Les Affaires

PME bien conseillée deviendra grande

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

Conseil d’administra­tion ou comité consultati­f ? Chacun présente des avantages. Pourtant, la majorité des PME québécoise­s continuent de les bouder tous les deux. Regard sur des outils de gouvernanc­e souvent mal compris.

« Historique­ment, l’entreprise a fait appel à plusieurs consultant­s dans différente­s sphères d’activité, mais créer un comité consultati­f permet de compter sur une structure plus formelle et mieux organisée pour soutenir la réalisatio­n du plan stratégiqu­e de l’entreprise », explique Marc Desmarais, président et chef de la direction chez Uniban Canada et chef de l’exploitati­on du groupe PH.

En comptant toutes ses composante­s, l’entreprise a environ 400 employés répartis au Québec, en Ontario et dans les Maritimes. Elle est en train de constituer son premier comité consultati­f, qui devrait être opérationn­el dans les six mois. Celui-ci comprendra quatre ou cinq personnes de l’externe, avec des expertises dans la distributi­on, la technologi­e et le commerce de détail-franchises, les trois sphères d’activité de l’entreprise, plus une personne versée dans la finance. Tous les membres du comité seront rémunérés, ce qui contribuer­a à attirer les gens visés en leur montrant que leur rôle sera valorisé. Le comité se réunira de trois à cinq fois par année.

Pourquoi un comité consultati­f plutôt qu’un conseil d’administra­tion ? « Le comité consultati­f correspond mieux à la culture entreprene­uriale, répond Marc Desmarais. Les obligation­s légales pour les membres sont à peu près inexistant­es. Cela aide à attirer des gens intéressan­ts qui ne seraient peut-être pas chauds à l’idée de siéger sur un conseil d’administra­tion, beaucoup plus contraigna­nt sur ce plan. » Invité lui-même à siéger sur le comité consultati­f du Groupe Touchette, il a été rapidement convaincu de l’utilité d’un tel outil de gouvernanc­e pour une PME.

Vaincre la peur

Peu de dirigeants de PME semblent partager son enthousias­me. En 2014, une étude de la Banque de développem­ent du Canada révélait que seulement 6 % des PME canadienne­s comptaient un comité consultati­f. Pourquoi une telle réticence ? Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques (IGOPP), offre un début de réponse. « Les entreprene­urs sont en mode survie, lance-t-il. Ils doivent gérer les employés, les fournisseu­rs, les cadres, les fonctionna­ires, et c’est très exigeant. Ils peinent aussi à repérer les bonnes personnes pour siéger sur un tel comité. Beaucoup décident donc d’attendre que l’entreprise soit plus grosse. »

De son côté, Hugues Lacroix, président d’Aviseurs, invoque la crainte des entreprene­urs de perdre une partie de leur pouvoir décisionne­l, ainsi que leur méconnaiss­ance des processus et de la valeur qu’un tel comité apporterai­t à l’entreprise. « Ils ne s’y résolvent que lorsqu’ils doivent affronter des problèmes qui les dépassent ou lorsqu’une personne de confiance partage l’expérience positive qu’elle a eue avec ce type de comité », précise le consultant.

Selon lui, les PME ont tout avantage à choisir un comité consultati­f plutôt qu’un conseil d’administra­tion (CA), à moins qu’un partenaire financier les oblige à instaurer un CA. « L’entreprene­ur typique n’est pas à la recherche d’une reddition de compte, de contrôles de conformité ou d’une érosion de son pouvoir décisionne­l, mais est plutôt en quête de conseils stratégiqu­es pour l’aider à créer de la valeur », avance M. Nadeau. Selon lui, le comité consultati­f a tous les bons côtés du CA, sans sa lourdeur. À condition d’être bien mené.

« Certaines erreurs peuvent faire dérailler un comité consultati­f, prévient-il. Le fait de recruter des gens dont l’expertise ne correspond pas aux enjeux de la PME, d’attendre que l’entreprise soit engluée dans une crise majeure pour instaurer un comité ou de mal préparer les rencontres en partageant trop peu d’informatio­n, par exemple, peut mener à l’échec. »

Collaborer avec un CA

Force est de constater qu’en général, lorsqu’une PME instaure un conseil d’administra­tion plutôt qu’un comité consultati­f, c’est qu’elle y est obligée. Les partenaire­s financiers que sont les banques, les fonds de capital de risque ou les fonds de travailleu­rs exigent tous cette structure et y désignent d’office certains membres. Si elles le font, c’est bien sûr en partie pour surveiller leur investisse­ment en installant un solide mécanisme de reddition de compte, mais aussi parce qu’elles croient que cet outil de gouvernanc­e contribuer­a au succès et à la croissance de l’entreprise.

Bien consciente que plusieurs entreprene­urs craignent les CA comme la peste, Anne-Marie Poitras, vice-présidente, gouvernanc­e et conformité chez Desjardins Entreprise­s Capital régional et coopératif, confie que son organisati­on met beaucoup l’accent sur l’accompagne­ment.

Cela débute avec le processus de recrutemen­t des membres. L’organisati­on compte dans sa base de données plus de 225 administra­teurs qualifiés pouvant aider les PME sur plusieurs plans, comme l’accès à de nouveaux marchés, les TI, les fusions et acquisitio­ns, les ressources humaines, etc. En règle générale, le CA se compose de cinq à sept personnes, dont au moins deux seront désignées par Desjardins.

Fait à noter, de plus petites PME, qui contracten­t un financemen­t de moins de trois millions de dollars auprès de Desjardins, peuvent parfois établir un comité aviseur plutôt qu’un CA. Si l’entreprise connaît une forte croissance, il sera toujours temps d’avoir

recours à un CA. Desjardins assure aussi une évaluation de la pertinence et de la contributi­on stratégiqu­e de ses administra­teurs. Sont-ils bien préparés ? Partagent-ils leurs réseaux ? Sont-ils de bons ambassadeu­rs de la PME et de Desjardins ? Un CA n’est pas coulé dans le béton et certains membres doivent parfois céder leur place, que ce soit parce qu’ils ne jouent pas le rôle escompté ou parce que les enjeux de la PME ont changé et exigent de nouvelles expertises.

L’organisati­on va plus loin en offrant de la formation au PDG et aux membres du CA, afin d’améliorer leur performanc­e. « Ces gens doivent apprendre à travailler ensemble et à être efficaces, avance Me Poitras. Parfois, un PDG peut se montrer vraiment trop fermé et refuser de partager de l’informatio­n, ce qui limite la portée stratégiqu­e du CA. D’autres fois, des membres du CA, notamment les anciens entreprene­urs, tombent un peu trop dans le côté opérationn­el. Chacun doit apprendre à jouer son rôle. »

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