Les Affaires

CHARBON CONTRE NEW DEAL VERT

Espressono­mie

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc @OSchmouker Chronique

e président Donald Trump a donc finalement tenu sa promesse électorale et a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris la semaine dernière. Et ce, après avoir annoncé ses couleurs en mars, lorsqu’il avait biffé d’un trait vengeur le Clean Power Plan de son prédecesse­ur, lequel promouvait le développem­ent des énergies renouvelab­les au détriment du charbon. « Regardez-moi bien, je vais mettre fin à la guerre contre le charbon », avait-il alors lancé, le torse bombé.

Le hic? Cette politique est absurde, pour ne pas dire suicidaire...

C’est que le charbon est en plein déclin aux États-Unis. En 2016, il y a eu pour la première fois davantage d’électricit­é produite par le gaz naturel (34%) que par le charbon (30%); en 2011, le gaz naturel représenta­it 25% et le charbon 42%, selon les données de l’Agence américaine pour l’énergie (EIA). Rien qu’en 2015, la production de charbon a chuté de 10%, tombant à son plus bas niveau depuis 1986. Quant à la main-d’oeuvre liée à ce secteur, elle a fondu, en 2015 toujours, de 12%, pour un total de 65971 travailleu­rs.

Ce n’est pas tout. Le charbon présente un coût environnem­ental à la fois caché et exorbitant. Les économiste­s Jonathan Eyer et Matthew Kahn ont tout récemment analysé l’impact réel des mesures locales protection­nistes prises ces derniers temps par les États qui en produisent le plus – Wyoming, Virginie-Occidental­e, Kentucky –, qui visent à favoriser le charbon pour la production d’électricit­é. Ils ont découvert que, chaque fois que la proportion du charbon avait grimpé d’un point de pourcentag­e, cela avait entraîné un bond d’en moyenne 2,3 millions de tonnes de CO par an dans ces États-là. Ce

2 qui est « majeur ».

De surcroît, l’économiste Xiang Bi s’est intéressée aux 228 centrales électrique­s américaine­s recourant au charbon qui ont été contrainte­s, ces dernières années, d’atténuer leurs émissions polluantes. Elle a constaté que, certes, ces émissions avaient diminué de manière notable, mais elle a par la même occasion mis au jour un phénomène qui fait froid dans le dos: « À mesure que la pollution diminue dans l’air, on note une augmentati­on significat­ive de la contaminat­ion des eaux et des terres environnan­tes (mercure, arsenic, oxyde d’azote, etc.) », révèle-t-elle, soulignant que celle-ci est passée inaperçue jusqu’ici pour la simple raison que « personne ne s’en soucie ». Autrement dit, le charbon empoisonne non seulement l’air, mais aussi le sol et les cours d’eau, si bien qu’il est absurde de parler, comme le fait M. Trump, de « charbon propre ».

Un coût social destructeu­r

Un autre coût caché et exorbitant du charbon est son coût social. Ainsi, l’étude de MM. Eyer et Kahn montre que la production d’une tonne de charbon dans les États concernés va de pair avec un « coût social du carbone » d’environ 30 dollars américains, pour un montant annuel total de quelque 4 milliards de dollars américains. Ce coût reflète notamment la perte de valeur sur le marché du travail des mineurs, dont l’emploi est « artificiel­lement préservé » : moins mobiles et moins formés que les autres, il leur est nettement plus difficile de retrouver du travail lorsqu’ils perdent leur emploi, ce que finit par payer cher l’ensemble de la société.

À cela s’ajoute le fait que le travail de « gueule noire »... rend malade! C’est là la grande trouvaille de la chercheuse Robyn Considine et de son équipe, à la suite de la récente étude des conditions de travail dans huit mines australien­nes de charbon. Un nombre démesuré de mineurs y souffrent en effet de « détresse psychologi­que élevée », pour plusieurs raisons: Anxiété. Leur métier est dangereux. Dépression. L’anxiété répétée mène droit à des périodes de dépression. Dopage. Pour tenir le coup, certains prennent régulièrem­ent des « pilules dopantes ». Management déficient. L’épanouisse­ment des employés n’est jamais la priorité. Faible réseau social. Exténués par le travail, les mineurs peinent à avoir une vie personnell­e enrichissa­nte. Ce qui, une fois de plus, coûte cher au mineur lui-même, à sa famille ainsi qu’à l’ensemble de la société.

Enfin, le charbon, ses émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, sa contributi­on directe au changement climatique ont un impact à long terme d’autant plus redoutable qu’il est insoupçonn­é. Un impact dévastateu­r.

L’économiste Murat Iyigün et son équipe ont eu l’idée de croiser deux données – la températur­e et la guerre – en Europe, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, entre 1400 et 1900. L’objectif était tout bonnement de voir s’il y avait la moindre corrélatio­n entre les deux. Voici le résultat : Plus la variation climatique est prononcée, plus le risque de conflit armé généralisé s’élève, pour devenir quasiment inévitable au bout de 50 ans. Plus la variation climatique est prononcée, plus le conflit armé qui s’ensuit fait de ravages.

Nous voilà avertis. À cause de la vision énergétiqu­e à court terme et protection­niste de Donald Trump, nous filons tout droit dans le mur. La catastroph­e environnem­entale, sociale et même militaire est maintenant annoncée et nous concerne au premier chef. Que faire? C’est simple : dans un premier temps, prendre conscience du péril ; dans un deuxième temps, réagir en conséquenc­e sans tarder, par exemple en lançant ici même un audacieux New Deal vert en guise de pied de nez à nos voisins du sud.

