YANNICK CLÉROUIN: FAIRE 100 FOIS SON ARGENT EN BOURSE, C'EST ENCORE POSSIBLE
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Est-il encore possible de multiplier un investissement par 10, voire par 100, à un moment où les marchés se négocient à des sommets historiques et où la destruction créatrice accélérée, notamment causée par Amazon, entraîne la disparition de nombreuses entreprises ? Voilà la question existentielle que l’investisseur à long terme en moi se pose depuis un moment. Pour alimenter ma réflexion, j’ai interviewé Christopher Mayer, gestionnaire de portefeuille et auteur du livre 100 Baggers, Stocks That Return 100-to-1 and How to Find Them.
« Il y en aura toujours », tranche d’entrée de jeu celui qui a donné une nouvelle vie à la thématique sur les titres ayant le potentiel de procurer 100 fois l’investissement initial, lancée par Thomas Phelps en 1972 dans l’ouvrage 100 to 1 in the Stock Market.
M. Mayer admet qu’il est plus ardu de dénicher ces étoiles de la Bourse après plus de huit ans de marché haussier, mais insiste pour dire que ce n’est pas là le principal obstacle que doit surmonter l’investisseur à long terme. « Trouver les titres qui ont le potentiel de multiplier leur valeur par 10 ou plus est difficile, mais ce qui l’est encore davantage, c’est de les conserver sur une très longue période. »
Pas un long fleuve tranquille
Quand les Bourses suivent une trajectoire haussière, l’investisseur craint de payer les titres trop cher et que leur potentiel d’appréciation soit par conséquent limité. Et lorsque les marchés chutent comme lors de la crise de 2008-2009, il redoute de saisir les occasions de peur que les actions ne baissent davantage.
Or, la quête du Saint-Graal de l’investisseur à long terme est tout sauf un long fleuve tranquille.
« Même les titres que l’on considère comme les plus sûrs subissent des baisses marquées en cours de route. Berkshire Hathaway a par exemple multiplié sa valeur par 18 000, mais elle a chuté de 50 % à trois reprises. Et avant de devenir un 100 bagger, Apple a encaissé plusieurs reculs de plus de 60 % », dit le gestionnaire de 45 ans.
Il n’y a d’ailleurs pas meilleur exemple qu’Amazon (AMZN, 977,58 $ US) pour illustrer le parcours parfois violent des 100 baggers. Il est facile de mettre Amazon sur un piédestal maintenant qu’elle a atteint ce statut symbolique, mais, comme le rappelle M. Mayer, il faut se souvenir que l’entreprise de Jeff Bezos a perdu 90 % de sa valeur entre son sommet de 2000 et son creux touché lors de l’éclatement de la bulle techno en 2001.
Si le géant du commerce en ligne s’est hissé au panthéon des 100 baggers, il a au passage entraîné la chute de nombreuses entreprises autrefois bien établies. La société, dont la valeur boursière atteint 467 milliards de dollars américains, étend ses tentacules dans de nouveaux domaines pratiquement chaque semaine et fait trébucher les titres de secteurs qui semblaient, il n’y a pas si longtemps, immunisés.
Doit-on en conclure que la mission de dénicher les perles de l’enrichissement est désormais impossible ?
« Il n’y a pas une industrie qui ne soit touchée par une technologie à caractère disruptif. Les détaillants sont bien sûr frappés, mais même une entreprise comme Fastenal [le plus important distributeur de fournitures industrielles en Amérique du Nord] est atteinte par Amazon », dit M. Mayer. Le contexte, admet-il, paraît moins évident que dans les années 1950, époque où un investisseur pouvait acheter des actions de chefs de file comme Coca-Cola (KO, 44,96 $ US) et American Express (AXP, 84,07 $ US), puis les oublier pour des dizaines d’années sans crainte de voir apparaître un concurrent aussi menaçant qu’Amazon.
Pour composer avec ces facteurs négatifs, M. Mayer, directeur des placements de Bonner & Partners, suggère de favoriser les entreprises capables d’exploiter à leur avantage le virage numérique. Il cite en exemple la firme de courtage en ligne Interactive Brokers Group (IBRK, 37,18 $ US), qui possède à son avis la meilleure plateforme pour faciliter le courtage en ligne. M. Mayer privilégie aussi les entreprises qui possèdent des marques fortes et qui vont moins souffrir des changements des canaux de distribution, comme l’équipementier sportif Under Armour (UA, 19,90 $ US). Même si ce dernier a récemment souffert pour différentes raisons – dont la vive concurrence –, sa marque va demeurer prisée par les consommateurs.
