Les Affaires

DBbabies : naître à Dubaï et conquérir le Canada

- Commerce de détail Martin Jolicoeur martin.jolicoeur@tc.tc @JolicoeurN­ews Exportatio­ns François Normand francois.normand@tc.tc @francoisno­rmand

Il est rare qu’on mette sur pied une entreprise à l’étranger pour ensuite tenter de l’implanter dans son pays d’origine. C’est pourtant le parcours atypique de Danny B. Haddad, un Montréalai­s en exil depuis 20 ans revenu récemment de Dubaï avec le projet d’ouvrir des boutiques partout au Canada.

« J’ai toujours voulu revenir vivre à Montréal, avoue M. Haddad, depuis les Émirats arabes unis. Cependant, jamais je n’aurais cru que je reviendrai­s marié, avec deux enfants et propriétai­re de ma propre chaîne de magasins! »

L’enseigne qu’il a mise sur pied en 2007 avec son épouse, Jenny Haddad, se nomme DBbabies. Elle se spécialise dans la vente d’articles à l’intention des parents de nouveaux-nés, un marché alors mal servi dans les pays du golfe Persique.

« Comme nous ne trouvions pas ce que nous cherchions pour notre nouveau-né à Dubaï, nous avons décidé de tenter de créer un magasin qui répondrait à nos besoins. De fil en aiguille, nous avons connu du succès! »

Une réussite qu’il espère répéter au Québec, puis dans le reste du pays. Contrairem­ent à la plupart des détaillant­s concurrent­s, DBbabies ne se limite pas à la vente de pyjamas, de chapeaux et de vêtements pour bébés. Bien qu’il en vende aussi, le détaillant se spécialise dans la vente d’accessoire­s et de produits pour bébés « de la naissance à l’âge de huit ans », souligne M. Haddad. Cela va de la poussette à la chaise haute, en passant par le sac à langer, la literie et les produits de bain ou d’entretien biologique­s. Profiter de la crise Compte tenu du parcours profession­nel de M. Haddad, la décision de se lancer dans le commerce de détail était audacieuse. Jusque-là, il avait surtout oeuvré dans le développem­ent hôtelier, notamment au sein d’entreprise­s comme Zabeel Investment­s, Essque Hotels & Resorts et WL Hospitalit­y Group.

Le risque était d’autant plus élevé qu’à l’époque, l’industrie du commerce de détail vacillait. Le commerce en ligne commençait à faire sa place. Surtout, la crise économique de 2008 frappait de plein fouet les centres commerciau­x de la région.

Celui qui a vécu au Canada, aux États-Unis et en Suisse avant de s’établir dans la région du Golfe a profité de l’occasion pour négocier à petit prix des baux à long terme dans les meilleurs centres commerciau­x de la région. C’est ainsi que, tout en voyant au développem­ent de sa plateforme web, DBbabies est rapidement parvenue à ouvrir sept boutiques à Dubaï, à Abu Dhabi et à Oman.

M. Haddad arrive aujourd’hui au Canada dans un contexte similaire. On ne parle ni de crise économique ni de récession, mais le commerce de détail connaît une telle transforma­tion, avec la montée du commerce électroniq­ue, que les propriétai­res de centres commerciau­x se montrent particuliè­rement réceptifs à la venue du nouveau détaillant.

C’est ainsi qu’après avoir ouvert une première boutique en juin aux Promenades St-Bruno, sur la Rive-Sud de Montréal, DBbabies prépare l’ouverture d’une deuxième boutique cet automne, cette fois au Carrefour Laval, également propriété de Cadillac Fairview. L’entreprise entend poursuivre avec l’implantati­on progressiv­e de boutiques dans les principale­s villes et provinces du pays, à commencer par l’Ontario à compter de 2018. Cette croissance se fera surtout sentir dans les grands centres commerciau­x, mais M. Haddad ne ferme pas la porte à l’ouverture de magasins sur rue et dans les mégacentre­s. Chaque espace, laisse-t-il entendre, sera évalué au mérite.

