Dans l’angle mort d’un Québec prospère Fini la nostalgie, demande le PDG de Bombardier
Le Québec est en queue de peloton en ce qui concerne la littératie des adultes
Eh oui, 2017 est une bonne année pour l’économie du Québec et surtout de Montréal! Le taux de chômage est à son plus bas, les investissements des entreprises reprennent, les dépenses des consommateurs sont en croissance, les exportations aussi. Les entrepreneurs québécois ont des ambitions mondiales et les jeunes sont de plus en plus intéressés à entreprendre.
La confiance est au rendez-vous. C’est une bonne nouvelle et il faut s’en réjouir. Cette embellie ne doit toutefois pas détourner notre attention des défis auxquels nous faisons face et que nous devrons relever pour garantir notre prospérité à long terme. Peu importe l’angle sous lequel on analyse les conditions de succès de l’économie du Québec, on en revient toujours à un dénominateur commun: la qualité de l’éducation et de la formation.
Le Comité consultatif sur l’économie et l’innovation (CCEI) mis sur pied par la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, présidé par Monique F. Leroux, a récemment remis son rapport. Le groupe fait d’entrée de jeu un plaidoyer sans équivoque en faveur de l’éducation et de la formation. Ces 32 leaders issus de la communauté des affaires québécoise reconnaissent que l’éducation devrait être « la » priorité des priorités pour l’avenir de l’économie québécoise. Avec un bassin de travailleurs potentiels qui a commencé à se resserrer, miser sur le talent est la voie la plus prometteuse.
Or, nos taux de décrochage scolaire sont parmi les plus élevés du Canada : un garçon sur deux issu du réseau public francophone n’obtient pas son diplôme d’études secondaires en cinq ans. Bien que le Québec ait de bons résultats dans les classements de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’éducation, 57 % des jeunes de 13 à 19 ans (44% en Ontario) et 53% de l’ensemble de la population de 16 à 65 ans n’atteignent pas le niveau 3 de littératie, qui permet de comprendre un texte (équivalant à un article de journal) et qui est considéré comme le seuil minimal pour occuper un emploi dans une économie développée.
Selon un rapport de l’UNICEF, le Canada se classe au 25e rang sur 41 pays riches en ce qui a trait au bien-être des enfants de 0 à 17 ans. Un rapport de la Fondation du Grand Montréal, « Signes vitaux », publié récemment, nous apprend qu’à Montréal, la moitié des élèves du secondaire ne déjeunent pas avant d’aller à l’école. Un bien mauvais point de départ pour une société du savoir qui veut se tourner vers l’avenir avec confiance.
Le rapport du CCEI propose quelques pistes d’action très intéressantes pour lutter contre l’analphabétisme et soutenir les citoyens les moins qualifiés. Les actions isolées, les changements marginaux et les quelques millions saupoudrés pour renforcer le statu quo ne suffiront toutefois pas.
La base pour bâtir une économie forte à long terme, au-delà des embellies ponctuelles, est un système d’éducation qui vise l’excellence et ne laisse personne de côté. Il faut avoir le courage de repenser l’école, tous ensemble. Cela prendra une mobilisation sans précédent de nos politiciens et de la communauté des affaires, ainsi qu’un appui inconditionnel de la population.
la À lire sur le même sujet, la chronique d’Olivier Schmouker en page 17. Les sentiments de nostalgie n’ont plus leur place au Québec. Plutôt que de regretter la prise de contrôle de la CSeries par Airbus, les Québécois devraient au contraire en être fiers. C’est du moins le message que le président et chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare, a tenté de communiquer le 20 octobre, à l’occasion d’une conférence organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). M. Bellemare y partageait la tribune avec son homologue, Thomas Enders, président et chef de la direction d’Airbus, le conglomérat européen qui a récemment hérité du contrôle de la gamme d’avions CSeries, de Bombardier.
« Nous devrions être fiers de ce que l’on a réalisé. Fiers de l’avion spectaculaire que nous avons développé (...) Fiers enfin qu’une entreprise comme Airbus ait accepté de se joindre à notre programme », a déclaré M. Bellemare devant un auditoire d’environ 500 personnes. La réalité, a-t-il expliqué, est que Bombardier avait « besoin de ressources supplémentaires afin que nos investissements puissent prendre leur envol. C’est pourquoi je pense que l’on devrait mettre de côté les éléments de nostalgie et regarder le positif. Nous sommes en train de nous donner les outils pour faire de ce programme un grand succès (...) Un succès dont les Québécois et les Canadiens seront fiers. » Le contrôle à Airbus De son côté, le grand patron d’Airbus n’a pas caché sa satisfaction d’accueillir la nouvelle gamme d’avions de Bombardier dans son catalogue. « En plus d’avoir la capacité de vendre cet appareil, nous aurons les moyens de stabiliser et de renforcer l’industrie aéronautique québécoise. Nous allons travailler fort pour que les fournisseurs québécois puissent profiter d’un meilleur accès à nos contrats et ainsi dynamiser encore davantage les relations que nous avons déjà avec l’industrie canadienne. »
Le soir du 16 octobre, les représentants de Bombardier et du gouvernement du Québec ont annoncé avoir cédé le contrôle du programme CSeries au géant Airbus. Selon les termes de cette entente, Airbus hérite d’une participation de 50,01% dans la CSeries, tandis que Bombardier se voit accorder 31% et Investissement Québec, 19%.
À la création de la société chapeautant le projet en 2015, la participation de Bombardier dans la CSeries s’élevait à 50,5% et celle de Québec, à 49,5%. À la faveur d’injection de nouveaux capitaux par Bombardier depuis, la part de Québec avait fondu à quelque 38%.
Des emplois aux États-Unis
Forte d’une présence mondiale et d’un vaste réseau de fournisseurs, Airbus saura réduire les coûts de production, rassurer les clients qui s’inquiétaient de la solidité financière de Bombardier et ainsi doubler les perspectives de vente de la CSeries, a soutenu M. Bellemare. Ce dernier s’est aussi félicité au passage d’avoir réussi à attirer au Québec un donneur d’ordre de l’envergure d’Airbus. « Une chance », estime-t-il, qui pourrait profiter au Québec, aux fournisseurs d’ici et aux travailleurs.
Questionné sur le taux d’emploi qui sera maintenu à Mirabel, où sont actuellement assemblés les avions de la CSeries, les deux PDG ont rappelé une clause voulant que le principal lieu de production de l’appareil demeurera au Québec jusqu’en 2041, soit pour encore 24 ans.
Certes, des emplois liés à la gamme CSeries seront créés aux installations d’Airbus à Mobile, en Alabama, a reconnu M. Enders, avant de se réjouir de pouvoir ainsi répondre à la nouvelle obsession ( America first) de l’administration Trump. Ces installations américaines pourraient, à terme, embaucher quelque 5 000 travailleurs.
Le président d’Airbus a du même coup cherché à se montrer rassurant. Les emplois créés aux États-Unis ne se feront pas au détriment de ceux d’ici, a-t-il expliqué « Nous n’enlèverons pas d’emplois au Canada. La même inquiétude s’était présentée en Europe lorsque nous nous sommes implantés en Asie. Les gens ont fini par comprendre qu’au contraire, l’ouverture de ces usines nous permettait de demeurer concurrentiels ». Est-ce que l’engagement d’Airbus par rapport au Québec est suffisamment élevé pour que l’avionneur en vienne à décider d’assembler à Montréal ou à Mirabel d’autres modèles Airbus?, a demandé Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM. Évitant d’en prendre l’engagement formel, le grand patron d’Airbus a répondu: « Sky is not the limit. Tout est possible. Commençons d’abord par la CSeries. On verra par la suite. »
Qu’adviendra-t-il de la participation de Bombardier dans la CSeries au-delà de 2024? Sur ce point, M. Enders s’est montré beaucoup moins affirmatif qu’Airbus l’avait été au cours des derniers jours. Jusque-là, Airbus soutenait qu’elle ne tarderait pas à prendre le contrôle total du programme.
Pour sa part, M. Bellemare a précisé que l’objectif de Bombardier était de demeurer impliqué dans le programme aussi longtemps que possible, mais que si, d’aventure, les choses devaient se passer autrement, « la CSeries aura au moins réussi à attirer un nouveau maître-d’oeuvre au Québec ».
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