Les Affaires

Le coup de barre donné par François Rioux à Matane

- – René Vézina

L’idée lui est venue à 11 000 m d’altitude, en avril 2015, alors qu’il revenait de Seattle, en lisant un article sur une initiative lancée par le gouverneur de l’Iowa pour encourager les économies locales. Il s’est dit que celle-ci pourrait être adaptée pour stimuler l’économie de la Matanie, qui englobe la ville de Matane et ses environs, dans le nord-ouest de la Gaspésie. Ces réflexions de François Rioux, président du Groupe Bertrand Rioux, l’ont mené à imaginer FIDEL : le Fonds d’innovation et de développem­ent économique local. Une formule qui pourrait être avantageus­ement reprise par toutes les régions du Québec qui souhaitent donner un nouveau souffle à leur économie en misant sur l’engagement du milieu.

En temps normal, François Rioux dirige les activités de l’entreprise fondée par son père il y a 60 ans. Celle-ci est aujourd’hui active dans les domaines de la constructi­on, de l’immobilier résidentie­l et commercial, des résidences pour personnes âgées. Elle comprend aussi le Groupe Riotel, qui compte quatre hôtels : un à Bonaventur­e, un à Percé et deux à Matane, dont l’établissem­ent phare situé sur le barachois, à l’embouchure de la rivière Matane.

L’homme d’affaires est aussi un citoyen préoccupé par l’avenir de sa communauté. Il a compris qu’il ne fallait pas attendre les faveurs venues d’en haut pour progresser, d’autant que le climat environnan­t était morose. Il fallait donner un coup de barre.

1,5 M$ en banque

À son retour à Matane, au printemps 2015, il s’est donné une mission : convaincre 50 entreprene­urs locaux d’investir chacun 5 000 $ dans un fonds pour soutenir des initiative­s tant locales qu’extérieure­s, « endogènes et exogènes », selon ses propres mots. Dans les faits, l’objectif était de favoriser l’expansion d’entreprise­s existantes en Matanie et d’attirer de nouveaux investisse­ments. Pour lui, si la communauté amassait ainsi 250 000 $, les trois paliers de gouverneme­nt (local, provincial et fédéral) en ajouteraie­nt autant, et le Fonds atteindrai­t le million de dollars.

François Rioux a d’abord dressé une liste d’une centaine d’entreprise­s qui étaient d’une façon ou d’une autre en affaires avec le Groupe Bertrand Rioux. Dix d’entre elles ont embarqué rapidement. Pour la suite, il lui a fallu user de toute sa persuasion pour gagner une à une les autres, incertaine­s ou carrément sceptiques. Rencontres et appels téléphoniq­ues à répétition… Même pour 5 000 $, l’adhésion était lente. À la fin, il a compris que, pour les plus petites ou les plus jeunes, la bouchée était dure à avaler d’un coup. Cependant, si on échelonnai­t le paiement sur quelques années, elle passerait plus facilement. « Ce dont j’avais besoin, dit-il, c’était un engagement ferme, même si on devait me signer des chèques échelonnés sur cinq ans. »

Il y est parvenu. FIDEL a été incorporé en février 2015, avec un conseil d’administra­tion que M. Rioux préside toujours. Ottawa a emboîté le pas, puis la Ville et la MRC, chacune y allant d’une contributi­on de 250 000 $.

Québec n’a pas suivi, malgré ses profession­s de foi envers le développem­ent régional, mais François Rioux n’a pas abandonné. Surtout que l’engagement local a fait des petits. Le groupe de 50 entreprene­urs des débuts est passé à 130, si bien qu’avec les contributi­ons gouverneme­ntales, FIDEL dispose aujourd’hui d’un coffre de guerre de près de 1,5 M$.

Avec un tel coussin, on a pu engager un directeur innovation et développem­ent, Jean Langelier, assez convaincu du bien-fondé du projet pour déménager avec sa famille de Longueuil à Matane, ainsi qu’un chargé de projets et un démarcheur. Aux entreprise­s locales, on demande ce qu’il leur faudrait pour croître davantage, tout en offrant aux autres du soutien pour s’établir à Matane.

FIDEL dispose maintenant de locaux au centre-ville de Matane, qui serviront entre autres d’incubateur pour les entreprise­s naissantes. On offre aussi des bourses entreprene­uriales de 100 000 $ sur cinq ans.

Les plus gros investisse­ments sont tout aussi convoités : dans quelques semaines, si tout va bien, un premier projet d’importance, de l’ordre de 22 millions de dollars, pourrait être annoncé.

« Au lieu de regarder ce qui ne va pas chez nous, pourquoi ne pas voir ce que l’on a ? » demande François Rioux, en ajoutant qu’à ses yeux il serait souhaitabl­e que les gens d’affaires, comme lui, redonnent à leur communauté et que si l’exemple était repris ailleurs au Québec, l’économie ne s’en porterait que mieux…

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Serge Bernier, Adam Bélanger, Martin Lefrançois, François B. Rioux, Enrico Carpinteri, Dany Murray et René Gauthier du Fonds d’innovation et de développem­ent économique local

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