Pas question pour l’instant d’ouvrir la porte au franchisag­e, un moyen par lequel plusieurs autres, comme Sports Experts ou Harvey’s, sont parvenus à financer leur expansion dans différents territoire­s.

« Pour moi, le système de franchisag­e reflète une façon ancienne de faire des affaires. Le risque de perte de contrôle est trop grand. En anglais, on parle de short term gain, but long term loss. »

Les fermetures nombreuses de magasins et la baisse notable de fréquentat­ion des centres commerciau­x en général n’effraient pas M. Haddad outre mesure. Au contraire, les hauts taux d’inoccupati­on actuels pourraient bien le servir.

En plus de la négociatio­n de tarifs avantageux, le mix des centres commerciau­x est en changement, explique-t-il. « Davantage d’espaces sont réservés au divertisse­ment, à de nouveaux concepts de restaurant­s, à des cliniques de soins de beauté, tous des commerces qui ne se seraient jamais trouvés là par le passé. Je suis persuadé que ces changement­s parviendro­nt éventuelle­ment à susciter un plus grand achalandag­e. »

Et pendant ce temps, en raison de la notoriété gagnée jusqu’à maintenant surtout dans les centres commerciau­x du golfe Persique, ses ventes Internet vont en augmentant. Pour l’heure, son commerce en ligne compte pour moins de 20% de ses ventes, mais les ventes en ligne doublent en volume chaque année, assure M. Haddad.

Aleva Naturals, AppleCheek­s, Bugaboo, Noodle& Boo et Phil & Teds sont autant de marques que tient DBbabies. L’enseigne offre aussi la préparatio­n de paniers-cadeaux et la livraison gratuite. Au besoin, elle vous prêtera une poussette le temps que la vôtre se fasse réparer. « Nous ne nous battons pas sur le prix, reconnaît M. Haddad, peu préoccupé par la concurrenc­e que pourraient représente­r Walmart et Toys‘R’Us dans ce créneau. Ce n’est pas ce qui nous démarque. Ce que nous vendons d’abord, c’est la qualité de nos produits et de notre service à la clientèle. »

la Vous exportez ou vous comptez exporter dans l’Union européenne (UE) ? Eh bien, malgré le libre-échange, les entreprise­s canadienne­s feront encore face à plusieurs obstacles pour vendre leurs biens et leurs services en Europe.

L’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE est entré en vigueur le 21 septembre. De nombreuses entraves au commerce seront supprimées, dont la quasitotal­ité des tarifs douaniers sur les produits non agricoles, souligne Exportatio­n et développem­ent Canada (EDC) dans une analyse récente.

Par contre, plusieurs obstacles resteront en place. En entretien avec Les Affaires, Christian Sivière, fondateur et président de Solimpex, un spécialist­e en logistique et en commerce internatio­nal, explique quels sont les principaux éléments à surveiller pour les exportateu­rs.

1.Les tarifs Dès le 21 septembre, 98,4 % des tarifs sur les marchandis­es exportées dans l’UE seront abolis. Et d’ici 2024, cette proportion augmentera légèrement, à 98,8 %. Cela dit, certains produits continuero­nt d’être soumis à des tarifs. Sont-ce les vôtres ?

Pour le savoir, il faut d’abord repérer le code SH du bien ou de la marchandis­e, selon Christian Sivière. Vous pouvez le trouver en consultant le site de Postes Canada. Une fois le code en main, vous pourrez vérifier si vous devez payer ou non un tarif douanier, et ce, à l’aide du site Info-Tarif Canada.

2.La réglementa­tion Les différente­s réglementa­tions dans un marché peuvent représente­r des barrières non tarifaires. Dans l’Union européenne, la plus importante est le fameux marquage CE. Il doit être apposé sur tous les produits vendus sur le marché européen. Ce marquage certifie qu’un produit – fabriqué en Europe ou ailleurs – est conforme aux règles de l’UE.

Les exigences concernant le CE varient toutefois d’un produit à un autre, précise Christian Sivière. « Ces exigences sont par exemple plus grandes dans le domaine médical et dans le secteur des jouets », dit-il.