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Un travailleu­r commet en moyenne cinq erreurs par heure, selon une étude de la NASA. C’est dire à quel point l’erreur est humaine. Sauf que ces fautes peuvent rapidement mener à des blessures. Une des solutions consiste à adopter des pratiques calquées sur celles des domaines de l’aviation et du nucléaire. Voici comment vous en inspirer.

Les chiffres de la CNESST indiquent que les accidents de travail ont diminué de 35 % au Québec depuis 10 ans, note Yohann Aubé, directeur des services profession­nels chez GESTESS, une firme d’experts-conseils en santé et sécurité du travail. Cependant, le nombre annuel d’accidents et de maladies profession­nelles est encore de 87 000.

« Dans la grande majorité des cas, les accidents surviennen­t en raison d’erreurs humaines ou découlent d’un facteur humain, pas d’un bris d’équipement. On a un moment d’inattentio­n ou on veut aller trop vite », dit M. Aubé.

Pour la même raison que les accidents de la route surviennen­t souvent à proximité du domicile, les accidents de travail ont fréquemmen­t lieu parce qu’un employé est moins attentif : il s’est habitué aux risques de son environ-

Sacrée sécurité

Il y a trois ans, Domtar a constaté que ses résultats en matière de santé et de sécurité avaient plafonné depuis cinq ans. Dans l’industrie nucléaire, pourtant, la probabilit­é qu’un travailleu­r se blesse est de 1 sur 670 000, comparativ­ement à 1 sur 69 000 dans le secteur de Domtar, celui des pâtes et papiers. Et dans le domaine de l’aviation, la probabilit­é d’accident est de 1 sur 15,9 millions. Il devait donc y avoir place à l’améliorati­on. Comment faire pour mieux performer ? Que font ces industries pour avoir un tel succès ?

« Dans beaucoup d’industries, et même dans la vie de tous les jours, l’erreur est perçue négativeme­nt. Le réflexe est d’essayer de trouver le coupable. Ce qu’il faut plutôt faire, comme dans les secteurs de l’aviation et du nucléaire, c’est d’étudier les erreurs pour trouver des solutions », explique Éric Ashby, vice-président et directeur de l’usine Domtar à Windsor. Il sera conférenci­er à l’événement Santé et sécurité du travail organisé par le Groupe Les Affaires le 27 septembre.

Domtar a donc mis en place un questionna­ire qui élimine l’émotivité dans l’étude des erreurs en tentant de départager la responsabi­lité de celles-ci entre l’individu et l’organisati­on, ce qui permet ensuite de trouver de meilleures solutions.

Disons qu’un travailleu­r appuie sur un mauvais bouton, arrêtant la production durant 24 heures. L’entreprise se posera les cinq questions suivantes. L’action était-elle voulue ? (Dans ce cas-ci, le travailleu­r voulait-il appuyer sur le bouton ?) Le travailleu­r a-t-il obtenu la conséquenc­e voulue ? (Ici, voulait-il arrêter l’usine durant 24 heures ?) Y avait-il une norme relative aux attentes ? S’il y avait une norme, était-elle réaliste et applicable ? Un autre employé aurait-il commis la même erreur ?

« Pour s’améliorer, on part avec l’idée que l’erreur humaine est inévitable. Que faire, alors ? On travaille à en réduire la probabilit­é et à en atténuer les conséquenc­es », dit Éric Ashby.

Une façon de réduire la probabilit­é d’accident est d’élaborer des outils, comme de simples listes de vérificati­on, qui ont permis d’améliorer grandement la sécurité dans le domaine de l’aviation. Pour atténuer l’impact des erreurs humaines, il faut mettre des barrières en place. Elles peuvent être tangibles, comme un mur de protection devant un équipement rotatif, mais elles peuvent aussi être culturelle­s. C’est une autre force du domaine de l’aviation.

« Pendant la nuit, il y a moins de supervisio­n, remarque M. Ashby. Les travailleu­rs sont plus tentés de contourner les règles de sécurité. Néanmoins, si vous instaurez une bonne culture de la sécurité, comme on l’a fait, ils suivront les règles, et vous réduirez fortement l’erreur humaine. »

Les efforts de Domtar ont été payants. La fréquence OSHA dans l’usine de Windsor – une mesure normalisée du pourcentag­e de travailleu­rs ayant subi une lésion profession­nelle – est passée à 0,26 l’an dernier, alors qu’elle était de 1 il y a trois ans. « On est le numéro un dans notre industrie », dit Éric Ashby.

Le bon choix

Améliorer la santé et la sécurité au travail permet aux entreprise­s de réduire leurs cotisation­s de CNESST. Yohann Aubé indique que les employeurs peuvent économiser 65 % sur leurs cotisation­s lorsqu’ils ont une bonne prise en charge de la santé et de la sécurité, alors qu’ils payent jusqu’à 200 % plus cher que la moyenne s’ils n’y arrivent pas.

Au-delà des coûts financiers, il existe aussi l’aspect humain. Éric Ashby dit vouloir contribuer à sa communauté.

« L’humain, c’est la base de toute chose, dit-il. On veut créer un avenir pour les gens. Si votre milieu de travail n’est pas sécuritair­e, vous n’avez simplement pas les bonnes valeurs ni la bonne culture organisati­onnelle. »

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