Les Affaires

« Nous avons choisi de soigner le système en place au lieu de joindre les start-up »

- Emmanuelle Duez,

- Chronique

DIANE BÉRARD – Vous vous définissez comme une militante-entreprene­ure. Expliquez-nous. EMMANUELLE DUEZ

– Je suis fondamenta­lement une militante. Je veux faire bouger la société. Et je crois que c’est en faisant bouger les entreprise­s qu’on fera bouger la société. J’ai donc cherché l’instrument le plus efficace pour que mon action porte. Pour changer le monde, je dois être crédible. Or, en ce moment, l’entreprene­uriat est l’outil de crédibilit­é par excellence.

D.B. – Quelle est la mission de votre boîte de consultant­s, The Boson Project ? E.D.

– Notre métamissio­n consiste à donner un autre sens à l’entreprise, à l’argent et à la temporalit­é. Nous voulons contribuer à la migration des organisati­ons de structures rigides vers des structures fluides. Nous y arrivons en mettant les collaborat­eurs, particuliè­rement les jeunes, au coeur de la transforma­tion. Les entreprise­s viennent à nous parce qu’elles peinent à attirer et à retenir les employés. Les meilleurs partent. Elles ne retiennent que les pires. Nos clients n’arrivent plus à produire de l’innovation de rupture avec leur équipe de R-D. Ils ne vont pas assez vite. Les start-up les dévorent tout cru.

D.B. – Vous dites aimer toutes les entreprise­s, surtout celles qui sont vieilles et poussiéreu­ses... E.D.

– On voudrait tuer tous les dinosaures pour laisser la place aux gazelles. Nous, nous disons : accompagno­ns plutôt tout le monde. Au lieu de tracer une ligne, faisons-la bouger. Tous ceux et celles qui ont joint The Boson Project ont choisi de soigner le système en place au lieu de joindre l’écosystème des start-up.

D.B. – Comment travaillez-vous avec vos clients ? E.D.

– D’abord, on vérifie si on veut travailler avec eux en leur posant la question suivante : « Travaillez-vous pour le long terme ou pour le court terme ? » On ne collabore qu’avec le premier groupe. Le mandat se déroule en quatre temps. D’abord, le diagnostic. On fonctionne en comités miroir. On recueille deux visions de l’avenir de l’entreprise : celle émanant de ceux qui construise­nt cette vision (les dirigeants) et celle de ceux qui vont l’implanter (les employés). On crée un court-circuit entre la tête et la base pour accélérer la prise de conscience. Puis on effectue la consolidat­ion des visions pour élaborer les premières pistes de recommanda­tions dans une dynamique de cohésion intergénér­ationnelle. Ensuite, un comité de pilotage procède à un arbitrage parmi les pistes proposées. On met en lumière les plus pertinente­s ou les plus urgentes. Enfin, on élabore des solutions concrètes et réalisable­s.

D.B. – The Boson Project est un cabinet-conseil alternatif. Pourquoi ? E.D. –

Nous savons que ce sont les employés qui ont les solutions. Pas les consultant­s. Les consultant­s sont souvent aussi malades que leurs patients.

D.B. – Vous ne visez pas à convertir les entreprise­s. Vous apportez plutôt aux convertis la preuve que leur intuition est justifiée. Dites-nous en plus... E.D. –

Nos clients ont tous un point commun : ils sentent un mouvement global de remise en question de l’entreprise. On demande désormais aux organisati­ons de répondre aux questions suivantes : à quoi servent-elles ? Sont-elles des objets purement économique­s ou des microcosme­s qui ont un sens ? Nous aidons nos clients à montrer qu’on est plus performant quand on travaille pour le long terme et quand on remet les hommes et les femmes au centre des activités. Pour bien installer l’idée de long terme, nous incitons nos clients à réfléchir à la notion d’héritage. Quelle société veulent-ils léguer à leurs enfants ?

D.B. – Parlons un peu des milléniaux. Quel rôle jouent-ils dans la remise en question du rôle et du fonctionne­ment des entreprise­s ? E.D.

