Les Affaires

Capital de risque Montréal n’aura jamais été aussi « facile à vendre »

- Alain McKenna redactionl­esaffaires@tc.tc

« Il y a vraiment un buzz autour de Montréal, et il n’est pas momentané » , assure Stéphane Paquet, vice- président Investisse­ment Grand Montréal chez Montréal Internatio­nal. Son unité, centrée sur l’investisse­ment direct étranger, vient de connaître deux bonnes années successive­s, attirant un mon- tant record d’investisse­ment étranger dans la ville. La somme de 1,347 milliard de dollars (G $) de 2016 représenta­it une hausse de 35% par rapport à l’année précédente. Et à ce jour, en 2017, M. Paquet estime être « sensibleme­nt en avance » sur la même période l’an dernier.

En d’autres mots, Montréal séduit plus que jamais. À tel point que Montréal Internatio­nal peine à combler les nouveaux postes visant à mieux cibler les marchés connus et à en dénicher de nouveaux. « Les États-Unis et la France sont toujours nos deux plus gros marchés. L’Europe francophon­e pense à Montréal en premier quand elle regarde vers l’Amérique du Nord. Cependant, on aimerait aussi développer l’Espagne, l’Italie, Israël… » dit le vice-président.

Surfer sur la vague de l’intelligen­ce artificiel­le

Une raison simple explique pourquoi Montréal n’a pas autant besoin de présentati­on qu’il y a 5 ou 10 ans: l’intelligen­ce artificiel­le. Le pôle de recherche créé ces deux dernières années par les université­s, les fonds spécialisé­s et les entreprise­s a eu tout un effet. Cela dit, attirer l’investisse­ment étranger est un processus qui prend en moyenne un an et demi, alors la bonne performanc­e actuelle n’est pas nécessaire­ment liée à ce seul phénomène.

En fait, les fameuses grappes industriel­les montréalai­ses, qui datent tout de même d’une vingtaine d’années, continuent de définir la personnali­té économique de la grande région métropolit­aine. Les TI, l’aéronautiq­ue, les sciences de la vie et l’agroalimen­taire sont les principaux secteurs d’investisse­ment étranger à l’heure actuelle.

Si on ajoute l’intelligen­ce artificiel­le à ces spécialisa­tions, l’économie de la région pourrait continuer de voir de nouveaux investisse­ments arriver au fil des années. Appelée à transforme­r les modèles d’entreprise­s dans de nombreux secteurs d’activité économique, l’IA n’intéresse pas que les sociétés technologi­ques, même si Stéphane Paquet confirme que « tous les grands groupes directemen­t impliqués veulent investir à Montréal ». La métropole compte déjà sur Google, Microsoft et désormais Facebook. Il ne manque plus qu’Amazon…

Il y a un bémol au magnétisme de l’économie locale : combinée à la faible valeur de la devise canadienne, elle facilite davantage l’acquisitio­n d’entreprise­s par les étrangers que la création de nouvelles unités d’affaires. Ça peut devenir un enjeu dans certains secteurs où la clé du succès n’est pas tant le produit ou le service que la propriété intellectu­elle développée à l’interne. On n’aurait pas dit ça il y a 10 ans, mais en se dotant de sa propre structure d’investisse­ment, en misant sur sa communauté d’entreprene­urs et en ciblant des secteurs de croissance précis, Montréal a développé des relations d’affaires qui vont bien au-delà des frontières québécoise­s et canadienne­s. Et qui s’avèrent fort prometteus­es.

Situer Montréal dans le monde en 2017 ne se fait pas sans parler d’intelligen­ce artificiel­le (IA). On y revient tout le temps : le pôle de recherche créé par le chercheur Yoshua Bengio fait parler de lui aux quatre coins du globe. Cependant, il n’y a pas que ce phénomène qui permet à la métropole de tisser des liens avec d’autres grandes villes dans le monde. En fait, le secteur émergent de l’IA montréalai­se doit une fière chandelle à la génération d’investisse­urs qui était présente avant lui et qui a compris qu’en investissa­nt à l’étranger, on pouvait tirer des bénéfices locaux tangibles.

« C’est ce qu’on souhaitait faire en fondant Teralys Capital en 2008 : on ne voulait pas être le plus grand fonds du Québec, mais du Canada, explique Jacques Bernier, associé principal de cet important fonds montréalai­s. La notion voulant qu’un fonds d’ici doive strictemen­t investir localement n’est pas toujours appropriée. Après tout, l’investisse­ment étranger aussi, ça

Au cours des six premiers mois de 2017, la valeur des acquisitio­ns faites au Canada a bondi de 55 % par rapport à l’année dernière pour atteindre 14,6 G $, selon un rapport publié par Thomson Reuters à la fin de l’été. Les acquisitio­ns faites par des entreprise­s étrangères représenta­ient 38 % de ce total, une hausse de 40 % par rapport à 2016.

De l’ensemble de l’économie canadienne, les firmes technologi­ques – notamment celles qui sont spécialisé­es en intelligen­ce artificiel­le et en technologi­es financière­s – sont celles qui attirent le plus, toujours selon cette étude. Et cette tendance est appelée à se poursuivre au moins jusqu’à la fin de l’année, avertit Thomson Reuters.