Le secteur de la restauration représente selon lui un terreau fertile aux 100 baggers. Dans son livre publié en 2015, M. Mayer consacre d’ailleurs plus d’une page au franchiseur montréalais Groupe MTY (MTY, 45,22 $). La société, dirigée par Stanley Ma, est un des rares titres québécois à se qualifier dans le groupe. Les chaînes de restaurants constituent des candidates intéressantes car, lorsque le concept a fait ses preuves, il peut être reproduit à très grande échelle et alimenter la croissance pendant de nombreuses années. À l’instar de McDonald’s (MCD, 153,16 $ US), qui exploite aujourd’hui plus de 33 000 restaurants dans le monde. Bien que M. Mayer n’ait pas mentionné ce facteur, on peut ajouter que le domaine de la restauration bénéficie d’une certaine protection contre les changements technologiques.
Par ailleurs, il n’y a pas que l’évaluation élevée des titres ou les changements technologiques qui représentent des épées de Damoclès pour l’investisseur à la recherche de 100 baggers. Dans cette quête, on risque toujours de tomber sur de mauvais élèves. Quand je souligne à M. Mayer les cas de deux canadiennes dont il fait mention dans son ouvrage, Valeant (VRX, 20 $) et Home Capital Group (HCG, 16,95 $), il réplique que les accidents de parcours sont inévitables. Dans le cas de Valeant, il avait d’ailleurs averti dans son livre qu’il s’agissait d’un cas controversé en raison notamment de ses pratiques comptables.
Une recommandation
Parmi les titres récemment recommandés dans sa lettre financière, Christopher Mayer propose le fournisseur de services Internet Tucows (TC à Toronto et TCX sur le Nasdaq, 53,45 $ US). Avec ses activités d’enregistrement de noms de domaine sur le Web qui génèrent d’abondantes liquidités et le potentiel provenant de l’accès mobile et de l’Internet par fibre optique, l’entreprise présente un beau potentiel de croissance composée des bénéfices, estime le gestionnaire. M. Mayer a suggéré d’en acheter jusqu’à 49 $ US, mais le titre se négociait à un cours supérieur au moment d’écrire ces lignes.
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Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD, s’attend à ce que les bénéfices se stabilisent année/année au cours des deux prochains trimestres et retournent à une croissance modeste au quatrième. Même s’il ne pense pas que les actions de Jean Coutu reculeront, il ne voit pas de rendement substantiel pour les 12 prochains mois. Il hausse donc sa recommandation à « conserver ». La cible est haussée de 20 $ à 21 $. Même s’il croit que l’acquisition de MetroCast par Cogeco Communications est une bonne chose, Maher Yaghi, de Desjardins Marché des capitaux, pense que les investisseurs vont rester sur les lignes de côté le temps de voir les progrès de l’intégration. L’analyste abaisse donc sa recommandation à « conserver », mais hausse sa cible de 79 $ à 87,50 $. L’escompte sur le titre est approprié étant donné l’absence d’activités dans le sans-fil. Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP, met le titre sur sa liste des meilleures idées d’investissement. L’analyste voit d’un bon oeil l’acquisition de Holiday Stationstores pour un montant indéterminé. L’achat permet à Couche-Tard d’entrer dans six nouveaux États, et l’ajout au bénéfice semble intéressant, juge M. Landry. Le titre est stable depuis 18 mois, mais « sous-performer » est inhabituel pour Couche-Tard, souligne-t-il. La cible est haussée de 78 $ à 81 $. Aritzia fait mieux que les autres détaillants en raison de sa focalisation sur ses produits, de la façon dont elle localise et organise ses magasins, de son approche marketing et de son engagement envers la clientèle, résume Patricia Baker, de Banque Scotia. Elle estime que la société a un modèle de croissance éprouvé, une forte discipline d’exécution et une mer d’occasions devant elle. Mme Baker réitère sa recommandation « surperformance de secteur » et sa cible de 22 $.