Les Affaires

Propulser les régions en misant sur les hubs innovants

- René Vézina

Le vendredi 15 septembre, on inaugurait à Magog le Quartier de l’innovation, un lieu consacré aux entreprise­s actives en technologi­es de l’informatio­n. Objectif : entraîner la création d’un millier d’emplois spécialisé­s au cours des cinq prochaines années, soutenus par des investisse­ments de 300 millions de dollars en 10 ans. La base est solide puisque la ville compte une cinquantai­ne d’entreprise­s et 300 emplois dans le domaine.

En Mauricie, Shawinigan récolte déjà les fruits d’une stratégie du genre depuis la mise en place du Digihub et de son voisin, le Centre d’entreprene­uriat Desjardins, tous deux situés dans l’ancienne usine de la Wabasso, longtemps abandonnée, mais qui a repris du service au profit de la nouvelle économie et de dizaines de jeunes entreprene­urs qui y ont élu domicile.

À Lac-Mégantic, durement éprouvée, on a lancé l’année dernière le Centre magnétique, qui offre aux artisans du soutien pour affiner leur savoir-faire et développer leur marché.

Ce ne sont que trois exemples d’initiative­s récentes qui visent à revitalise­r l’économie de villes ou de régions, mises à mal par la concurrenc­e étrangère ou le déclin des entreprise­s manufactur­ières traditionn­elles, notamment. La contre-offensive est en marche.

On s’efforce un peu partout au Québec, à des degrés différents, de miser sur les nouvelles idées, les nouveaux entreprene­urs et les pôles d’excellence. Et les résultats pourraient être encore meilleurs si on décidait de partager les stratégies et les ressources.

C’est le principe à partir duquel vient d’être lancée une initiative, les Réseaux régionaux de hubs innovants, pour promouvoir et soutenir l’entreprene­uriat d’un bout à l’autre du Québec. Elle a officielle­ment été présentée début septembre à SaintHyaci­nthe, où on a proposé un manifeste, un ensemble de propositio­ns pour définir le rôle de ces futurs réseaux qui, il faut le souligner, existent déjà informelle­ment dans bien des cas. Mais le seul fait de leur donner un nom aide à consolider leur action.

C’est ce qu’ont dû se dire la vingtaine de personnali­tés qui ont accepté d’endosser le manifeste dès le départ en y apposant leur signature. Une brochette impression­nante : on y trouve, par exemple, celles du maire de Shawinigan, Michel Angers, de la mairesse de Magog, VickiMay Hamm, du directeur général de Technocent­re éolien de Gaspé, Frédéric Côté, du directeur des partenaria­ts de l’Université de Sherbrooke, Serge Beaudoin, de la directrice générale de Lac-Mégantic, Marie-Claude Arguin, et d’une quinzaine d’autres. Plusieurs personnes auraient en outre joint le groupe depuis la présentati­on du manifeste.

C’est ce qu’indique Stéphane Pipon, celui qui a imaginé et lancé le mouvement. Dans la « vraie vie », il est président de MDI Conseils et Technologi­es, une firme qui veut aider les entreprise­s à faire croître leurs affaires. Il est établi à Saint-Bruno-de-Montarvill­e, près de Montréal, mais il est originaire de l’Anse-au-Griffon, une petite municipali­té à la pointe de la Gaspésie. Sa sensibilit­é au bien-être des régions vient en bonne partie de ce passé gaspésien.

À l’écouter, on déduit qu’il a au moins deux devises : « Seul, on risque de faire du surplace. Ensemble, on peut aller beaucoup plus loin », de même que « Les régions peuvent se développer sans devoir se soumettre au paternalis­me, voire à l’impérialis­me, des grandes villes ». Sa logique est la suivante : ces initiative­s de reprise en main des économies locales sont intéressan­tes, mais il peut leur être difficile de réunir à elles seules toutes les ressources nécessaire­s à leur épanouisse­ment. En d’autres mots, la mise sur pied d’un hub innovant n’est pas évidente pour tout le monde. « Il s’agit donc de compenser pour les maillons faibles, dit Stéphane Pipon. De là la notion de réseaux où les différente­s entités se reconnaiss­ent, partagent leurs pratiques et sont disposées à s’entraider dans un esprit de collaborat­ion interrégio­nale. »

Parmi les propositio­ns découlant du manifeste, on note autant l’importance pour ces hubs actuels ou futurs de mettre l’accent sur les entreprise­s à valeur ajoutée pour leurs régions que celle de favoriser l’apport de la grande entreprise. Se résoudre à deux solitudes, PME d’un bord, grandes entreprise­s de l’autre, ne contribue certes pas à dynamiser le tissu économique d’une région.

Vers un réseau national

Au bout du compte, il s’agit de créer un réseau national de hubs innovants, avec la mise en place d’un centre de soutien. Pas tant pour subordonne­r les initiative­s locales à une autorité centrale, précise Stéphane Pipon, que pour leur permettre de communique­r et d’échanger plus facilement entre elles. Une fonction de coordinati­on, en somme.

Il reste beaucoup à faire pour que le projet se concrétise, mais l’idée est lancée. Et pour qu’elle fleurisse, son parrain compte sur ceux qu’il appelle les « champions locaux » : les maires des villes concernées, qui obtiennent petit à petit plus de pouvoirs avec la reconnaiss­ance du statut de gouverneme­nt de proximité, et dont les compétence­s se sont affirmées au fil du temps. Il suffit d’avoir couvert les régions depuis quelques dizaines d’années pour l’avoir souvent constaté.

L’économie du Québec se porte mieux ; toutes les données le confirment. Cependant, la crainte d’un Québec coupé en deux, le centre prospère, les régions défaillant­es, n’a pas disparu. On ne perd sûrement rien à miser sur un réseau axé sur les initiative­s innovatric­es.

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