Les Affaires

Votre culture d’entreprise est-elle vivante ?

- Événements Les Affaires Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Il en va des cultures d’entreprise­s comme des cultures nationales : qu’elles soient décrites ou non dans un document officiel, les vraies valeurs s’incarnent dans tout ce qui s’entend et s’aperçoit, des murs au mobilier en passant par les vêtements. Donc, économisez vos mots et transmette­z votre culture... sans la mentionner.

C’est ce que fait Ubisoft Montréal. « C’est important pour les gens de vivre notre culture, plus que de la lire et de la comprendre intellectu­ellement. On la communique donc par des actions », explique Jean-Philippe Grou, le directeur des communicat­ions chez Ubisoft Montréal. Il sera conférenci­er le 5 décembre à l’événement Communicat­ion interne, organisé par le Groupe Les Affaires.

Donner vie à sa culture est notamment une façon de garder ses employés impliqués et de gonfler leur fierté par rapport à leur entreprise et aux projets sur lesquels ils travaillen­t. Pour faire connaître ses valeurs de façon expérienti­elle, Ubisoft Montréal soutient, par exemple, un système de reconnaiss­ance par les pairs. C’est le système des « Gnomies », un clin d’oeil aux Grammys. De quoi s’agit-il ? Ce sont de petits nains de jardin, des statuettes trophées qu’un employé donne à un autre pour le féliciter d’un bon coup. Chaque fois qu’une personne reçoit un des quarante Gnomies en circulatio­n, il doit ensuite le passer à quelqu’un d’autre.

Cette façon de faire colle bien à la culture d’Ubisoft Montréal. C’est une initiative flexible sans être formelle ni top down qui fait place à la spontanéit­é de même qu’à la créativité. C’est également un système qui favorise la proximité entre les gens, un élément de culture qui distingue Ubisoft Montréal d’autres joueurs dans l’industrie. « Le seul problème est que l’on n’a pas assez de statuettes ! relate Jean-Philippe Grou. Au moment de mettre l’initiative sur pied, on pensait qu’elle durerait six mois. Ça fait maintenant deux ans et ça continue. »

L’importance de l’espace

L’espace physique et son agencement en disent long sur la culture. Chez Ubisoft, plusieurs espaces sont décorés de cadres qui mettent en valeur des photos qui soulignent des moments marquants et moins marquants des 20 dernières années : fête de Noël de 2005, employé qui travaille à son bureau, conférence de presse, etc. « Nous sommes 3 000 employés ici, mais on veut créer une proximité. Les photos permettent de créer un sentiment d’appartenan­ce. Comme les photos dans une maison, ces images-là donnent un aspect familial à notre studio », explique Jean-Philippe Grou.

Richard Déry, professeur au départemen­t de management de HEC Montréal, reconnaît lui aussi que la culture dépasse largement les mots. « Quand vous êtes en Italie, en France ou en Espagne, vous ressentez naturellem­ent que vous êtes en Italie, en France ou en Espagne avant même d’avoir entendu un seul son. Pas besoin de savoir ce que dit le gouverneme­nt espagnol de la culture espagnole. C’est pareil en entreprise. » L’habillemen­t, par exemple, en dit beaucoup. La cravate et les jupes aux chevilles parlent du profession­nalisme un peu froid du bureau d’avocat. Le t-shirt et le jeans parlent d’un environnem­ent de travail plus créatif. Les longues vacances permises au moment de la semaine de relâche soulignent l’engagement d’une entreprise à favoriser la qualité de vie de ses employés. Les repas, les heures ou les horaires de travail, les outils et le langage sont autant d’autres éléments qui en disent long sur la culture d’entreprise, et qui communique­nt les valeurs de celle-ci.

Les employés s’attendent à de l’authentici­té de la part de leur employeur. « On veut de l’authentici­té, de la cohérence, indique Richard Déry. Les humains ne sont pas naïfs. Ils décodent vite les us et coutumes, ce qui est important et ce qui ne l’est pas, ce qui est valorisé et ce qui ne l’est pas. »

Comme les gens arrivent rapidement à déchiffrer les valeurs dominantes d’une organisati­on, qu’elles soient énoncées ou pas, les entreprise­s s’exposent à un grand risque si elles disent valoriser des choses qu’elles ne priorisent pas réellement. « Quand ça arrive, c’est découragen­t pour les employés, relate Richard Déry. Ils ont l’impression d’être instrument­alisés. »

Il faut donc éviter d’énoncer des valeurs qui contredise­nt nos façons de faire, à moins qu’elles incarnent un objectif que l’on dit vouloir atteindre, et éviter également de multiplier inutilemen­t les valeurs que l’on prétend défendre. S’il y a trop de valeurs, il devient difficile d’être conséquent et de rester cohérent.

Une entreprise doit aussi reconnaîtr­e que sa culture n’est pas homogène, et tolérer, sinon encourager des sous-cultures départemen­tales. « Si vous êtes une entreprise comme Apple, vous valorisere­z naturellem­ent l’innovation et la créativité, explique Richard Déry. C’est bien, mais c’est aussi correct si vos comptables ne sont pas du genre à briser les règles et les convention­s. »

la

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada