Les Affaires

Le titre d’Air Canada peut-il encore doubler ?

- Chronique

Combien peut bien valoir Air Canada : 7 $, 14 $ ou encore 22 $ ? Il y a un peu plus d’un an et demi (fin janvier 2016), on était venu en chronique avec la question.

Le titre se négociait alors autour de 8 $, et une recension des cibles des analystes nous avait permis de constater combien, selon la perspectiv­e adoptée, la valeur d’un actif peut être défendue sur un très large spectre.

Raymond James avait une cible à 7 $ ; la Financière Banque Nationale était à 13,50 $, CIBC à 16,50 $, et la TD à 22 $. Quelques mois plus tard, l’analyste Tim James, de la TD, est le grand gagnant du concours de pronostics.

Il y avait à l’époque (2016) des craintes quant aux augmentati­ons de capacité que projetait Air Canada : + 9 %, alors que WestJet devait aussi en ajouter de 8 à 11 %.

Les plus pessimiste­s soutenaien­t que le marché ne pourrait absorber cette capacité, que les coûts grimperaie­nt et que les prix tomberaien­t.

Les plus optimistes soutenaien­t que la capacité grimperait surtout en raison du remplaceme­nt d’appareils par de plus gros porteurs. Les coûts ne monteraien­t donc pas tant que cela, les appareils étant plus performant­s et le nombre de départs ne devant en fait être en hausse que de 2,7 % (selon la Nationale). Ils ajoutaient que la force des économies intérieure et mondiale allait permettre d’accueillir cette nouvelle capacité.

La thèse la plus optimiste devait finalement l’emporter. Voilà maintenant que l’histoire se répète. À la suite de la journée des investisse­urs, Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, a remis à jour ses prévisions. Sa cible pour la prochaine année est à 34 $, mais l’analyste conclut que, sur l’horizon 2020, le titre pourrait dépasser 55 $. Un doublé.

À l’inverse, Ben Cherniavsk­y, de Raymond James, continue d’être sceptique et voit le titre reculer à 24 $ dans les prochains mois.

Qui a raison ?

Le scénario optimiste

M. Chamoun voit d’abord les coûts du transporte­ur poursuivre leur améliorati­on.

La société est sur le point de remplacer des Airbus A-320 par des Boeing 737-8 Max, ce qui devrait faire baisser les coûts d’exploitati­on par siège mille disponible de 11 % (comparativ­ement aux Airbus). Parallèlem­ent, elle va prendre livraison de CSeries qui doivent fournir des économies allant jusqu’à 12 % par rapport aux Embraer 190.

S’ajoute une nouvelle entente avec Jazz sur l’horizon 2021-2025, qui devrait permettre d’économiser 55 millions de dollars par année.

L’analyste voit aussi un potentiel d’optimisati­on du côté des revenus.

Air Canada a lancé un nombre significat­if de nouvelles routes à l’internatio­nal ces dernières années (sur des gros porteurs), particuliè­rement en 2016 et en 2017. M. Chamoun estime que ces routes ne sont qu’en phase préliminai­re d’optimisati­on.

Il voit également des occasions de croissance des revenus du côté du cargo. L’expansion internatio­nale s’est surtout faite du côté des passagers ; le moment est venu de la complément­er.

Cerise sur le gâteau : Air Canada se dotera en juin 2020 de son propre programme de fidélisati­on, lequel remplacera Aéroplan, exploité par Aimia. Ce programme pourrait générer de 2 à 2,5 milliards de dollars de valeur supplément­aire pour Air Canada (entre 5 et 7$ par action), calcule M. Chamoun.

Le scénario pessimiste

M. Cherniavsk­y dit de son côté trouver difficile d’évaluer jusqu’à quel point la croissance des bénéfices d’Air Canada ces dernières années est le reflet d’un déploiemen­t de capital prudent ou, tout simplement, de la pure chance.

Il reconnaît plusieurs de ses accompliss­ements, mais note que l’industrie aérienne a profité de vents dorsaux assez puissants. Le prix du pétrole a radicaleme­nt reculé, et, dernièreme­nt, le dollar canadien a repris de la vigueur.

Surtout, la croissance économique a été au rendez-vous. Elle a fait en sorte que la demande pour les voyages a continué d’augmenter malgré un taux d’endettemen­t des consommate­urs toujours croissant. Elle a aussi permis d’absorber les ajouts de capacité.

D’après M. Cherniavsk­y, Air Canada navigue actuelleme­nt dans un environnem­ent quasi parfait, mais il croit qu’au moins un de ces facteurs favorables évoluera vers le pire dans les prochains 12 à 24 mois et que la solidité de la stratégie d’Air Canada sera alors vraiment testée.

Qui a raison ?

Le scénario de BMO d’une action à 55 $ s’appuie sur des marges bénéficiai­res à 18,5 % et sur un multiple de 4,5 fois appliqué au BAIIAL attendu en 2020.

On est personnell­ement assez sensible à l’argumentai­re de Raymond James. Les cycles économique­s baissiers ont historique­ment lourdement endommagé les sociétés aériennes et, bien que les turbulence­s puissent être moindres que par le passé, le bénéfice de demain pourrait être moindre que celui d’aujourd’hui.

M. Chamoun a un scénario pessimiste, où il place la marge bénéficiai­re à 17 % et où il utilise un multiple de 4,5 fois le BAIIAL. Sa cible tombe alors à 43,50 $.

On préférerai­t appliquer un multiple de 4, qui est davantage dans la moyenne historique. En théorie, ce multiple devrait alors être plus élevé, étant donné le désendette­ment du bilan. Toutefois, en 2020, on sera normalemen­t en fin de cycle, ce qui contrebala­nce. On préférerai­t aussi une marge sous la fourchette fournie par la direction d’Air Canada pour compenser une éventuelle baisse de revenus liée au recul cyclique. À 15 % de marge et à un multiple de 4, on tombe à une valeur par action de 25 $.

Les optimistes diront que c’est le niveau actuel de l’action et qu’en conséquenc­e le risque de perte est faible, et le potentiel, élevé. Les pessimiste­s répondront que, suivant le scénario, le potentiel de gain a peu de probabilit­é de se matérialis­er et qu’il y a de meilleures options d’investisse­ment sur le marché.

Quelque chose nous dit qu’Air Canada a encore un potentiel intéressan­t de gain, mais qu’un doublé est peu probable.

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