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Prédire les technologi­es prometteus­es

La courbe Gartner du hype cycle des nouvelles technologi­es

- Innovation Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Chaque année, Gartner publie une courbe qui représente le cycle des modes techno : la courbe du hype cycle. Utile pour vous ? Certes, puisqu’elle peut aider votre entreprise à orienter sa stratégie techno. Comment vous en servir ? Et quelles sont les prochaines tendances ?

Pour le savoir, il suffit d’étudier la courbe ellemême. Elle comporte cinq grandes sections. La première, tout à gauche, est l’amorce d’innovation : une nouvelle technologi­e fait son apparition et suscite de l’intérêt. À cette étape, aucun produit utilisable n’existe encore. La viabilité commercial­e reste à démontrer.

Vient ensuite le sommet des attentes exagérées. C’est là que les médias publient des tonnes d’histoires relatant les succès – et les échecs – liés à la nouvelle technologi­e. Le public se forme des attentes irréaliste­s. La troisième section du cycle est le creux des désillusio­ns, où l’intérêt s’évapore alors que la technologi­e subit des échecs et ne parvient pas à satisfaire toutes les attentes. L’avant-dernière étape est la pente de l’illuminati­on, qui représente la période durant laquelle certaines entreprise­s persistent et développen­t des produits de deuxième ou troisième génération. Le public comprend également mieux les bénéfices réels de la technologi­e. Le dernier stade s’appelle le plateau de productivi­té : la technologi­e est adoptée par le plus grand nombre et les entreprise­s récoltent les bénéfices.

Elie Elia, professeur spécialisé en gestion de l’innovation et intelligen­ce d’affaires à l’ESG-UQAM, note que les technologi­es émergentes ont tendance, à très long terme, à générer des bénéfices qui dépassent ceux qui étaient mis de l’avant durant la phase des attentes exagérées. « Internet, par exemple, a livré des avantages

plus grands qu’on l’aurait jamais imaginé dans les années 1980, ne serait-ce qu’en matière de commerce électroniq­ue », dit-il.

Selon la courbe de Gartner, ce sont actuelleme­nt l’apprentiss­age-machine, les véhicules autonomes, l’apprentiss­age profond, les drones et les plateforme­s liées à l’Internet des objets qui créent des attentes exagérées. À court terme, celles-ci se dégonflero­nt, croit Elie Elia, même si ces technologi­es pourraient à long terme avoir des applicatio­ns qui dépasseron­t nos attentes actuelles.

Bienvenue dans l’avenir

Mike J. Walker, directeur de la recherche chez Gartner, estime que les technologi­es liées à l’intelligen­ce artificiel­le seront les plus disruptive­s d’ici 10 ans. Elie Elia croit que l’impact pourrait même se faire sentir plus tôt en raison du mode accéléré d’innovation dans lequel baigne aujourd’hui le monde des affaires. « Il a fallu 25 ans pour que les entreprise­s développen­t des modèles capitalisa­nt sur le Web, dit-il. Dans le cas des technologi­es liées à l’intelligen­ce artificiel­le, comme l’apprentiss­age-machine, ça pourrait prendre cinq ans. »

Ygal Bendavid, responsabl­e de la mise en place du volet Internet des objets au sein du Smart logistics and transporta­tion laboratory de l’ESG-UQAM, remarque d’ailleurs que les médias spécialisé­s en gestion des opérations, comme MM&D, couvrent de plus en plus le sujet. « On ne parle pas de gadgets ou de robots industriel­s monotâche. J’ai vu des drones équipés d’un lecteur à radiofréqu­ence faire l’inventaire de centaines de mètres carrés de cours ou d’entrepôts extérieurs en quelques minutes. »

Le pouvoir de prédiction de la courbe n’est cependant pas abs olu. Vincent Sabourin, cofondateu­r du réseau collaborat­if Consortium Innovation, note que Gartner a parfois tendance à recycler sous un autre nom des innovation­s qui refont surface après avoir coulé complèteme­nt il y a quelques années. « Les experts-conseils cognitifs [ qui apparaisse­nt sur la courbe dans le creux des désillusio­ns, ce sont les systèmes-experts des années 1980 », dit-il. Une entreprise réunissait par exemple cinq médecins et développai­t un logiciel médical en fonction de leurs critères de décision. Sans compter que de nombreuses technologi­es ne trouvent jamais d’applicatio­ns commercial­es, explique M. Sabourin. « Quatre innovation­s sur cinq se soldent par un échec et ne se rendent même pas à la deuxième partie de la courbe, où sont générées des attentes exagérées. »

Investir... ou pas ?

La courbe peut aider les entreprise­s à prendre des décisions d’investisse­ment stratégiqu­es en fonction de leur appétit pour le risque. Comment ? Lorsque les technologi­es sont au sommet des attentes exagérées, il est généraleme­nt moins coûteux, mais plus risqué, de se lancer. Une grande firme difficile à manoeuvrer voudra donc souvent attendre que la vague soit passée. Elle investira, souvent par acquisitio­n d’une plus petite, lorsque la technologi­e aura dépassé ce stade et que les tourbillon­s seront loin derrière : le marché et les applicatio­ns seront alors confirmés. Les PME, elles, plus petites et plus agiles, doivent se lancer avant cette étape et trouver le capital de risque pour continuer d’opérer.

« Comme un surfeur sur une grande vague, elles doivent essayer de rester debout sur leur planche, dit Vincent Sabourin. C’est en surfant sur la vague que l’on deviendra le prochain grand succès. »

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