Les Affaires

Vagues de fond pour votre portefeuil­le Iris est un pas de plus dans la consolidat­ion de New Look

- Philippe Le Blanc redactionl­esaffaires@tc.tc Chronique Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom Recommanda­tions Actualités

Est-il plus difficile aujourd’hui d’être un véritable investisse­ur à long terme qu’il y a 20 ou 40 ans ? Je pense que oui. Même si je continue de croire que la meilleure façon d’investir est toujours d’acheter un titre de qualité et de le conserver pendant de nombreuses années, l’accélérati­on des changement­s technologi­ques que nous connaisson­s rend la détention d’un titre à très long terme plus difficile.

On dit que nous vivons présenteme­nt une quatrième révolution industriel­le, caractéris­ée par des bouleverse­ments technologi­ques sans précédent. Il n’y a qu’à regarder autour de nous pour nous en rendre compte. Peu d’industries sont épargnées par ces changement­s ; certaines seront complèteme­nt bouleversé­es, d’autres disparaîtr­ont. Pour l’investisse­ur, ces modificati­ons se traduisent à la fois par des occasions extraordin­aires et par des risques sans précédent. Quels sont donc les changement­s de fond ? Et comment affectent-ils l’investisse­ur à long terme ? Le commerce en ligne ébranle les fondements du commerce de détail Selon le départemen­t du Commerce américain, les ventes en ligne ont accaparé 8,5 % des ventes au détail totales au premier trimestre de 2017, comparativ­ement à 3,5% pour la même période il y a 10 ans. Et cette tendance ira en s’accélérant. Peu de secteurs du commerce sont à l’abri d’Amazon et de ses émules. Je croyais, il n’y a pas si longtemps, que les vêtements étaient assez bien protégés du commerce en ligne. Qui achèterait un vêtement sans d’abord le voir, le toucher et l’essayer ? La réalité m’a prouvé que j’avais tort. Même chose pour les pièces d’auto. J’en viens à penser que tous les segments sont attaquable­s par le commerce en ligne, sauf peutêtre ceux des dépanneurs et des magasins à un dollar. Les cafés et les restaurant­s ne devraient pas être trop touchés non plus. Il est encore difficile d’offrir commodité et accessibil­ité par le Web – les consommate­urs veulent certains produits immédiatem­ent.

Ces bouleverse­ments dans le commerce du détail ont et auront des répercussi­ons importante­s sur nombre de secteurs et d’industries. Je pense notamment à l’immobilier commercial. Les propriétai­res de centres commerciau­x doivent se poser de sérieuses questions quant à leurs perspectiv­es à long terme. L’automatisa­tion et l’intelligen­ce artificiel­le Trump a beau se démener pour ramener des emplois manufactur­iers aux États-Unis, les perspectiv­es sont peu réjouissan­tes pour ce secteur. La forte tendance vers l’automatisa­tion des processus de fabricatio­n et d’un nombre croissant de processus d’affaires continuera d’exercer une pression sur l’emploi. Le développem­ent accéléré de l’intelligen­ce artificiel­le est un autre phénomène qui bouleverse­ra un grand nombre de métiers au cours des prochaines années. Qu’adviendra-t-il du métier de chauffeur de camions lorsque les camions seront autonomes ? L’électrific­ation du transport Est-ce que le grand virage vers les autos électrique­s aura lieu d’ici 5, 10 ou 15 ans ? Je ne le sais pas, mais la tendance est à mon avis inévitable. Ce changement aura des conséquenc­es majeures pour plusieurs industries, en commençant par celles du pétrole et de l’automobile. Le mouvement global en faveur de l’environnem­ent Même si les États-Unis ont choisi de se retirer des accords de Paris sur l’environnem­ent, je suis d’avis qu’on ne pourra pas remettre le dentifrice dans le tube. La tendance à long terme s’oriente vers un impact environnem­ental moins grand des activités économique­s. En outre, vu les avancées technologi­ques en cours et à venir, il faut s’attendre à ce que les sources d’énergie vertes deviennent rentables et concurrent­ielles sans même que les gouverneme­nts aient à les subvention­ner. Les firmes virtuelles Une entreprise est mieux de se concentrer sur ses activités essentiell­es et de déléguer tout le reste à d’autres firmes. Une société comme Apple n’a pas à fabriquer elle-même ses iPhones. Elle peut les faire fabriquer par des entreprise­s étrangères à faible coût et se concentrer sur les aspects où elle jouit d’avantages concurrent­iels importants: la R-D, le design, le marketing et la distributi­on. Ces modèles d’affaires, qui reposent davantage sur le savoir et les connaissan­ces, ont aussi l’avantage de nécessiter beaucoup moins de capital investi dans des immobilisa­tions.

Un des grands avantages de ces modèles virtuels est qu’ils permettent justement une plus grande flexibilit­é et une capacité d’adaptation accrue aux conditions changeante­s. J’estime que cette capacité d’adaptation deviendra encore plus cruciale que par le passé pour qu’une entreprise connaisse du succès à long terme.

