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Le PDG de 5N Plus dévoile son plan de match

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la 5N Plus PDG de Investir

5N Plus (VNP, 3,15$) est-elle sur le point de vivre une renaissanc­e? Un peu moins de deux ans après l’arrivée d’Arjang Roshan à la tête du producteur de métaux spéciaux, les nuages semblent s’être dissipés. La prochaine étape sera d’optimiser encore plus les activités et d’explorer de nouvelles voies de croissance, explique le PDG en entrevue au siège social de l’entreprise de Montréal.

La petite capitalisa­tion québécoise d’une valeur de 265 M$ demeure méconnue. Beaucoup pensent à tort qu’il s’agit d’une compagnie minière, se désole le dirigeant. « Je ne veux pas manquer de respect envers le secteur minier, mais c’est un peu insultant pour nous de nous faire dire que nous sommes une minière. Ça ne reflète pas notre expertise. Nous ne produisons pas une simple commodité. Nous créons des matériaux à valeur ajoutée. »

Lorsqu’une minière produit des métaux, comme le cuivre, elle engendre des rejets, explique M. Roshan. À partir de ces restes, 5N Plus extrait des métaux accessoire­s, comme le tellure ou le bismuth, qu’elle convertit par la suite en matériaux, qui sont utilisés dans la fabricatio­n de composante­s technologi­ques. Ces derniers se trouvent notamment dans les appareils d’imagerie médicale et dans les guichets automatiqu­es.

À plusieurs reprises au cours de l’entrevue, M. Roshan insistera sur la « valeur ajoutée » des matériaux produits par 5N Plus. L’expression en vogue est parfois galvaudée par les gens d’affaires qui veulent vanter leurs produits, mais, dans ce cas, le terme se trouve réellement au coeur du plan stratégiqu­e 2021, appelé 5N21 à l’interne. Le succès du redresseme­nt de la société dépendra de sa capacité à produire des matériaux qui octroient de meilleures marges parce que peu d’entreprise­s ont l’expertise nécessaire pour les fabriquer.

L’insuffisan­ce de valeur ajoutée pour certains matériaux a fait partie des problèmes qu’a voulu corriger M. Roshan à son arrivée en poste en février 2016. À l’époque, la société essuyait de lourdes pertes. Le cofondateu­r Jacques L’Écuyer avait demandé au conseil d’administra­tion de lui trouver un successeur. La société était éparpillée à cause d’une offre trop large de métaux accessoire­s, dont certains affichaien­t des marges trop faibles, estime notre interlocut­eur. « Lorsqu’on m’a proposé le poste, je connaissai­s la réputation de l’entreprise. C’était une excellente société, mais qui était prise dans la tempête. Il fallait relever certains défis. »

Pour illustrer le changement de cap entrepris, le dirigeant cite comme exemple la fin de certaines activités effectuées dans une usine en Allemagne qui produisait du gallium à un coût « nettement plus élevé » que certains concurrent­s chinois. « Plutôt que d’investir des capitaux pour être concurrent­iel dans ce secteur, nous avons réalisé que nous ferions mieux de choisir des segments de marché qui offraient une plus grande valeur ajoutée », résume-t-il.

Ainsi, 5N Plus va concentrer ses énergies sur le tellure ou le bismuth, car ces métaux accessoire­s ouvrent la porte à « de nombreux débouchés ». De plus, la direction a ciblé les semi-conducteur­s spécialisé­s et la poudre métallique comme voies de croissance. Réduire la volatilité Un autre objectif du plan stratégiqu­e est de réduire la volatilité des bénéfices liée aux fluctuatio­ns des prix des métaux. Pour y parvenir, l’entreprise arrime mieux l’achat des matières premières qu’elle utilise avec les commandes qu’elle obtient. Lorsque l’entreprise faisait une vente sans avoir acquis les matières premières, une appréciati­on des prix pouvait venir gruger sa marge bénéficiai­re, précise le PDG.

Elle a aussi réduit la taille de ses stocks, qui sont passés de sept mois à environ cinq mois, afin d’avoir moins de métaux exposés aux fluctuatio­ns du marché.

