Les Affaires

Pauvres milléniaux !

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc Chroniqueu­r | C @OSchmouker

Les milléniaux – grosso modo les 18-34 ans – ne roulent pas sur l’or, de nos jours. Mais ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que leur situation financière est appelée à... empirer au cours de la prochaine décennie ! Explicatio­n.

Les inégalités économique­s intergénér­ationnelle­s n’ont jamais été aussi criantes qu’aujourdhui au Canada, selon une récente étude du quotidien britanniqu­e The Guardian et du centre de recherche Luxembourg Income Study. Les chiffres sont sans appel: Ceux qui avaient entre 25 et 29 ans à la fin des années 1980 disposaien­t d’un revenu disponible supérieur d’en moyenne 4% à celui de ceux qui figurent aujourd’hui dans la même tranche d’âge. En guise de comparaiso­n, les retraités se sont enrichis au cours de la même période, d’en moyenne 5% pour les 65-69 ans et de 16% pour les 70-74 ans.

Autrement dit, les jeunes ne cessent de s’appauvrir depuis une trentaine d’années, au contraire des autres génération­s. Ce qui va à l’encontre de la tendance du 20e siècle, suivant laquelle l’avènement d’une nouvelle génération s’accompagna­it nécessaire­ment d’une toute nouvelle prospérité.

Comment expliquer un tel phénomène? Essentiell­ement par le concours de trois facteurs économique­s: Chômage. Les jeunes sont frappés de plein fouet par le chômage. Le taux de chômage des 15-24 ans est aujourd’hui de 11,5%, soit 5,3 points de pourcentag­e de plus que celui de l’ensemble de la population active, d’après les données de Statistiqu­e Canada. C’est dire combien il leur est difficile de pénétrer le marché de l’emploi, et même d’y perdurer: rien qu’en août dernier, ils ont perdu pas moins de 66000 postes à temps plein à l’échelle du pays.

À noter que, de leur côté, les 55 ans et plus ont un taux de chômage de 5,3% et que l’avenir semble leur sourire: ils représente­nt actuelleme­nt 36% de la population en âge de travailler – la plus forte proportion jamais enregistré­e – et devraient dépasser 40% d’ici 2027, toujours selon Statistiqu­e Canada. Endettemen­t. Plus les années passent, plus les étudiants s’endettent. En 1999, un finissant canadien avait une dette moyenne de 19623$; maintenant, celle-ci s’élève à 28272$, d’après Statistiqu­e Canada. À cela s’ajoute le fait qu’un étudiant qui emprunte de nos jours 30000$ auprès du Programme canadien de prêts aux étudiants devra payer 10319$ sur 10 ans en inté- rêts, selon un récent rapport de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Immobilier. Devenir propriétai­re est quasiment du domaine du rêve pour les jeunes d’aujourd’hui. Et ce, en raison du bond phénoménal des prix de l’immobilier ces derniers temps. Par exemple, dans la région métropolit­aine de Montréal, le prix médian d’une maison unifamilia­le a triplé en l’espace d’une quinzaine d’années (il est passé de 108000$ à 318000$ entre 2000et 2017, selon les données de la Fédération des chambres immobilièr­es du Québec et du site immobilier Centris.ca). La question saute aux yeux: comment être en mesure d’acquérir un tel bien lorsqu’on voit son revenu disponible péricliter sans cesse? C’est extrêmemen­t difficile. Et le comble, c’est que ce le sera encore davantage demain, comme le montre une étude du cabinet-conseil McKinsey & Company sur l’aggravemen­t des inégalités économique­s intergénér­ationnelle­s dans les pays occidentau­x.

Le Canada n’est pas le seul à voir des nuages noirs s’accumuler au-dessus de ses milléniaux. Loin de là. C’est également le cas aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France, en Italie et en Suède. « À supposer que l’économie de chacun de ces pays-là connaisse une croissance faible ou modérée au cours de la prochaine décennie – ce qui est fort probable –, les nouvelles génération­s verront leurs revenus péricliter au fil des ans, ou au mieux, stagner », indique le rapport, en soulignant que « dès lors, on assisterai­t à une première, à savoir des enfants plus pauvres que leurs parents ».

À la clé, des périls gravissime­s qui dépassent le champ de l’économie, comme l’avance l’étude de McKinsey: Xénophobie. Les jeunes en situation économique difficile sont deux fois plus nombreux que les autres jeunes à dire que « les immigrants ruinent la culture et la cohésion de la société d’accueil ». Protection­nisme. La moitié des jeunes en situation économique difficile s’accordent pour dire que « les importatio­ns de biens et de services font perdre des emplois au pays importateu­r » et qu’il convient, par conséquent, de s’en prémunir.

C’est bien connu, la xénophobie et le protection­nisme sont les mamelles du nationalis­me. Du coup, c’est ni plus ni moins que la démocratie qui est dans la ligne de mire: « Nos recherches montrent que les jeunes en question sont prompts à soutenir des mouvements nationalis­tes comme ceux du Front national en France et du Brexit en Grande-Bretagne », note d’ailleurs le rapport.

D’où l’importance vitale de tendre – enfin – la main aux jeunes. De leur donner sans compter, comme s’il s’agissait de nos propres enfants. Sans quoi cette génération perdue risque fort de plonger dans un cauchemar sans nom et d’entraîner la beauté de la vie avec elle dans sa chute...

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