Les sociétés dont nous pouvons dire, avec un haut niveau de confiance, que leurs activités ne seront pas touchées par les changement­s technologi­ques deviennent de plus en plus rares. L’investisse­ur doit impérative­ment se poser des questions quant aux menaces potentiell­es qui guettent les modèles d’affaires de chacune de ces firmes. Compte tenu des changement­s massifs qui s’opèrent et qui sont à prévoir dans l’économie mondiale au cours des prochaines années, certaines entreprise­s seront menacées, alors que d’autres profiteron­t des bouleverse­ments pour améliorer leur sort. Une chose est certaine : le temps où l’on pouvait acheter le titre d’une société de qualité et l’oublier pendant 10 ou 20 ans est révolu.

la Pour le consolidat­eur de l’optique Groupe Vision New Look (BCI, 33,60 $), l’achat de la chaîne Iris est un pas de plus dans la stratégie nationale amorcée en 2012.

Iris a longtemps été dans la mire de New Look puisque l’entreprise de Laval envisageai­t de vendre avant le décès de son fondateur, le Dr Francis Jean, en 2014.

« La transactio­n a pris plus de temps à conclure que nos autres achats. Nous sommes très diligents dans notre processus de vérificati­on, bien que nous ayons un grand respect pour cette entreprise », confie en entrevue Antoine Amiel, PDG de New Look, en tournée pancanadie­nne pour rencontrer les employés des deux entreprise­s.

L’achat de 120 millions de dollars (M$) est certaineme­nt le plus imposant de New Look, mais, toutes proportion­s gardées, Iris pèse moins lourd que l’acquisitio­n de Vogue Optical pour 75 M$ en 2013. À l’époque, la valeur boursière de la société n’était que de 150 M$, se rappelle M. Amiel.

Iris continuera d’être gérée indépendam­ment, comme le sont toutes les autres chaînes de New Look. « Le groupe est décentrali­sé et chaque unité d’affaires maîtrise sa stratégie locale. De toute façon, Iris fonctionne très bien. Il n’est pas question de changer la formule », indique-t-il.

Ainsi, même si elle exploite ses propres laboratoir­es de traitement de verres correcteur­s, l’entreprise n’obligera pas Iris à s’y approvisio­nner. « Le choix des produits lui revient, bien qu’une partie de son offre puisse être traitée chez nous », précise le passionné de l’optique. Nouvelle force d’attraction New Look a sauté sur cette occasion comme elle l’avait fait pour ses achats précédents, mais Iris hausse tout de même la barre.

Outre ses 150 boutiques, celle-ci apporte la renommée d’une chaîne fondée et gérée par des optométris­tes, alors que New Look est un réseau d’opticiens.

« Nous accueillon­s l’enseigne la plus respectée. La culture instaurée par le DrFrancis Jean pourrait attirer des optométris­tes indépendan­ts qui veulent joindre un groupe », soutient M. Amiel.

De plus, Iris compte 36 boutiques en Colombie-Britanniqu­e, le troisième marché de l’optique au pays, que New Look visait depuis longtemps. La moitié du marché des 5 500 détaillant­s en optique au pays est encore entre les mains d’optométris­tes indépendan­ts, ce qui laisse à l'entreprise un grand terrain de chasse pour poursuivre son expansion.

Même si M. Amiel ne veut pas confirmer la part de marché estimée à 12 % par les analystes, il assure que l’entreprise est encore loin de dominer le secteur, peu importe la géographie. Les synergies seront au rendez-vous La transactio­n est rentable immédiatem­ent, avant même les synergies de 3 à 5 M$ anticipées par trois analystes.

« Nous n’avons pas fourni d’indication­s. Ces estimés sont entièremen­t les leurs, et ils se fient aux synergies réalisées chez Vogue et Greiche & Scaff », se contente de dire le dirigeant.

Les économies les plus rapides proviendro­nt notamment du plus grand pouvoir d’achat auprès des fournisseu­rs de lentilles et de montures. Le centre de services partagés sera aussi mis à contributi­on.

Les synergies à moyen terme concernent l’offre de produits, bien qu’Iris propose déjà plus de lunettes haut de gamme que New Look.

À plus long terme, le partage des meilleures pratiques fournira d’autres synergies.

« Ce n’est pas parce qu’Iris est déjà bien gérée que les économies et les revenus additionne­ls seront moins importants. Vogue était tout aussi bien menée et, quatre ans plus tard, nous avions ajouté 2 ou 3 % à nos marges », précise le gestionnai­re.

New Look paie aussi un prix conforme à ses acquisitio­ns précédente­s en fonction du bénéfice d’exploitati­on (de 8 à 12 fois, selon les analystes et les synergies estimées), soutient M. Amiel.

Les revenus déclarés de 60 M$ d’Iris induisent les gens en erreur puisque l’entreprise ne consolide pas les ventes de ses franchises et de ses magasins partenaire­s.

Quant à la dette, qui grimpera à 3,5 fois le bénéfice d’exploitati­on, New Look a l’intention de la réduire pour ramener le ratio dans sa zone de confort de 2 à 2,5 fois d’ici 24 mois, comme ç’a été le cas lors des achats précédents.

Malgré cet achat majeur, M. Amiel demeure à l’affût d’autres occasions partout au pays. « Nous restons opportunis­tes », dit-il. L’Ontario est le marché où le détaillant est le moins présent.

la

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada