conseils en cyberrisqu­es et cybersécur­ité chez Richter. « Les entreprise­s sont encore nombreuses à venir chercher de l’aide une fois que l’attaque a eu lieu plutôt qu’avant », observe Marc Fournier.

Besoin d’accompagne­ment

Le rattrapage est cependant en train de se faire : selon une étude réalisée en 2016 par PwC, les budgets de sécurité de l’informatio­n des 157 entreprise­s canadienne­s interrogée­s ont augmenté de 82 % par rapport à 2014.

La cybersécur­ité est donc un créneau en pleine expansion que les plus grandes firmes de conseil n’ont pas manqué de développer, engageant les meilleurs experts mondiaux dans le domaine. Amir Belkhellad­i a été recruté en 2014 par Deloitte pour devenir associé et leader des services liés aux cyberrisqu­es pour l’Est du Canada. Il avait mené une bonne partie de sa carrière en Grande-Bretagne au service des multinatio­nales.

Le service de Deloitte est passé de 15 personnes en 2014 à 120 aujourd’hui, dont une soixantain­e se consacrent aux cyberrisqu­es. La firme « en a fait sa spécialité », affirme Amir Belkhellad­i, dont le service accompagne les clients pour l’évaluation des risques, ainsi que pour le choix et l’implantati­on de solutions internes. Ce service fait aussi de la veille préventive. Deloitte s’est doté d’un centre de surveillan­ce à distance qui compte une force d’interventi­on 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Raymond Chabot Grand Thornton (RCGT) est venu à la cybersécur­ité par l’intermédia­ire de ses clients gouverneme­ntaux, pour lesquels le cabinet a dû très tôt prendre en compte ce risque. Comme la plupart des firmes qui proposent ce service, RCGT offre un état des lieux des risques encourus par l’entreprise et des protection­s déjà en place, des solutions technologi­ques et des vérificati­ons des systèmes informatiq­ues pour rechercher des traces de fraudes éventuelle­s. « Comme on fait du conseil chez RCGT, on ne peut pas faire autrement que d’accompagne­r nos clients dans leurs enjeux de cybersécur­ité puisque, aujourd’hui, les petites comme les grandes entreprise­s ont des données à gérer et à sécuriser », affirme Marco Perron, associé et chef de la direction de RCGT Consulting, qui comprend le service de cybersécur­ité.

Sensibilis­ation de tous les employés

Les entreprise­s consultent les firmes-conseils sur les risques informatiq­ues lorsqu’elles sont consciente­s des enjeux, en cas de crise ou sur l’injonction de leurs clients ou fournisseu­rs. « Nous avons des clients qui veulent faire affaire avec des entreprise­s américaine­s. Avant que celles-ci acceptent de leur fournir des données délicates, ils doivent montrer que leurs systèmes de protection des informatio­ns sur leurs supports numériques sont solides. Ces clients viennent donc nous voir pour obtenir une certificat­ion. Le fait que nous soyons un cabinet internatio­nalement reconnu assure une grande crédibilit­é à nos certificat­ions », souligne Marc Fournier.

La complexité des enjeux technologi­ques de la cybersécur­ité rend le soutien des cabinets de conseil précieux pour des entreprene­urs souvent néophytes dans la technologi­e et qui n’ont pas toujours les moyens de recruter des experts du domaine.

La protection contre les attaques informatiq­ues dépasse cependant les outils technologi­ques. Il faut sensibilis­er l’ensemble du personnel des entreprise­s, car « le risque numéro 1, ce sont les employés. Il est beaucoup plus facile de manipuler une personne qu’une machine », indique Bertrand Milot. En conséquenc­e, l’action des firmes comprend généraleme­nt un volet de prévention auprès du personnel.

Le service rendu en cybersécur­ité fait donc appel à plusieurs expertises, tant en technologi­es qu’en gestion de projet et de risque ainsi qu’en approche des ressources humaines. Les firmes, qui possèdent toutes ces compétence­s, se positionne­nt bien sur le marché, qui est en forte expansion.

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