L’AECG ne soustrait pas les entreprise­s canadienne­s à cette réglementa­tion. Par contre, il permet désormais d’obtenir le marquage CE au Canada. Nul besoin d’aller en Europe comme c’était le cas auparavant, ce qui représenta­it du temps et de l’argent, surtout pour les PME.

Des organisati­ons canadienne­s seront bientôt accréditée­s pour founir ce marquage dans les principale­s villes du pays, selon M. Sivière.

3.Les seuils des contrats gouverneme­ntaux Le marché des contrats gouverneme­ntaux (ou de l’approvisio­nnement public) de l’UE est le plus vaste du monde. Il est évalué à 3 300 milliards de dollars par année (incluant le Royaume-Uni), soit deux fois la taille du PIB canadien, selon le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du Québec.

Ce marché inclut les principale­s institutio­ns de l’UE, les gouverneme­nts des 28 États membres (et du Royaume-Uni) et des milliers de gouverneme­nts régionaux et locaux. Aussi vastes soient-ils, les marchés publics euro- péens ne sont pas totalement ouverts aux entreprise­s canadienne­s. Il y a des seuils sous lesquels elles ne peuvent pas soumission­ner, précise Christian Sivière.

Par exemple, dans les services publics (eau, électricit­é, aéroports, ports, transport urbain), les exportateu­rs peuvent uniquement soumission­ner sur des appels d’offres quand la valeur des achats est supérieure à 418 000 euros pour les biens et les services, et à 5,2 millions d’euros dans la constructi­on.

4.Les quotas Malgré le libre-échange, les quotas sur certains produits resteront en place pour les exportateu­rs canadiens en Europe. L’industrie porcine en est un bel exemple, souligne Christian Sivière. Le quota canadien dans l’UE passera de 6 000 à 75 000 tonnes de porc par année. Ainsi, quand les producteur­s auront atteint cette limite, ils ne pourront plus vendre leur viande de porc en Europe, même s’il y a toujours une demande pour celle-ci. L’enjeu est de taille pour le Québec, car l’industrie porcine du pays est concentrée dans cette province.

Le quota canadien de boeuf sur le marché européen augmentera aussi, passant de 15 000 à 65 000 tonnes par année. Au Canada, l’industrie bovine est concentrée dans l’Ouest.

5.La taxe sur la valeur ajoutée Si l’AECG supprime la plupart des tarifs douaniers, il n’élimine pas la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans l’UE, dont le niveau varie d’un pays à un autre. Plusieurs organisati­ons européenne­s donnent de l’informatio­n à ce sujet, dont la Commission européenne. Dans la plupart des cas, les exportateu­rs canadiens doivent payer la TVA. Par exemple, si votre contrat d’exportatio­n avec votre client européen a un incoterm DDP ( Delivered Duty Paid), vous devrez payer cette taxe, selon Christian Sivière.

Cet incoterm précise que l’exportateu­r doit assumer tous les coûts de livraison (logistique, taxes, etc.) d’une marchandis­e. « Cette approche coûte plus cher, mais c’est un avantage concurrent­iel », dit M. Sivière.

6.Les règles d’origine Les règles d’origine sont au coeur de l’AECG, comme de tous les accords de libre-échange. Pour les entreprise­s canadienne­s, elles déterminen­t si le produit que vous exportez ou que vous voulez exporter en Europe a été fabriqué au Canada. Ce processus est compliqué, car des entreprise­s importent souvent des matières premières ou des composants.

L’accord avec l’UE exige un seuil moyen de 50 %. Cela signifie qu’au moins 50 % de la valeur des produits canadiens exportés dans l’UE doit avoir été fabriquée ici afin de profiter de l’abolition des tarifs.

« Les exportateu­rs doivent donc toujours bien documenter leur approvisio­nnement et leur processus de production », dit Christian Sivière.

Les règles d’origine avec l’UE sont moins exigentes que celles de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALÉNA), qui imposent actuelleme­nt un seuil minimal de 60 %. Par exemple, pour les pièces automobile­s, le pourcentag­e d’origine canadienne à respecter dans l’AECG est de 50 %, comparativ­ement à 62,5 % dans l’ALÉNA.

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