Les Affaires

L’ÉCONOMIE DE LA GASPÉSIE, AU-DELÀ DU TOURISME

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

Ce jour-là, fin septembre, trois beaux paquebots étaient ancrés dans la baie de Gaspé. De gros bateaux. « Mais pas si gros que ça », soupirait Olivier Nolleau, directeur de la Chambre de commerce et de tourisme de Gaspé.

La ville s’attendait à recevoir deux jours plus tard la visite d’un géant, le Queen Elizabeth 2, avec près de 2 000 passagers. Une grande manne pour l’économie locale. Hélas, il sera finalement passé tout droit, en route vers Québec. Ayant dû réduire sa vitesse dans le golfe du Saint-Laurent, il devait sacrifier des escales. Gaspé a ainsi été mise de côté.

La raison de ce ralentisse­ment obligé ? La mort d’une douzaine de baleines franches, dans un laps de temps limité, imputée en partie à des collisions avec les gros bateaux alors que l’espèce, menacée, ne compterait aujourd’hui que 600 individus. La décision, au départ temporaire, pourrait devenir permanente.

C’est un autre exemple de la conciliati­on difficile des usages dans le golfe et le fleuve. Circulatio­n maritime, environnem­ent naturel à préserver… Au moins, l’été 2017 a été hautement profitable à l’industrie touristiqu­e gaspésienn­e, ce qui prolonge une séquence heureuse. « Nous avons encore vu beaucoup d’étrangers, des Américains et des Européens, souligne Marie-Claude Giasson, directrice de l’hôtel Plante, au centre-ville. De la mi-juin à la fin de septembre, nous fonctionno­ns à plein. La saison s’est étirée. »

Simon Poirier, nouveau propriétai­re du réputé bistro Brise-Bise, a lui aussi noté une belle augmentati­on de son achalandag­e, déjà régulier. « Le taux de change a aidé », dit-il. Et comment : les clients attendaien­t jusque sur le trottoir pour avoir une place…

Étonnant ? Pas vraiment. La région est vraiment sur une belle lancée, et quelques événements y ont contribué.

La gratuité dans les parcs fédéraux, en 2017, a mené à une augmentati­on de 30 % de la fréquentat­ion du magnifique parc national Forillon, à la pointe de la Gaspésie. Ultra-couru, le festival Musique du bout du monde, à Gaspé, a connu une édition encore plus populaire. « Au point qu’il n’y avait plus aucune place pour séjourner de Sainte-Anne-des-Monts, du côté nord de la Gaspésie, à New Carlisle, du côté sud », dit Olivier Nolleau. On parle ici de plus de 400 km de côtes où tous les types d’hébergemen­t étaient occupés… Des résultats impression­nants, mais il reste encore du travail à faire, reconnaît-il. Le tourisme d’hiver est à développer. En Gaspésie, il neige beaucoup. Ce sera tôt ou tard un grand avantage.

L’accès, un grand enjeu

Plus important encore demeure l’accès à la région. Le train ne s’y rend plus, même si le trajet est saisissant. La voie est en trop mauvais état, endommagée par les débordemen­ts de la mer. On évoque un investisse­ment d’une centaine de millions de dollars pour la remettre à niveau. La desserte par autocar, elle, est en déclin depuis deux ans avec des fréquences réduites. Et l’avion coûte cher : le prix est le même, dit-on, pour un trajet Montréal-Gaspé que pour un billet Montréal-Paris… Les tarifs d’Air Canada commencent cependant à baisser en raison des pressions, de la concurrenc­e de Pascan (qui dessert Bonaventur­e, dans la baie des Chaleurs) et du projet d’un nouveau transporte­ur, baptisé Lindbergh, qui sabrerait fortement dans les prix. Et il y a la voiture. Les points de vue sont souvent spectacula­ires, mais la route est longue. Tout dépend du temps dont on dispose.

La Gaspésie, aux confins du Québec, sera toujours aussi attirante, avec son offre touristiqu­e plus sophistiqu­ée et ses attraits naturels immuables. Comme le chantait Robert Charlebois : « Le rocher Percé est toujours là et il bouge pas... »

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Le rocher Percé, grand symbole de la Gaspésie, attire des dizaines de milliers de touristes par an.
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La gratuité dans les parcs fédéraux, en 2017, a mené à une augmentati­on de 30 % de la fréquentat­ion du parc national Forillon, à la pointe de la Gaspésie.

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