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Relancer la Gaspésie, un lien Internet haute vitesse à la fois

- Chronique

Étonnant, mais vrai : de toutes les régions du Québec, la Gaspésie est celle qui offre le meilleur accès à Internet haute vitesse. Aux dernières nouvelles, plus de 98% de la population pouvait s’en prévaloir. Cela ne signifie pas forcément que tous les ménages se paient les services offerts, mais au moins, ceux-ci existent. C’est déjà ça.

Cet enjeu de la présence d’Internet en région revient continuell­ement dans les demandes des élus municipaux au Québec, pilotées par l’Union des municipali­tés et par la Fédération québécoise des municipali­tés. Un service déficient accentue les risques de dévitalisa­tion des régions puisque Internet est devenu essentiel et que son absence handicape les citoyens. Au contraire, un accès Internet efficace atténue la perception que l’éloignemen­t pose problème, puisque la planète entière est alors à portée d’un clic de souris.

Comment la Gaspésie peut-elle être aussi bien servie ? Les grandes sociétés de télécommun­ication ne lui font pourtant pas de faveurs particuliè­res, même si elles sont de plus en plus obligées de veiller à la qualité de leur offre. L’arrivée d’un concurrent a changé la donne. Même si celui-ci n’est pas le plus gros, il les force à être alertes.

Ce concurrent, c’est Navigue.com, dont la remarquabl­e histoire pourrait bien servir d’inspiratio­n à d’autres régions qui cherchent à être mieux servies. Navigue.com est née en 2005 à Bonaventur­e, dans la Baie-des-Chaleurs, sous l’impulsion de Jean-Marie Perreault, un entreprene­ur d’origine montréalai­se que rien ne destinait au départ à se lancer dans le domaine des télécommun­ications. En fait, il s’y connaissai­t mieux dans les imprimerie­s, son métier précédent… Comme le besoin crée l’organe, c’est ainsi qu’il a imaginé Navigue.com.

« Je ne pouvais pas concevoir qu’au 21e siècle, on n’ait pas accès à un lien haute vitesse », explique-t-il. C’est précisémen­t parce qu’il en était privé qu’il a imaginé la toute première connection, pour ses propres besoins, sans deviner qu’il serait peu de temps après en affaires comme fournisseu­r Internet!

En fait, il paie un droit pour avoir accès au réseau de fibre optique de Telus pour capter le signal, qui est ensuite relayé dans le territoire par une des quelque 120 tours micro-ondes de Navigue.com, principale­ment dans la région de la Baie-des-Chaleurs. Le signal parvient finalement chez les usagers, toujours par micro-ondes. L’entreprise a également des clients du côté nord de la Gaspésie, autour de Sainte-Anne-des-Monts. « Les plus grandes entreprise­s comme Telus ont bâti des autoroutes et jouent sur le volume, mais elles sont moins intéressée­s par les chemins secondaire­s, les petites communauté­s, précise M. Perreault. Nous, nous les branchons. »

Les « péages » exigés pour circuler sur les grands réseaux sont déterminés par le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s (CRTC), qui cherche par tous les moyens à augmenter la concurrenc­e et qui doit apprécier ce genre d’initiative régionale. Il veut s’assurer que les plus petits acteurs ont accès à l’ensemble des réseaux des plus gros acteurs.

Par moments, il arrive que les offres de Telus et de Navigue.com se croisent. Quels sont alors les avantages de faire affaire avec l’entreprise locale ? « Nous n’avons pas à satisfaire des actionnair­es, notre service à la clientèle est assidu et nous avons peu de coûts fixes, dit-il. Bref, nos tarifs sont avantageux. Et nous sommes quand même profitable­s! »

Ce n’est pas qu’il entame grandement le bassin potentiel de Telus. Navigue.com compte 5000 clients Internet et 1 500 pour la téléphonie IP, dont le nombre est croissant. Selon M. Perreault, un nouveau client comme la municipali­té de Percé épargne 25000$ par année en recourant à son offre de téléphonie IP.

Sa base n’est pas si énorme, mais sa présence est quand même agaçante. De là les propositio­ns d’achat qui se succèdent… Mais ce n’est pas pour lui. Il est actif dans le milieu local, il a présidé la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs de 2010 à 2015, et il est impliqué dans le transfert de l’entreprise à un groupe d’employés, un processus mûrement réfléchi qui devrait s’étirer sur sept ans. Il en est à se deuxième année.

Il sait bien que la Gaspésie perd des habitants, lui qui a pourtant laissé la grande ville et qui, avec sa femme, Chantal Bourdages, ne cessent de se féliciter de cette décision dans leur maison au bord de la mer… La population de la Gaspésie est passée de 85534 à 79492 personnes de 2001 à 2015, soit une chute de 7%. La décroissan­ce a toutefois ralenti au cours des dernières années, parce que l’économie va mieux et que des jeunes s’installent dans la région en réalisant tout son potentiel. De plus, on peut s’y loger à moindre coût… et on est branché sur le monde!

Aujourd’hui, l’accès Internet haute vitesse est souvent un facteur déterminan­t pour choisir où on va s’installer. Navigue.com en est devenu un en Gaspésie. « Il est temps que les Gaspésiens reprennent confiance et réalisent tout le potentiel de leur coin de pays, un vrai paradis! » affirme M. Perrreault.

La reprise est bien en marche. Elle est notamment nourrie par d’authentiqu­es entreprene­urs gaspésiens dont vous pourrez découvrir les projets dans le prochain numéro.

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