– On se concentre toujours sur l’effet de levier des réclamatio­ns de cette génération. Nos études montrent que ces réclamatio­ns sont aussi un symptôme qui n’est lié ni à la jeunesse ni à une génération particuliè­re. Elles constituen­t des signaux forts d’une remise en cause des modèles traditionn­els d’entreprise­s. Les milléniaux reflètent un sentiment porté par toutes les génération­s présentes dans les organisati­ons. Aujourd’hui, le fonctionne­ment des entreprise­s est remis en question. Demain, ce sera celui de l’école, de la politique, etc.

D.B. – À quoi vous butez-vous dans votre démarche pour remettre les humains au coeur des entreprise­s ? E.D.

– À la tyrannie de la minorité. Imaginez un comité de direction composé de 10bonshomm­es dont 2butent. La plupart ont réalisé qu’ils devraient laisser aller une partie de leur pouvoir et de leurs responsabi­lités, mais la résistance de quelques-uns impose parfois sa loi. C’est frustrant. On se dit : « Mince! Les intérêts personnels l’ont emporté sur l’intérêt de l’entreprise... » Alors, on se décourage un peu.

D.B. – Il n’y a pas que les comités de direction qui peuvent résister au changement. Les cadres intermédia­ires le peuvent aussi... E.D.

– En fait, c’est probableme­nt pour eux que le processus de responsabi­lisation des employés s’avère le plus difficile. Ils ont le sentiment d’avoir beaucoup à perdre dans ce nouveau modèle transparen­t. On leur demande de renoncer aux règles du jeu avec lesquelles ils sont à l’aise. Des règles qui leur ont permis de se rendre là où ils sont. Toutefois, plusieurs d’entre eux ont des enfants et, pour ces derniers, ils sont ouverts à explorer d’autres façons de vivre en entreprise.

D.B. – Que faites-vous lorsque vous êtes à court d’arguments pour convaincre les entreprise­s de la nécessité de muter ? E.D.

– Je m’en remets à la logique. Je dis aux dirigeants que, s’ils ne peuvent le faire pour les jeunes et le symptôme d’insatisfac­tion plus vaste qu’ils incarnent, alors qu’ils le fassent pour des raisons économique­s. Pour cesser de perdre les meilleurs employés et de ne retenir que les pires.

D.B. – Parlez-nous de votre collaborat­ion avec le Medef [l’équivalent français du Conseil du patronat]. E.D.

– J’ai fait partie d’un groupe de sept jeunes entreprene­urs qui ont collaboré à l’université d’été du Medef. Le thème était : « Quelle est la vision du Medef pour la France des 20 prochaines années ? » Notre groupe a formé un comité miroir du comité exécutif du Medef. On avait chacun le mandat de pitcher notre vision. Sur la forme autant que sur le fond, on ne voit pas le monde de la même façon. Ils ont publié un rapport de 1500pages ; notre vision peut tenir dans un tweet de 140 caractères. Ils s’inscrivent sur un temps court ; nous nous inscrivons sur un temps long. Ç’a été un exercice extrêmemen­t révélateur.

D.B. – The Boson Project a publié plusieurs études sur le rapport des employés à leur travail. Vous avez mis en évidence une contradict­ion apparente. Laquelle ? E.D.

– On constate que le taux de roulement augmente dans les entreprise­s, mais que le degré d’attachemen­t des employés s’accroît aussi. Les employés ont développé un rapport intense à l’entreprise. Ils attendent beaucoup d’elle.

Le nouveau centre de distributi­on de Costco emploiera 250 personnes à Varennes. Le projet de 100 M$, situé au 3200, chemin de la Baronnie, sur l’ancienne propriété de la société pétrochimi­que Basell, couvrira 550 000 pieds carrés sur un terrain de 3,7 millions de pieds carrés. La livraison de l’entrepôt est prévue pour la fin de novembre et rapportera chaque année à la Ville près de 1 M$ en taxes foncières. — LA RELÈVE, BOUCHERVIL­LE Sunwing offrira un vol hebdomadai­re de Mont-Joli à Punta Cana en République dominicain­e dès cet hiver. Avec l’allongemen­t de la piste à 6 000 pieds, qui devrait être achevé avant la fin de l’année, le transporte­ur pourra faire décoller ses Boeing du Bas-SaintLaure­nt une fois par semaine. Sunwing se montre confiant et prend pour exemple ses vols à partir de Bagotville, au Saguenay. L’offre de cet aéroport est maintenant de six vols par semaine, pour différente­s destinatio­ns.

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