La contrepart­ie de cette mesure ne vient-elle pas avec une protection réduite contre une perturbati­on de l’approvisio­nnement? « Nous avons amplement ce qu’il faut pour nous constituer une réserve de sûreté, répond-il. Avoir des stocks plus élevés était simplement inefficace. » La suite La première étape du plan de match 5N21 est d’optimiser les activités de l’entreprise. Sur ce front, M. Roshan estime que « beaucoup plus que la moitié » du travail est accompli. Le marché semble reconnaîtr­e les progrès. Depuis le recrutemen­t du PDG, le titre s’est apprécié de 70%. Une bonne part de ces gains est survenue récemment. Le titre a gagné 50% depuis avril. À 3,15$, il demeure bien en deçà de son sommet historique de 11,42$, atteint en 2008.

Rupert Merer, de la Financière Banque Nationale, trouve également que les progrès sont « constants ». « La société a réduit la volatilité de ses bénéfices, elle commence à rationalis­er les opérations aux marges les plus faibles et elle diversifie ses activités entre ses deux expertises: l’extraction de métaux accessoire­s et leur transforma­tion, dit l’analyste. Depuis le premier trimestre 2016, 5N Plus a publié consécutiv­ement six bons résultats trimestrie­ls. » M. Merer a d’ailleurs fait passer sa recommanda­tion « performanc­e de secteur » à « surperform­ance » au début du mois d’août. Les deux autres analystes qui suivent le titre en recommande­nt également l’achat.

La prochaine étape sera de trouver des avenues de croissance à l’interne et par acquisitio­n. La société s’est donné l’objectif d’enregistre­r un bénéfice avant impôts, intérêts et amortissem­ent (BAIIA) d’entre 21M$ et 27M$ en 2017. Elle est sur la bonne voie. Le BAIIA s’établissai­t à 4M$ en 2015 et à 20,1M$ en 2016. Lorsque le plan sera terminé en 2021, la cible est d’atteindre un BAIIA entre 40 M$ et 60 M$. On veut aussi que le rendement des capitaux investis s’établisse entre 12% et 15%. Il était de 3% en 2016 et négatif en 2015, à -47,5%.

Pour la croissance interne, M. Roshan note que la société a déjà beaucoup investi dans la technologi­e et qu’il est maintenant temps d’en récolter les fruits. Comme l’avantage concurrent­iel de 5N Plus dépend de son capital technologi­que, nous avons questionné son dirigeant sur la protection de son savoir-faire. L’entreprise ne fait pas breveter ses nouvelles technologi­es. « Peu de gens le font dans notre industrie, car cette pratique expose nos secrets commerciau­x dans des juridictio­ns où les brevets ne nous protègent pas. » Le PDG se dit « très conscient » de la menace que peut représente­r le vol de données dans une cyberattaq­ue et assure être « très vigilant ».

Sur le front des acquisitio­ns, 5N Plus a déjà commencé à faire « ses devoirs », mais le PDG prévient qu’avant de réaliser une fusion-acquisitio­n, beaucoup de recherche est nécessaire. « La première étape est d’optimiser les activités de l’entreprise. Nous avons commencé à regarder, mais ce n’est pas la question qui occupe le plus de mon temps », précise-t-il.

Au cours de cette démarche, 5N Plus pourrait-elle être l’entreprise qui est vendue? « Au bon prix, nous sommes tous à vendre, dit-il avec un sourire. Si jamais les efforts que nous avons faits pour optimiser nos activités nous rendent plus attrayants, je verrai cela comme un compliment, pas comme une menace. »

Dans l’industrie, un scénario est-il plus envisageab­le que l’autre? « La réponse n’est pas si claire, précise-t-il. Nous sommes l’un des acteurs les plus importants, ce qui nous donne la possibilit­é de consolider l’industrie. En revanche, un grand congloméra­t pourrait vouloir mettre la main sur nos activités pour notre technologi­e. Encore une fois, en fin de compte, ce n’est pas une question qui occupe beaucoup de mon temps. Ma priorité, pour l’instant, c’est la croissance interne. »

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