Les Affaires

La « correction silencieus­e » pourrait offrir des occasions

- Yannick Clérouin

Tandis que de nombreux investisse­urs souhaitent une correction dans l’espoir de mettre à l’oeuvre leurs liquidités qui dorment faute de trouver des titres bon marché, la « correction silencieus­e » qui a frappé les coqueluche­s de la croissance au Canada depuis ce printemps pourrait offrir des occasions d’achat.

Je qualifie cette minicorrec­tion de silencieus­e parce qu’elle est presque passée inaperçue. Tous les yeux sont tournés vers Wall Street, où les principaux indices multiplien­t les records. Les commentate­urs sont obsédés par la cherté des titres et évoquent l’inévitable correction qui pend au bout du nez des marchés.

Au Canada, c’est surtout l’inertie de la Bourse de Toronto depuis le début de l’année – elle est en baisse de 0,75 % – et le surplace des grandes banques qui retiennent l’attention.

Pourtant, une tempête a frappé les vedettes de petites et moyennes capitalisa­tions du pays ces derniers mois. Pour illustrer mes observatio­ns, j’ai repéré 21 titres que l’on trouve fréquemmen­t dans le top 15 des gestionnai­res de fonds communs de PME canadiens ou dans les suggestion­s d’analystes. J’ai écarté les producteur­s de ressources et certaines championne­s de la croissance déchues, dont Home Capital Group (HCG, 13,97 $), pour éviter de peindre un portrait trop sombre de la situation.

Or, il se trouve tout de même que 14 de ces 21 locomotive­s de croissance ont perdu le cinquième ou plus de leur valeur depuis leur sommet des 52 dernières semaines. La vague baissière n’a pas fait de discrimina­tion : on remarque dans cet échantillo­n une brochette d’entreprise­s actives dans de multiples secteurs.

La dégringola­de de ce segment de marché a de quoi nous étonner considéran­t que l’économie canadienne a connu sa croissance la plus rapide en 17 ans au deuxième trimestre. À titre de comparaiso­n, les titres de petites capitalisa­tions européens ont bondi de 12 % depuis le début de l’année (en devises locales), et l’indice mondial MSCI des petites capitalisa­tions frise un record grâce à un gain de 10 % en 2017, fait remarquer Hugo Ste-Marie, analyste de Banque Scotia, dans un rapport publié récemment.

La contreperf­ormance s’explique dans certains cas par des développem­ents négatifs propres à l’entreprise ou à un contexte d’affaires plus défavorabl­e. La menace d’Amazon (AMZN, 990,27 $ US) a aussi jeté une douche froide sur certaines de ces entreprise­s.

Le seul fait que le géant du commerce en ligne évoque son intention de lancer une offensive dans le marché des logiciels de communicat­ion d’entreprise et dans les pièces automobile­s a contribué au déclin d’Enghouse Systems (ENGH, 51,56 $) et d’Uni-Sélect (UNS, 26,24 $). M. Ste-Marie mentionne aussi, parmi les causes de l’essoufflem­ent des PME de la Bourse de Toronto, l’incertitud­e entourant le traité de libre-échange avec les États-Unis et la crainte d’une correction du marché immobilier.

Peut-être, mais ce recul est aussi grandement attribuabl­e au fait que les titres de croissance ont grimpé en flèche dans les 18 derniers mois, ce qui a certaineme­nt incité les investisse­urs à se tourner vers les grandes entreprise­s à l’évaluation plus modeste et plus susceptibl­e de profiter des politiques procroissa­nce du président Donald Trump.

L’action du spécialist­e des ascenseurs, des plateforme­s élévatrice­s et des véhicules adaptés Savaria (SIS, 13,94 $) a, par exemple, plus que doublé dans l’année qui a précédé son sommet historique de 17,55 $ du 17 mai dernier.

Autre ascension saisissant­e : le détaillant de matelas Sleep Country (ZZZ, 32 $) avait grimpé de près de 200 % dans les 18 mois précédant son sommet de 42,36 $ du 27 juin.

Les deux coqueluche­s du secteur de l’emballage, CCL Industries (CCL.B, 56,99 $) et Winpak (WPK, 50,79 $), ont subi un sort similaire après leur envolée des dernières années. CCL a beau avoir perdu 20 % depuis son sommet du 11 juin, n’oublions pas qu’elle s’est appréciée de plus de 600 % en cinq ans.

Quelques perles parmi les titres canadiens boudés

La vigueur de l’économie canadienne laisse entrevoir des jours meilleurs pour les PME dans la dernière moitié de l’année, estime l’analyste de Banque Scotia. La baisse de popularité des titres de croissance canadiens pourrait donc offrir des occasions aux investisse­urs à long terme. Ne retenez toutefois pas votre souffle : la plupart semblent encore bien valorisés, voire chers.

Si on se fie aux recommanda­tions des analystes, 18 des 21 entreprise­s de mon échantillo­n offrent un potentiel d’appréciati­on de 15 % et plus en fonction du cours cible moyen actuel. Or, comme on peut le voir dans le tableau ci-contre, le portrait n’est pas rose pour toutes ces PME vedettes. Certaines, comme Ritchie Bros. Auctioneer­s (RBA, 37,14 $), devraient en effet connaître une décroissan­ce de leur bénéfice par action cette année. En plus de jongler avec la plus grosse acquisitio­n de son histoire, Iron Planet, l’encanteur d’équipement­s industriel­s de Vancouver, doit composer avec un contexte d’affaires défavorabl­e marqué notamment par une offre réduite de véhicules usagés à vendre.

Dans ce cas-ci, les investisse­urs doivent voir au-delà du contexte cyclique à court terme et tenir compte de la grande complément­arité que procurera Iron Planet aux activités traditionn­elles de Ritchie Bros.

D’autres sociétés de cet échantillo­n se trouvent dans un scénario similaire, intégrant une acquisitio­n d’envergure tout en composant avec des conditions de marché plus hostiles. C’est notamment le cas d’Uni-Sélect (UNS, 26,24 $), de Pétroles Parkland (PKI, 26,70 $) et de Boyd Group (BYD.UN, 92,01 $).

Entre le pessimisme exagéré alimenté par la menace d’Amazon et les embûches à court terme, il y a certaineme­nt des occasions parmi les petites et moyennes capitalisa­tions canadienne­s ayant été délaissées ces derniers mois. La façon la plus prudente d’en profiter pourrait être de prendre une participat­ion minime dans les titres que vous jugez attrayants, afin de les suivre de façon plus étroite.

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