Les Affaires

La transforma­tion de l’aluminium : le potentiel des produits de niche

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

Bon an mal an, le Canada produit entre 2,8 et 3 millions de tonnes (Mt) d’aluminium primaire. Pourtant, ses industries en consomment relativeme­nt peu: de 450000 à 600000 tonnes par année, tout au plus.

L’immense majorité est exportée (85% en 2015) pour être transformé­e ailleurs, principale­ment aux États-Unis, où l’industrie de la transforma­tion demeure probableme­nt la plus développée du monde. Une partie de ces produits semi-finis sont ensuite réexpédiés au Canada (et au Québec) pour répondre aux besoins des secteurs des transports et de la constructi­on.

Cette tendance s’est accentuée au cours des dernières années. Dans le secteur des semi-finis (produits laminés, extrudés, forgés, moulés, etc.), le Canada est devenu en 2012 un importateu­r net. Les livraisons américaine­s de semi-finis ont atteint 470000 tonnes en 2015.

Selon un rapport de la Commission américaine du commerce internatio­nal, beaucoup d’entreprise­s canadienne­s préfèrent importer leurs produits semi-finis des États-Unis ou d’ailleurs plutôt que de s’approvisio­nner chez les producteur­s canadiens. Bombardier, par exemple, fait venir certaines plaques d’un laminoir d’Aleris – une société américaine – situé à Zhenjiang, en Chine.

Québec essaie depuis des années de stimuler le secteur de la transforma­tion. C’était l’un des principaux objectifs de sa Stratégie québécoise de développem­ent de l’aluminium lancée en 2015: doubler la transforma­tion au Québec en faisant passer la valeur du marché de 5 à 10 milliards de dollars d’ici 2025.

Les semi-finis: la cour des grands

Dans le cas des semi-finis, cependant, le marché québécois demeure limité. Sonaca Montréal, filiale située à Mirabel du groupe belge Sonaca, fabrique des pièces de voilures aéronautiq­ues en aluminium pour les avions d’affaires et régionaux. Or, pour concevoir ses panneaux d’ailes, elle a besoin de plaques gigantesqu­es qui, simplement, ne se trouvent pas au Québec.

« Nos panneaux ont en moyenne 30 à 40 pieds de long, dit Paul Stafiej, vice-président stratégie, développem­ent des affaires et innovation. Ils sont aussi machinés avec des raidisseur­s déjà intégrés. Ça veut dire que les plaques qu’on utilise doivent être plus épaisses, jusqu’à deux pouces et demi. Donc, si la plaque mesure 45 pieds, elle peut peser jusqu’à 8 000 ou 9 000 livres. »

Sonaca fait donc venir ses plaques du laminoir d’Arconic à Davenport (Iowa), ou encore d’Allemagne ou de France... mais certaineme­nt pas du Québec. Inversemen­t, même lorsqu’elle livre à Bombardier, par exemple, ce n’est pas directemen­t. « On livre des produits pour Bombardier qui sont pas livrés directemen­t à Bombardier, dit M. Stafiej. Pour le Global 7000, par exemple, les panneaux sont livrés au Texas, parce que le client de Bombardier, c’est Triumph Aerostruct­ures, qui dessine et fabrique l’aile près de Dallas. »

Le Québec compte bien quelques petits extrudeurs, comme Pexal-Tecalum, une entreprise d’Alma de 18 employés qui fabrique des extrusions exclusivem­ent sur mesure pour des clients dans la constructi­on et les transports, notamment. « Au Québec, on est quatre extrudeurs, pour des marchés spécifique­s, dit Jean-Guy Plourde, son directeur général. Nous, on est spécialisé­s dans les dimensions hors-normes et dans la qualité. On ne va pas dans le volume de masse. On est bons sur les délais de livraison, la qualité et les formes spécifique­s, l’extrusion fine qui a besoin de précision, parce que notre équipement est relativeme­nt moderne. Il n’a pas plus de trois ans. Le parc d’équipement au Québec est normalemen­t assez vieux. »

Pour Malika Cherry, directrice de la Société de la Vallée de l’aluminium, le Québec doit miser sur des produits nichés et taillés sur mesure s’il veut développer son secteur.

« On a une expertise unique, une concentrat­ion d’experts unique au monde, dit-elle. Il faut exploiter ces avantages pour faire des produits qui ont une haute valeur ajoutée. L’expertise va ajouter de la valeur à ces produits, mais ce ne sera pas nécessaire­ment des gros volumes. Les coûts de transport deviennent alors négligeabl­es dans le prix final. C’est comme ça qu’on va se démarquer. »

Il s’agit de répertorie­r les « trous » dans la chaîne de valeur et de voir s’ils ne constituen­t pas des occasions d’affaires.

« Il faut déterminer quels marchés pourraient être les plus porteurs, mais aussi avoir des promoteurs avec des idées innovantes pour développer de nouvelles entreprise­s, dit Mme Cherry. Quand on regarde les Européens, on constate qu’ils ont une trentaine d’années d’avance sur nous sur le plan de l’utilisatio­n de l’aluminium. Il y a beaucoup de méthodes d’utilisatio­n qui ne sont pas nécessaire­ment compliquée­s et qui existent déjà ailleurs. Des fois, on a simplement à considérer les choses qui se font ailleurs, mais qui ne se font pas actuelleme­nt en Amérique du Nord. »

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