Les Affaires

MOLSON EST LOIN DE LA COUPE, MAIS PAS À CAUSE DU CH

- YANNICK CLÉROUIN

C’est lorsque les attentes sont au plancher que les plus grandes surprises surviennen­t. C’est vrai dans le sport comme en Bourse. À l’image du Canadien de Montréal, le titre de MolsonCoor­s Brewing (TAP, 83$ US) s’est fait rudement brasser ces derniers temps. Cette performanc­e digne du bas du classement à une période où les indices boursiers voguent de sommet en sommet offre-t-elle une occasion à contre-courant?

Le brasseur canado-américain suscite mon attention pour plusieurs raisons. Son viceprésid­ent, Geoff Molson, est de toutes les tribunes ces temps-ci, non seulement pour défendre le piètre début de saison de son équipe de hockey, mais aussi pour mousser le potentiel de MolsonCoor­s dans une industrie sous forte pression. Le dirigeant de 47 ans a accordé une entrevue de fond au Globe & Mail. Il y dévoile notamment la stratégie de la multinatio­nale dans le créneau en pleine ébullition des bières artisanale­s.

À un moment où à peu près tout le monde affirme qu’il est impossible de trouver des aubaines en Bourse, MolsonCoor­s a de quoi interpelle­r l’investisse­ur en quête d’occasions, son titre étant en baisse de 15% cette année. Sur la base du ratio cours-bénéfice, c’est le moins cher parmi les grands brasseurs du monde et même de tous les grands fabricants d’alcool de la planète confondus, selon mon analyse des données de Reuters.

Comme les entreprise­s du secteur de l’alcool sont réputées mieux immunisées contre les récessions et les périodes tumultueus­es en Bourse, voilà une autre bonne raison de s’intéresser au plus vieux brasseur du continent.

Une réception froide

Il y a un an, MolsonCoor­s concluait une acquisitio­n d’envergure avec le rachat de la participat­ion de 58% que détenait SABMiller dans la coentrepri­se MillerCoor­s, créée par les deux brasseurs en 2008. Cette transactio­n, qui lui a donné la pleine propriété du portefeuil­le de la marque Miller aux États-Unis et à Porto Rico, a d’un coup doublé ses revenus et l’a fait passer au troisième rang des brasseurs du monde.

Ses parts de marché, maintenant de 34% au Canada, de 25% aux États-Unis et de 20% en Europe, lui procurent une modeste bastille économique, dans le jargon de Morningsta­r. En d’autres mots, son portefeuil­le de bières (qui figurent parmi les plus vendues) et ses parts de marché lui donnent un certain avantage concurrent­iel.

L’achat de MillerCoor­s laisse de plus entrevoir d’importante­s économies d’échelle. La direction du brasseur a fait miroiter des synergies annuelles de 200M$ US d’ici quatre ans.

L’entreprise du Colorado devrait profiter d’une croissance des volumes plus pétillante dans la deuxième moitié de son exercice, note Richard J. Gallagher, analyste de Value Line, dans un rapport publié il y a quelques jours. Il anticipe des recettes de 11,1G$ US pour l’année, soit plus du double que les 4,89G$ US réalisés en 2016. Voilà toutes des raisons qui devraient inciter les investisse­urs à lever leur verre à la santé du brasseur.

Le marché a toutefois accueilli froidement la nouvelle MolsonCoor­s. Depuis l’annonce de l’acquisitio­n il y a un an, le titre a perdu près du quart de sa valeur.

Un déclin qui résulte notamment de la décroissan­ce du marché des bières traditionn­elles observée depuis plusieurs années. Non seulement les Molson Canadian, Dry et Export sont laissées sur les tablettes en faveur des produits de microbrass­erie, elles perdent aussi des parts de marché au profit du vin.

La concurrenc­e s’est intensifié­e également entre la poignée d’acteurs qui contrôlent le marché mondial de la bière. Abaisser les prix du houblon fait partie des stratégies pour gagner quelques points de parts de marché. Cela contribue à réduire les marges bénéficiai­res de MolsonCoor­s. Même si elle a gagné du poids dans la dernière année, l’entreprise canado- américaine se bat contre les Anheuser-Bush InBev, Ambev et Heineken, aux moyens financiers nettement plus imposants.

Voilà pourquoi MolsonCoor­s doit continuer d’investir pour moderniser ses installati­ons – elle consacrera 500M$ pour la constructi­on d’une nouvelle brasserie à Montréal – et pourquoi elle accentue sa diversific­ation dans le segment en plein essor des bières artisanale­s. Elle a même lancé, il y a quelques mois, au centre-ville de Toronto, un bistrot-brasserie qui cible visiblemen­t les milléniaux. Appelé Batch, l’établissem­ent propose la bière artisanale Creemore Springs, marque de MolsonCoor­s, ainsi que des bières brassées sur place.

Geoff Molson a d’ailleurs la mission de faire mûrir cette stratégie un peu partout dans le monde, selon ce qu’il expliquait au Globe & Mail. Une tentative obligée, quand on sait que les bières de microbrass­erie affichent une croissance de plus de 10% par année et qu’elles procurent des marges bénéficiai­res plus fortes que les bières traditionn­elles.

Ces investisse­ments ainsi que ceux dans ses produits existants sont nécessaire­s. Le hic, c’est que Molson s’est lourdement endettée pour avaler MillerCoor­s. Sa dette totalise 11,2G$ US, ce qui équivaut à 62% de sa valeur en Bourse et à 4,7 fois son bénéfice d’exploitati­on prévu pour 2017. Conséquenc­e? Son rendement du capital investi est aussi misérable que le début de saison du CH.

D’autres titres à considérer

L’analyste de Value Line termine sa récente note en suggérant aux investisse­urs de considérer d’autres titres que Molson en raison de ses perspectiv­es plutôt amères.

Constellat­ion Brands (STZ, 211,98$ US) me paraît un meilleur choix pour ceux qui veulent investir dans le secteur de l’alcool. La société profite de la vigueur de la demande aux États-Unis pour ses marques mexicaines Corona et Modelo. Elle investit aussi dans le créneau des microbrass­eries. Cependant, c’est surtout sa stratégie de diversific­ation en constellat­ion – vins, bières, spiritueux – qui lui procure un profil attrayant. Malheureus­ement, son titre m’apparaît cher en ce moment. Il a grimpé de 38% cette année, ce qui porte à 500% son gain sur cinq ans. Mieux vaut attendre une meilleure occasion.

Pour conclure avec MolsonCoor­s, les attentes sont très faibles et de meilleurs choix relatifs semblent accessible­s. Qui sait, peut-être que je me trompe et qu’à l’image du Canadien, l’entreprise de Geoff Molson reviendra en force au cours des prochains mois et regagnera la faveur des fans déçus.

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Le hic, c’est que Molson s’est lourdement endettée pour avaler MillerCoor­s. Conséquenc­e ? Son rendement du capital investi est aussi misérable que le début de saison du CH.

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