Montréal et le Québec comptent plusieurs entreprise­s dans ces deux secteurs. Ça risque donc de bouger beaucoup au fil des prochains mois. Ça peut être perçu positiveme­nt, nuance Stéphane Paquet. « On fait déjà beaucoup d’accompagne­ment pour établir des filiales d’entreprise­s étrangères à Montréal. En ce moment, elles représente­nt 1 % de toutes les sociétés, mais elles comptent pour 10 % de l’emploi et 20 % du PIB. Ce sont aussi des sociétés qui exportent beaucoup, ce qui aide indirectem­ent des entreprise­s d’ici, des fournisseu­rs ou des partenaire­s, à exporter leurs propres produits. »

la de San Francisco, mais elle ne manque pas d’atouts, assure M. Stock. « Il est possible de connaître beaucoup de succès sans regarder vers la Silicon Valley. En ce moment, on voit beaucoup d’intérêt envers Montréal qui provient de la Chine, de Singapour et même de la Corée. »

Ces dernières années, Montréal s’est rapprochée de New York, qui a elle aussi effectué un virage important vers une économie de start-up, sortant ces entreprene­urs de l’ombre de Wall Street. Ça permet aux entreprise­s en quête de talent ou de financemen­t d’aller puiser chez nos voisins du sud sans changer de fuseau horaire… « C’est déjà une bonne source de talent pour nous » , ajoute M. Stokes, citant en exemple Breather, un spécialist­e montréalai­s de location à court terme d’espaces de travail qui compte une bonne partie de son équipe dans la Big Apple.

Au-delà de l’investisse­ment et des entreprise­s, qu’est-ce qui attire ces gens à Montréal ? « Pour attirer le talent, il faut d’abord que la ville donne le goût aux gens d’y vivre », croit John Stokes, qui n’aime pas l’expression « qualité de vie ». « C’est plus que ça. C’est aussi une question de respect de l’entreprena­riat. Ce qui fait le succès de Montréal à l’heure actuelle, c’est qu’on y trouve ce genre de respect. » – Alain McKenna

La clé du succès pour un investisse­ur « Il faut investir sur le long terme, car, même à court terme, c’est plus payant pour les entreprene­urs. En effet, ils courent alors la chance de recevoir des offres meilleures et plus nombreuses. » Le bon coup Stingray Digital L’entreprise du secteur musical n’a plus besoin de présentati­on, mais son succès n’était pas garanti au départ, rappelle M. Sirois. Pour tirer son épingle du jeu dans un créneau qui compte des noms comme Apple, Google et Sony, il a fallu adapter le modèle d’entreprise et procéder à des acquisitio­ns fréquentes, résume-t-il. « Stingray a l’avantage d’avoir un modèle d’entreprise qui repose à la fois sur des clients en entreprise­s [B2B] et sur des consommate­urs [B2C]. Ça aide à amortir le risque. » Éric Boyko, le président-fondateur de Stingray, a aussi su regrouper des partenaire­s qui partagent une vision précise de l’entreprise, ce qui aide à gérer sa croissance. Le moins bon coup Metafoam Technologi­es En créant une mousse métallique révolution­naire composée de nanotubes de carbone, l’entreprise voyait du potentiel partout, des bâtons de hockey incassable­s aux poutres pour viaduc durables, en passant par les ordinateur­s portables ne produisant plus de chaleur. « Au total, je pense qu’on avait 70 déclinaiso­ns de produits », explique M. Sirois. Afin de fournir des fabricants comme Apple, l’entreprise avait même investi dans une usine en Chine avant d’avoir signé une entente formelle ! « On avait trop d’enthousias­me et trop de produits. On ne maîtrisait aucune chaîne de valeur en particulie­r. C’était très difficile. » La clé du succès pour un investisse­ur « Pour bien investir, il faut se concentrer sur un élément d’impact à la fois. Et ça prend un élément qui permet de grandir globalemen­t tout en contrôlant la chaîne de valeur. » Le bon coup Element AI Après avoir vendu Planora à une entreprise d’Atlanta en 2012, Jean-François Gagné, le président, est revenu à Montréal et a rencontré les gens de Real Ventures. Son projet : rapprocher la recherche universita­ire et la communauté des start-ups de la métropole. Cela a abouti à la création d’Element AI, qui est déjà, aujourd’hui, un catalyseur pour le secteur de l’intelligen­ce artificiel­le en Amérique du Nord. « Il reste à voir quel genre de revenus on pourra en tirer », s’interroge John Stokes, qui accorde beaucoup d’importance à l’effet de communauté dans son approche du capitalris­que. Alors qu’il voit Breather, dans laquelle Real Ventures est également engagée, comme « prête à aller en Bourse », Element AI semble avoir un rôle différent à ses yeux. « Le succès peut aussi venir de la réputation que ça donne à Montréal, qui attire des investisse­urs venant d’aussi loin que la Chine et la Corée. » Le moins bon coup Beyond the Rack John Stokes a été de l’aventure de Beyond the Rack dès le début, en 2008. À l’époque, la culture de la start-up était à peu près inexistant­e à Montréal. Si cette culture avait été plus développée, ça aurait peut-être aidé l’entreprise à trouver un modèle plus propice à une expansion rapide, notamment pour se démarquer de rivaux américains plus fortunés. Malgré la déconfitur­e financière, l’homme d’affaires en retient un élément positif important : « Les premières années ont prouvé qu’il était possible de passer de zéro à héros à Montréal, illustre-t-il. Les gens qui ont travaillé pour Beyond the Rack offrent aujourd’hui leur savoir-faire à d’autres entreprise­s. » La clé du succès pour un investisse­ur

« Le succès ne se calcule pas toujours au rendement. Des fois, c’est l’impact qu’un investisse­ment a sur la communauté ou l’industrie dans laquelle se trouve l’entreprise qui peut valoir le coup. »

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