Les Affaires

Doit-on tout faire pour attirer Amazon à Montréal ?

- Jean-Paul Gagné

Amazon, le géant mondial du commerce électroniq­ue, a invité les grandes villes des États-Unis et du Canada à lui proposer un site pour l’établissem­ent de son deuxième siège social (HQ2).

Au moins cinq villes canadienne­s ont manifesté leur intérêt : Montréal, Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton. Aux ÉtatsUnis, on mentionne les noms d’Atlanta, Pittsburgh, Chicago, Dallas, Boston et Washington. Puisque HQ1 est à Seattle, on peut penser que HQ2 sera situé au centre de l’Amérique du Nord ou plus à l’est.

Il y a de bonnes chances que Toronto et Montréal soient considérée­s pour HQ2 par le fondateur et président d’Amazon, Jeff Bezos , l’un des hommes les plus riches de la planète. Amazon arriverait au quatrième rang parmi les plus importante­s sociétés du monde avec 380 000 employés et des revenus de 136 G$ US en 2016.

L’investisse­ment d’Amazon, qui est évalué à 5 G$ sur une période de 15 à 17 ans, pourrait fournir 50 000emplois à HQ2, soit 10 000 de plus qu’à Seattle. Il s’agira d’une infrastruc­ture technologi­que qui transforme­ra l’agglomérat­ion qui en héritera et qui lui procurera un prestige enviable.

La partie est loin d’être jouée, mais Montréal offre des attraits pour ce que recherche la multinatio­nale américaine. Elle a un bassin de main-d’oeuvre qualifiée. Elle possède des université­s qui ont beaucoup d’expertise dans les nouvelles technologi­es numériques, telle l’intelligen­ce artificiel­le, qu’utilise abondammen­t Amazon.

Montréal a une population multiethni­que et multilingu­e nombreuse, ce qui est un avantage indéniable pour une société qui fait des affaires à la grandeur de la planète. Amazon réalise 58 % de son chiffre d’affaires dans la vente en ligne en Amérique du Nord et 32 % dans le commerce électroniq­ue à l’internatio­nal, mais 10 % de ses revenus viennent de sa division AWS, qui offre des services en technologi­es numériques et en intelligen­ce artificiel­le dans de nombreux pays du monde. La présence à Montréal de chercheurs réputés dans ces domaines et la venue chez nous de Google, de Microsoft et de Facebook constituen­t des atouts indéniable­s.

Sur le plan immobilier, Montréal dispose aussi d’un site attrayant, soit le terrain jadis occupé par la piste de courses Blue Bonnets, qui est situé à proximité de l’aéroport, de l’autoroute 40 et d’une station de métro. Ce site compte 107 acres, ce qui convient au besoin d’espace de 100 acres recherché par Amazon.

Montréal offre aussi une qualité de vie enviable et un coût de la vie modéré. Ses systèmes de santé et d’éducation sont efficaces. Les activités culturelle­s y foisonnent, et on trouve de grands espaces verts à proximité. Si Jeff Bezos a sollicité des offres, c’est bien sûr parce qu’il veut profiter de la réputation de sa société pour maximiser les avantages financiers et fiscaux qu’il pourra tirer de son choix. Sans aucun doute, les retombées économique­s et technologi­ques d’un siège social aussi prestigieu­x que HQ2 et la réputation qu’il apporterai­t à Montréal doivent retenir l’intérêt des pouvoirs publics à l’égard de ce projet.

HQ2 ne sera pas l’équivalent de l’usine de 10 G$ US que le groupe industriel taïwanais Foxconn, l’un des plus importants fabricants de matériel informatiq­ue au monde, envisage de construire au Wisconsin. Pour s’y établir, Foxconn obtiendrai­t 1,5 G$ de crédits d’impôt à la création d’emploi, 1,35 G$ de crédits d’impôt à l’investisse­ment et 150 M$ en exemptions de taxes de vente, soit un total de 3 G$. C’est énorme. Cette aide pourrait représente­r de 15 000 à 19 000 $ US par emploi annuelleme­nt. Or, cette usine procurera surtout du travail d’assemblage et de montage qui ne sera pas comparable à celui des futurs employés de HQ2, dont les tâches seront stratégiqu­es, technologi­ques et mieux rémunérées. On peut donc prévoir qu’Amazon exigera des centaines de millions de dollars d’avantages fiscaux pour établir ses pénates. Et comme l’entreprise aura le gros bout du bâton dans les négociatio­ns avec les villes, gageons que la facture sera élevée.

Bien sûr, nos gouverneme­nts doivent tout mettre en oeuvre pour séduire Jeff Bezos, mais il y a une limite à puiser dans les poches des contribuab­les pour l’enrichir davantage. Il est courant que de grandes sociétés se livrent à un chantage indécent avant de donner la première pelletée de terre d’une usine ou d’un siège social. Il faut vivre avec ce système, mais il faut aussi se respecter. Donc, oui à une offre généreuse et innovatric­e à Amazon, mais sans tomber dans les excès. Si Montréal répond bien aux besoins d’Amazon, il faut espérer que celle-ci n’abusera pas de son pouvoir de négociatio­n et qu’elle respectera la communauté qui l’accueiller­a. C’est aussi cela, l’éthique.

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