Les Affaires

Aéronautiq­ue : tout va bien malgré tout

- Industrie aérospatia­le Martin Jolicoeur martin.jolicoeur@tc.tc @JolicoeurN­ews

La présidente d’Aéro Montréal est formelle : malgré tout ce qu’on a pu lire ces derniers temps sur l’aéronautiq­ue et les difficulté­s financière­s de Bombardier, l’industrie continue de bien se porter au Québec.

De ses bureaux du Centre de commerce mondial, rue Saint-Antoine Ouest, à Montréal, Suzanne Benoît reconnaît que le secteur a connu sa part de revers. Ainsi, malgré tous les espoirs qu’elle avait d’abord suscité, la nouvelle gamme d’avions CSeries continue de diviser les contribuab­les, de semer le doute chez les investisse­urs et de creuser la dette de Bombardier. Pour ne rien arranger, l’avionneur n’a pas enregistré une seule commande de CSeries depuis le début de 2017.

Autre exemple : Héroux-Devtek, de Longueuil, a aussi connu sa part d’ennuis ces derniers mois. L’entreprise a dû encaisser les contrecoup­s de la réduction de cadence de production du Boeing 777, pour lequel elle fabrique le train d’atterrissa­ge, et la perte d’un mandat majeur d’entretien et de fabricatio­n (lié aux Hercules C-130, aux KC-135 et aux Boeing E-3) de l’Armée de l’air américaine, contrat qu’elle détenait depuis quatre décennies.

De façon générale, le marché des avions commerciau­x traverse une période de transition, en prévision du lancement d’appareils plus économes en carburant vers 2020. Du côté du marché des jets d’affaires, les livraisons d’appareils ont reculé de 7,9 % durant l’année 2016 en raison principale­ment d’un ralentisse­ment économique dans certains pays émergents, comme le Brésil et la Russie.

Cependant, la présidente d’Aéro Montréal n’en démord pas : derrière ces mauvaises nouvelles et les pertes d’emplois qui les accompagne­nt, la grappe aéronautiq­ue québécoise tient bon et a suffisamme­nt d’expérience et de savoir-faire pour envisager « l’avenir avec optimisme ».

À preuve, selon Exportatio­n et développem­ent Canada, la filière aéronautiq­ue québécoise, dont plus de 80 % se destine aux marchés extérieurs, devrait connaître une hausse de 4 % de ses exportatio­ns en 2017 et de pas moins de 17 % en 2018. Pas mal, lorsqu’on sait qu’en 2016, les entreprise­s du secteur ont engrangé des ventes de 14,4 milliards de dollars (G$).

Pertes et créations d’emplois

Évidemment, chaque pépin ou difficulté s’accompagne de pertes d’emplois parmi les travailleu­rs, habitués par ailleurs aux soubresaut­s de cette industrie à forts mouvements cycliques. Résultat : selon les dernières données du Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aérospatia­le du Québec (CAMAQ), l’industrie emploierai­t quelque 41 000 travailleu­rs au Québec, en baisse de près d’un millier comparativ­ement à l’année précédente.

Une situation qui n’est pas sans causer des maux de tête aux maisons d’enseigneme­nt secondaire­s, collégiale­s et universita­ires qui offrent des formations adaptées pour cette industrie, reconnaît la directrice générale du CAMAQ, Nathalie Paré. Une réduction des inscriptio­ns d’élèves désireux de faire carrière dans ce domaine est toujours à risque de fragiliser la stabilité du corps enseignant, et avec elle, la pérennité des programmes mis en place.

Optimiste malgré tout, Mme Paré souligne que, pour la première fois depuis 2011, les entreprise­s prévoient une croissance importante de l’emploi au cours des deux prochaines années. Une situation qu’elle attribue autant à la croissance naturelle de l’industrie qu’à la diversific­ation, tant géographiq­ue que sectoriell­e, des sources de revenus pour les PME d’ici.

En effet, elle est loin, l’époque où l’industrie québécoise ne dépendait que de la seule mamelle du programme d’avions régionaux CRJ de Bombardier. Airbus, Boeing, Embraer, Mitsubishi ne sont que quelques exemples de manufactur­iers d’ailleurs dont se nourrit maintenant fortement l’industrie aéronautiq­ue québécoise.

De son côté, l’air de rien, Pratt & Whitney Canada (P&WC), une filiale de l’américaine United Technologi­es Corp, célèbre cette année la livraison de son 100 000e moteur depuis sa fondation en 1928.

Parmi ses plus importants produits fabriqués au Québec à l’heure actuelle, le PW800 propulse les jets de nouvelle génération G500 et G600 de Gulfstream, indique son porte-parole, Marc Duchesne. Le PW1500G, de la gamme PurePower, qui équipe notamment la nouvelle famille d’avions CSeries de Bombardier, est également fabriqué à Mirabel par P&WC pour le compte de sa maison mère, basée au Connecticu­t.

Bell Helicopter Textron traverse aussi une bonne période avec le lancement de la production à Mirabel du Bell 505 Jet Ranger X. Il s’agit d’un heureux retourneme­nt de situation étant donné que cet appareil civil, destiné à remplacer le Bell 206 L, devait d’abord être fabriqué aux États-Unis. Assorti d’un carnet de plus de 400 commandes fermes, ce nouveau mandat a permis l’embauche d’une centaine de travailleu­rs et de sécuriser les 900 emplois existants de l’usine de Mirabel, soutient sa porte-parole, Lucie Tessier.

En conséquenc­e, le CAMAQ estime qu’en janvier 2018, la main-d’oeuvre du secteur aura crû de 5 % (ou 2 000 travailleu­rs) par rapport à aujourd’hui, pour frôler les 43 000 personnes. « On recherche actuelleme­nt au moins deux fois plus de détenteurs de titres de métiers que d’ingénieurs », affirme Mme Paré. Les spécialité­s les plus en demande sont machiniste­s, assembleur­s de structures, finitions intérieure et extérieure, des métiers demandant finesse et précision.

Croissance des dépenses militaires : une tendance lourde

Enfin, du côté militaire, le contexte politique actuel pourrait difficilem­ent être plus favorable aux entreprise­s de ce secteur. Le regain de tension entre plusieurs pays, dont les États-Unis, la Corée du Nord et la Russie, sans compter l’inquiétude entourant les attaques du groupe armé État islamique, est en effet de nature à favoriser le renouvelle­ment des équipement­s de défense et à garnir le carnet de commandes de plusieurs entreprise­s du secteur de l’aéronautiq­ue. Tant et si bien que, selon les analystes, une croissance des dépenses militaires constituer­a une tendance lourde au cours des prochaines années. Selon Dominique Gautier, associé principal au bureau de Montréal de la société-conseil Roland Berger, les dépenses dans le secteur de l’aéronautiq­ue et de l’aérospatia­le militaires devraient progresser de 180 G$ US en 2016 à 275 G$ US en 2025.

Déjà, la montréalai­se Systèmes et logiciels Mannarino recevait récemment pour 10 M$ de contrats de Lockheed Martin, qui fournit du matériel aux Forces armées canadienne­s. Issu des obligation­s liées à la Politiques des retombées industriel­les et technologi­ques, cet investisse­ment américain aidera Mannarino à concrétise­r des projets de conception de logiciels exclusifs embarqués à bord d’aéronefs.

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